Une question posée sur CheckNews
Pour sa sécurité, il est impossible de savoir ce que le cinéaste Jafar Panahi prépare en ce moment. Une discrétion de mise, car en Iran l'exercice de son métier est risqué et l'artiste s'expose à une peine de prison. Ce qu'il a déjà subi par le passé.
Arrêté en 2010 pour «activités contre la sécurité nationale et propagande contre le régime», le cinéaste était interdit de faire des films, d'écrire des scénarios, de voyager ou de donner des interviews. Comme l'expliquait alors Libé, il avait mis en scène cet enfermement, tournant son film Taxi Téhéran dans la clandestinité. Œuvre pour laquelle il reçu en 2015 l'ours d'or du meilleur film de la Berlinale.
«Avec Taxi, Panahi a continué à pousser la logique d'enfermement dans la mise en scène. Il s'est lui-même mis dans la peau d'un chauffeur de taxi qui circule dans Téhéran, la caméra faisant des allers-retours entre les sièges avant et arrière, la société iranienne défilant par le pare-brise.»
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Le fim rediffusé mardi sur Arte est disponible en replay jusqu'au 21 février.
[ Taxi Téhéran ]
[ Taxi Téhéran, bande-annonce VO ]
Depuis la sortie du film, la situation du cinéaste n'a pas changé : «Jafar Panahi est toujours sous le coup d'une condamnation de six ans de prison et vingt ans d'interdiction de faire des films et de quitter l'Iran. Cette condamnation, émise en décembre 2010, a été confirmée en appel en octobre 2011, mais pas encore appliquée. Ce qui veut dire qu'elle peut l'être à tout moment», indique à CheckNews Bamchade Pourvali, critique de cinéma et animateur du site Iran Ciné Panorama.
Le réalisateur a toujours l'interdiction de donner des interviews, ce qu'il a cependant continué à faire. En 2016, le centre Pompidou et le festival d'Automne avaient organisé une rétrospective de sa filmographie.
A cette occasion, Jafar Panahi avait accordé, le 25 avril 2016, un entretien au journaliste Jean-Michel Frodon dans son appartement de Téhéran. Au cours de l'interview, le cinéaste lui avait alors confirmé poursuivre son travail malgré les interdictions :
«J'attends tous les jours qu'on réduise ma peine et que je puisse enfin travailler en toute sérénité. Et comme je constate qu'ils ne bougent pas, je suis obligé de faire des films dans la clandestinité.»
Après son arrestation en 2010, Jafar Panahi a réalisé trois films, Ceci n'est pas un film (2011), Pardé (2013), et Taxi Téhéran (2015). Depuis, le réalisateur s'est fait discret. Ce qui ne veut pas dire qu'il a cessé de travailler.
«Quelqu'un qui a sa situation en Iran ne pourra pas dire ce qu'il fait, sinon il se mettra en danger», rappelle à Checknews Asal Bagheri, sémiologue et spécialiste du cinéma iranien. Si Jafar Panahi réalise un autre film, celui-ci devra d'abord sortir du pays avant d'être rendu public.