Question posée par le 25/02/2018
Bonjour,
Dimanche 24 février, l'eurodéputée LR Nadine Morano était en visite à Baume-les-Dames dans le Doubs. Face aux militants de la fédération Les Républicains locale, elle a appelé à l'expulsion des prisonniers étrangers, selon l'un de ses tweets:
"15 000 personnes incarcérées en France sont étrangères. Commençons par les expulser vers leur pays" #Baumelesdames
— Nadine Morano (@nadine__morano) February 24, 2018
Un nombre communiqué par le ministère de la Justice
Elle reprend ainsi le chiffre de 14964 ressortissants étrangers détenus en France, communiqué par le ministère de la Justice il y a deux semaines. Le 13 février 2018, le ministère de la Justice avait apporté une réponse au député LR Guillaume Larrivé, qui en septembre 2017 a «[prié] Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, de lui indiquer le nombre et la nationalité des ressortissants étrangers actuellement détenus en France (en distinguant, si possible, les prévenus et les condamnés)».
La Place Vendôme a commencé sa réponse en l'avertissant que «la fiabilité des informations ne permet pas de détailler les prévenus des condamnés». Pour rappel, le prévenu est une personne poursuivie pour une contravention ou un délit ou et qui est en attente de jugement ou qui n'a pas encore été définitivement condamnée. Dans sa réponse, le ministère de la Justice indiquait (sans préciser à quelle date) que 14964 ressortissants étrangers étaient détenus dans les prisons françaises.
22 ,2% des détenus en France sont étrangers
Avide de précision, CheckNews a joint la Place Vendôme, qui lui a fait connaître les derniers chiffres, dont elle dispose.
Au 1er octobre 2017, la France comptait 16234 étrangers écroués. Parmi eux, 15239 sont détenus, c'est à dire qu'ils résident en prison, et 995 bénéficient d'un aménagement de peine. Ce dernier cas peut correspondre, par exemple, à du placement sous surveillance électronique.
Ce taux de 20,5% d'étrangers écroués est-il particulièrement élevé? Au regard des statistiques du ministère de la Justice, ce taux d'extranéité est à un niveau largement inférieur aux 30,8% de 1993 et plus élevé que le minimum de 17,6% atteint en 2012. Le service de presse du ministère explique que « ces évolutions peuvent être dues à la fois aux différentes dynamiques migratoires sur cette période ainsi qu'aux politiques publiques en matière d'incarcération». Dans un article de 2014, Libération expliquait à ce propos: Une chute amorcée au début des années 1990, due en grande partie, selon l'administration pénitentiaire, au fait que les délits liés à l'entrée et au séjour des étrangers («infraction à la législation sur les étrangers») ne font plus l'objet d'une peine d'incarcération.
Suite à la découverte du chiffre d'environ 15 000 étrangers détenus en France, le député Guillaume Larrivé a appelé à ce que le ministère définisse «un plan d'expulsion des détenus étrangers», dans une interview à Valeurs Actuelles. On notera qu'il a d'ailleurs changé le titre de l'article en «Je propose un plan d'expulsion des 15 000 détenus étrangers» lors d'une reprise sur son profil Facebook, alors même que cette phrase ne figure pas dans l'entretien. Il y explique qu'il souhaite négocier avec les pays étrangers pour qu'ils incarcèrent leurs propres ressortissants détenus en France et insiste sur le fait que la France manque de 15000 places de prison. Une proposition qui apparaît aussi dans le tweet de Nadine Morano.
Confronté à cette proposition, le ministère de la Justice estime que «le renvoi des étrangers dans leur pays d'origine, pour y purger une peine de prison ne peut pas tenir sur le plan juridique» et justifie:
- Lorsqu'une personne commet un crime ou un délit en France, il est logique qu'elle purge sa peine en France. C'est la base du droit pénal ; c'est le principe dit de territorialité.
- Lorsqu'un Français commet un crime ou un délit à l'étranger, la France le laisse purger sa peine à l'étranger, sauf s'il est condamné à mort ou s'il subit un traitement dégradant C'est une forme de réciprocité que la France doit respecter.
- Quand un étranger commet un délit en France, s'il peut être condamné à des dommages et intérêts son renvoi chez lui compliquerait la donne.
Cordialement,
Jacques Pezet