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Est-il vrai que la nouvelle directrice de la CIA ne peut pas voyager en Europe sous peine d'être arrêtée pour crimes de guerre ?

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publié le 20 mars 2018 à 13h49

Question posée par Jerome le 19/03/2018

Bonjour,

C'est en effet ce que demande le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR), basé à Berlin et fondé en 2007 par des avocats spécialisés dans les droits de l'homme. Sur la base de sa participation au programme de prison secrètes et de torture mis en place par la CIA après le 11 septembre, l'association réclame depuis plusieurs mois l'arrestation de Gina Haspel, que Trump veut installer à la tête de la CIA. Cela ne signfie pas pour autant qu'elle sera arrêtée si elle voyage en Allemagne, ou dans l'espace Schengen. Explications.

Voilà, en effet, plusieurs jours que le nom de Gina Haspel agite les médias français et américains. Et pour cause : cette femme de 61 ans, jusque-là directrice adjointe de la CIA, sera peut-être la première femme à prendre la direction de l'agence, si elle est confirmée dans ses fonctions par le Sénat.

Mais ce n'est pas pour cette raison que son nom fait autant parler. Gina Haspel a, en effet, participé au programme de prisons secrètes et de torture, adopté par la CIA après les attentats du 11 septembre, ce qui pourrait compliquer la tâche des sénateurs.

Dans un rapport accablant publié fin 2014, le Sénat américain avait en effet dénoncé des techniques d'interrogatoire qui n'avaient pas été approuvées par le ministère de la justice, ni par la direction de l'agence. Parmi ces techniques: des détenus jetés contre les murs, dénudés, ou des simulations de noyade à répétition. Le rapport du Sénat mentionnait, notamment, le cas du détenu d'Abou Zoubeida qui après avoir subi des simulations de noyade à répétition «avait de la mousse sortant de la bouche».

En février 2017, ProPublica, le site d'investigation américain, écrivait que Gina Haspel était responsable de la prison en Thaïlande lors de ce fameux interrogatoire. Avant de reconnaître, le 15 mars dernier, s'être trompé : Haspel a été nommée en octobre 2002, après l'interrogatoire de Zoubeida.

Selon le New York Times, qui a depuis publié une autre enquête sur le sujet, Haspel était toutefois responsable de la prison quand un autre détenu, Ab al-Rahim al-Nashiri, avait été victime, en novembre 2002, de simulation de noyade à trois reprises.

Depuis 2014, et la publication du rapport du Sénat, le Centre Européen pour les droits constitutionnels et humains (ECCHR) a rempli plusieurs plaintes, toutes transmises au procureur fédéral, en lui demandant d'ouvrir une enquête. Sans effet pour l'instant.

Depuis peu, ces plaintes visent nommément Gina Haspel, dont le nom n'était pas encore connu en 2014. Contacté par CheckNews, Andreas Schüller, avocate et membre de l'ECCHR, répond : «Nous demandons l'ouverture d'une enquête contre elle, et une possible arrestation si elle atterrit sur le sol allemand. Cela concerne son rôle comme chef de base en Thaïlande en octobre 2002, mais aussi son rôle dans l'Etat major du Centre de lutte anti-terroriste américain entre 2003 et 2005».

Est-ce à dire que la probable future patronne de la CIA ne pourra venir en Allemagne, sous peine d'être arrêtée par la justice  de ce pays ? Rien n'est moins sûr. «Nous ne nous attendons pas à cela», reconnaît le même Schüller interrogé par le Daily Beast. Qui précise ensuite les réelles intentions de l'association : «Ce qu'on veut faire, c'est dire : regardez, il y a eu torture, il y a une Convention internationale contre la torture, adoptée par les Nations unies, et le gouvernement connaît le nom de cette personne. Si vous l'autorisez à venir, vous montrez que vous privilégiez vos relations politiques à cette Convention».

La Cour pénale internationale, chargée de juger les personnes accusées notamment de crimes de guerre (et donc de torture), pourrait-elle à son tour se pencher sur le cas Haspel ? Non, et pour cause : comme le rappelait RFI fin 2016, les Etats-Unis, mais aussi la Chine et la Russie, n'ont jamais signé le Statut de Rome, qui les placerait sous la juridiction de la Cour pénale internationale.

Bien cordialement,

Robin A.