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Pourquoi l'île de Mayotte a-t-elle été départementalisée ?

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publié le 20 mars 2018 à 9h02

Question posée par OPSOMER le 16/03/2018

Bonjour,

Mayotte est devenu le 101e département français le 31 mars 2011, suite à un référendum organisé en 2009. Le oui l'avait emporté à 95,2%, avec 61,02% de participation.

Pour le Sénat, dans un rapport d'information de 2012, «Mayotte a exprimé pendant plus de 160 ans un attachement indéfectible à la France. La départementalisation était revendiquée par les Mahorais comme le moyen de s'ancrer dans les institutions républicaines et de construire un avenir meilleur». Regardons donc pourquoi ce référendum a été organisé.

Pourquoi un référendum sur la départementalisation?

En 1974, une consultation sur l'indépendance est organisée dans les quatre îles de l'archipel des Comores. Le oui l'emporte avec 95% des voix dans toutes les îles de l'archipel sauf à... Mayotte, où le non l'emporte à près de 64%.

La loi du 3 juillet 1975 sur l'indépendance des Comores conditionne alors l'indépendance de l'île à un projet de constitution qui devra être approuvée «île par île». Les Comores déclarent leur indépendance dans la foulée, le 6 juillet 1975.

La loi du 31 décembre 1975 relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores dispose alors que «dans les deux mois qui suivent la promulgation de la présente loi, [...] la population mahoraise sera appelée à se prononcer sur le point de savoir si elle souhaite que Mayotte demeure au sein de la République française ou devienne partie au nouvel Etat comorien». C'est chose faite le 8 février 1976: un second référendum sur le maintien de Mayotte dans la République française vote oui à 99,4%.

Pourquoi Mayotte reste-t-elle française? Dans un reportage du JT de TF1 en 1975, le fondateur du mouvement populaire mahorais (MPM) Marcel Henry explique:

Nous nous trouvons sous dépendance française depuis plus d'un siècle. Nous n'avons jamais eu à nous en plaindre ; alors que l'autonomie interne qui date d'une quinzaine d'années, nous avons eu à subir des répressions sanglantes. On a connu des répressions assez féroces de la part du gouvernement comorien. Alors, quand on fait le parallèle entre les deux régimes, nous préférons de beaucoup dépendre encore de la France.

Créé en 1958, le MPM a toujours plaidé pour «le maintien de Mayotte sous administration française et son accession au statut de département français», rappelle la chercheuse et documentariste Mamaye Idriss dans un article sur «Mayotte département: la fin d'un combat».

«Ce choix(de rester française, ndlr) est à l'origine d'un contentieux international avec les autorités comoriennes, qui n'ont jamais admis le maintien de la souveraineté française sur Mayotte, contentieux qui perdure jusqu'à ce jour», notait le Sénat en 2012.

Mayotte obtient alors le statut, unique à l'île et provisoire, de «collectivité territoriale». Comme l'explique l'étude d'impact sur la départementalisation de Mayotte: «Il ne s'agit ni d'un département d'outre-mer, ni d'un territoire d'outre-mer, tout en participant des deux systèmes. L'amorce d'un rapprochement institutionnel avec le droit commun est engagée pour la première fois. Un statut «bâtard» selon Mamaye Idriss :

Spécifique à Mayotte, ce statut restait provisoire, nourrissant toujours les incertitudes d'un possible retour dans l'ensemble comorien. Cet aspect était, comme nous avons pu le voir, une des raisons constitutives à l'émergence de la revendication départementaliste. Dans l'esprit du MPM, seul ce statut viendrait ancrer Mayotte au sein de la République française . L'obtention d'un statut non définitif participa à faire de la revendication départementaliste une des dominantes de la politique mahoraise après 1975. Pour reprendre les termes d'Yves Salesse, fonctionnaire durant les années 1980 à Mayotte, elle « surdétermin[a] toute la politique mahoraise », à tel point qu'afin d'obtenir gain de cause, les élus mahorais adoptèrent la posture suivante : « Obtenir tout ce qui [pouvait] rapprocher Mayotte de la métropole»

Ce statut provisoire tient donc jusqu'en 2000. Une nouvelle consultation est organisée en 2000: 72,94 % des votants se prononcent en faveur de l'Accord sur l'avenir de Mayotte. Cet accord «conditionne l'élevation de l'île à ce statut après normalisation de plusieurs régimes spécifiques dont le chantier le plus déterminant est le passage à la citoyenneté de droit commun», précise Mamaye Idriss. Suite à cet accord, la loi du 11 juillet 2001 dote Mayotte du statut de «collectivité départementale».  Une décentralisation progressive se met alors en place.

Votée en 2009 par référendum, la départementalisation est donc considérée comme la dernière étape d'un processus amorcé dès 1958. Pour Mamaye Idriss, ce statut «vient satisfaire un revendication vieille de 60 ans. Du point de vue du discours départementaliste, ce statut les met à l'abri d'un possible retour au sein de l'Etat comorien».

Cordialement,

Pauline Moullot

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