Menu
Libération
CheckNews
Vos questions, nos réponses
CHECKNEWS

Est-ce que certains produits végétariens sont plus protéinés qu'un burger ?

par
publié le 22 mars 2018 à 9h59

Question posée par Nono le 17/03/2018

Bonjour,

Vous nous avez posé cette question que nous avons modifiée pour la raccourcir : «Bonjour, je viens de voir sur le mur d'une amie une publication d'un certain "freedobbyblog" intitulée: "10 produits végétaliens plus protéinés qu'un Burger". Ma question est de savoir si c'est possible ou s'il s'agit d'une grossière intox ?».

Sur l'article en question, il est indiqué qu'une dizaine de produits végétarien contiennent plus de 15g de protéines pour 100g , ce que contiendrait un «burger», d'après le site. Le taux de protéines contenu dans un steak haché cuit varie selon les sources. Il est bien de 15g pour 100g d'après le résultat donné en premier par Google et tiré du comparateur de l'Agriculture research service (USDA), une agence de recherche du département de l'Agriculture américain. L'USDA prend comme référence une marque de steak haché américaine ce qui peut expliquer la différence de résultats, car en France la moyenne est plus élevée. Le taux de protéines est de 20g/100g pour les steaks hachés «spécial burgers» de la marque Charal, et 18,7g/100g pour ceux de la marque Picard, par exemple.

Afin d'effectuer une comparaison entre les différents produits, nous avons décidé de prendre comme référence la table de composition nutritionnelle Ciqual de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), sauf pour le Seitan et les graines de courges, absents du comparateur.

D'après cette base de donnée, la valeur en protéine du steak haché cuit est de 23,8g/100g et non 15g. Comme le taux de protéines varie en fonction du produit, nous pouvons établir une moyenne à 19,4g/100g pour estimer qu'un aliment d'origine végétal comporte autant sinon plus de calories qu'un burger.

En conséquence, seuls le Seitan, les graines de Lin et la Spiruline sont plus protéinés qu'un steak haché pour 100 grammes. Les graines de Chia comportent en moyenne autant de protéines qu'un steak haché. Le Tempeh et les graines de courge s'approchent de la moyenne, sans l'atteindre.

  • seitan cuit : 28g/100g (source : USDA)
  • tempeh : 18,5g/100g
  • pois chiche cuit : 8,31g/100g
  • graines de lin : 20,2g/100g
  • spiruline : 57,5g/100g
  • tofu nature: 9,91g/100g
  • graines séchées de Chia : 19,5g/100g
  • graines de courge : 18,55g/100g (source : USDA)
  • lentilles vertes cuites : 10,10g/100g

Précisons cependant que les valeurs de cette liste sont données à quantité égale (100g). Or, il est paraîtra plus compliqué de manger 100g de courge ou de lin en une journée, alors qu'un steak peut être consommé sans accompagnement et en une seule fois. De plus, la graine de Chia ne peut pas être consommée en trop grande quantité. Le site graine-chia.fr recommande de ne pas dépasser 30g par jour, soit deux cuillères à soupe.

L'Anses estime que l'apport nutritionnel conseillé pour les protéines à 0,83 gramme par kg par jour chez les adultes en bonne santé. Soit entre 50g et 58g par jour. «L'apport nutritionnel conseillé est légèrement augmenté chez les personnes âgées, de l'ordre de 1 g/kg/j, ainsi que chez les femmes enceintes et allaitantes, de l'ordre d'au moins 70 g/j ou de 1,2 g/kg/j», précise l'agence.

Une question acide

Des aliments d'origine végétale sont donc aussi des sources de protéine. En revanche, contrairement aux protéines animales, la majorité des protéines végétales doivent être mélangées pour être bien absorbées par le corps. Alors la nourriture végétarienne* et végétalienne** vaut-elle la nourriture à base de viande ? Sur ce sujet, les nutritionnistes ne sont pas d'accord. Explications.

Les protéines sont toutes constituées à partir d'un groupe de vingt acides aminés. Une fois digérés, les acides aminés participent au renouvellement notamment des muscles, de la peau, et des ongles. Les protéines jouent aussi un rôle fondamental dans le fonctionnement de notre système immunitaire. Onze de ces acides aminés «peuvent être fabriqués par le corps humain et les 9 autres sont dits indispensables, car l'organisme est incapable de les synthétiser en quantité suffisante pour satisfaire ses besoins. Ces acides aminés doivent par conséquent être apportés par l'alimentation», explique l'Anses sur son site.

En clair, les protéines végétales contiennent bien ces acides aminés essentiels, mais certains sont en proportion trop faible pour permettre au corps une bonne absorption. Les céréales (le Seitan, par exemple) sont pauvres en lysine, un acide aminé essentiel, alors que les légumineuses sont limités en méthonine, un autre acide aminé essentiel. Il faut donc mélanger ces différents aliments au cours du repas pour les absorber. Le soja au contraire contient tous les acides aminés essentiels.

Pour l'Anses, cette particularité n'empêche pas aux végétariens de subvenir à leurs besoins en protéine s'ils sont consommé ensemble. Ils émettent un bémol, par contre pour les végétaliens :

«Dans nos sociétés, les régimes végétariens non stricts (n'excluant pas les produits laitiers et les œufs) permettent d'assurer un apport protéique en quantité et en qualité satisfaisantes pour l'enfant et l'adulte. Chez les végétaliens adultes, une attention particulière doit être apportée à la couverture de l'apport protéino-énergétique et à l'utilisation de sources protéiques qui se complètent. Par exemple, une association entre le riz et le soja permet d'équilibrer l'apport en lysine, faible dans le riz mais élevé dans le soja, et l'apport des acides aminés soufrés, faible dans le soja mais élevé dans le riz».

Plusieurs nutritionnistes interrogés par CheckNews rejoignent cet avis. D'après eux les protéines végétales sont une bonne source de protéine, mais leur déficience en certains acides peut poser problème. D'après eux, le régime végétarien et végétalien nécessite de bien connaître les aliments consommés, voire dans certains cas, notamment pour les végétaliens de suppléer au besoin de protéines avec des compléments alimentaires.

Par ailleurs, les aliments listés dans le billet de blog, en particulier le tofu, le seitan et le tempeh «ne font pas partie de notre alimentation», estime Marie-Line Huc, diététicienne nutritionniste, au nom de l'association française des diététiciens nutritionnistes (afdn). La problématique d'arpès l'afdn est donc aussi de «voir comment ils s'intègrent dans la vie courante».

Un avis qui n'est pas partagé par tout le monde. «Nous vivons dans un contexte de surconsommation de protéines», observe le docteur nutritionniste Jérôme Bernard-Pellet, membre de l'association de professionnels de santé pour une alimentation responsable, notamment à partir d'une étude réalisée par l'agence française de sécurité sanitaire des aliments sur les apports en protéines en France.

L'infériorité des protéines végétales par rapport au protéines animales «tombe à l'eau dans la pratique» estime le docteur. «L'essentiel des sources végétales de protéines sont à même de couvrir les besoins», indique-t-il. Il s'appuie entre autre sur la prise de position de l'académie de nution et diététique, une association de nutritionnistes en faveur des régimes végétariens et végétaliens :

«Les régimes végétariens, y compris végétaliens, respectent ou dépassent généralement les apports protéiques recommandés, lorsque les apports caloriques sont adéquats. Les termes complètes et incomplètes sont trompeurs quand on parle de protéine végétal. Les protéines issue d'une variété d'aliments végétaux mangés pendant la journée apporte assez de tous les acides aminés indispensables (essentiels) lorsque les apports caloriques sont respectés. L'utilisation régulière de légumineuses et de produits à base de soja assurera un apport adéquat en protéines pour le végétarien, ainsi que d'autres nutriments essentiels».

En résumé : Il existe bien des aliments aussi protéinés (à poids égal) voire plus qu'un steak de burger, cependant la qualité des protéines est moindre chez les aliments d'origine végétale. A partir de là, les avis des nutritionnistes divergent au sujet de l'impact sur la santé des régimes essentiellement ou complètement basés sur les protéines végétales.

Cordialement,

Emma Donada

*Les végétariens ne mangent pas d'animaux: ni viande, ni poisson, mais peuvent se nourrir de produits d'origine animale, comme les oeufs, le lait ou le fromage.

**Les végétaliens, eux, ne mangent ni viande ni produits d'origine animale.