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Bonjour, d'où vient le gag récurrent visant à décrire Jean Vincent Placé comme un opportuniste, prêt à tout dès qu'un poste se libère ?

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publié le 10 avril 2018 à 10h59

Question posée par Edwyn le 07/04/2018

Bonjour,

Jean-Vincent Placé, qui a été interpellé la semaine dernière, est raillé depuis des années le symbole de l'opportunisme en politique. En 2017, Slate avait longuement traité le sujet, en se demandant pourquoi Placé était devenu la risée des réseaux sociaux. Selon le pureplayer, ces moqueries trouvent leur origine en 2012, au moment de l'élection de François Hollande à la tête de l'état. Le 6 mai, il était le seul élu écologiste à s'afficher auprès des proches de Hollande. L'ambition ministérielle est déjà présente. Pendant plusieurs années, l'élu Vert va tenter d'entrer au gouvernement. En vain. D'autant que la lutte est longue pour le sénateur, avec 15 remaniements ministériels en cinq ans.

En mai 2012, première déception. Le leader des Verts au Sénat n'a pas été appelé au gouvernement de Jean-Marc Ayrault. A l'Express, le ministre de la ville à l'époque raconte la déception de Placé, qui «voulait faire plaisir à son papa et sa maman».

Même chose en 2013 lors d'un nouveau remaniement où les internautes s'amusent :

Mais sa «candidature» est passée à la trappe :

S'ensuivent plusieurs remaniements dans lesquels Jean-Vincent Placé reste absent. Puis le 2 décembre 2014, Manuel Valls devient Premier ministre. Son arrivée à Matignon entraîne le départ des écologistes du gouvernement. Mais Jean-Vincent Placé n'est pas tout à fait de cet avis. En 2014, au lendemain de l'annonce du nouveau gouvernement Valls, dans lequel Placé est absent, ce dernier rencontre tout de même quelques dissident du PS ou des écologistes favorables à une entrée des Verts au gouvernement.

Puis en août 2014, nouveau remaniement du gouvernement Valls. La chaîne d'info en continu Itélé (aujourd'hui Cnews) annonce que «Jean-Vincent Placé  devrait faire partie du nouveau gouvernement de Manuel Valls». Le quotidien 20 Minutes rappelle d'ailleurs que Placé fait partie des quelques écolos qui ne refuseraient pas un poste au sein du gouvernement Valls, alors même que la position officielle du parti EELV est contre l'entrée des Verts au gouvernement.  Finalement, le leader écologiste ne sera pas de la partie. Il l'annonce lui-même sur son compte Twitter, prétextant que «les conditions ne sont pas réunies» pour une entrée des Vert au gouvernement. On ne sait pourtant pas si un poste lui avait vraiment été proposé.

Mais l'ambition ministérielle de l'élu écolo ne s'arrête pas là pour autant. En avril 2015, il fait partie des protagonistes à l'origine du courant politique Repères écologistes, qui prône un retour des Verts au sein du gouvernement. Le Monde précise aussi que Placé prend désormais plus de précautions dans ses déclarations sur le gouvernement, sans doute pour ne froisser personne. En août 2015, il quitte finalement son parti EELV, avec toujours ce désir d'arriver «aux responsabilités».

En 2016, nouveau remaniement, nouvelles railleries sur Internet à propos de Jean-Vincent Placé. Même les médias s'y mettent, comme en témoigne cette fausse capture d'écran du téléphone de François Hollande publiée par le site Buzzfeed France, montrant 78 textos et 6 appels manqués.

Puis en février 2016, victoire, «Jean-Vincent Placé : enfin ministre !», titre Le Monde après l'arrivée du sénateur au poste de secrétaire à la Réforme d'Etat et à la simplification. Il le sera jusqu'à la fin du mandat de François Hollande. Au service politique de Libé, on analyse cette promotion soudaine comme le fait que « du côté gouvernemental, il fallait faire entrer un Vert, pour pouvoir dire qu'il n'y avait pas que des socialistes. On le place à la Réforme de l'Etat. Personne n'a compris. Il avait fait une fac d'Histoire, c'était un passionné des faits militaires et politiques. On pensait qu'il aurait eu un poste en lien avec ces thématiques...».

Au terme du quinquennat de Hollande, le site parodique Le Gorafi titre : «Jean-Vincent Placé décide d'avaler les clés de son ministère pour ne pas avoir à les rendre.»

Sa réputation ne le lâche pour autant avec l'élection d'Emmanuel Macron. Pour le remaniement de novembre 2017, certains «twittos» ressortent les vieux «mèmes» de J.-V. Placé en opportuniste.

Les mauvaises langues diront que l'ex-leader écologiste, aujourd'hui président du groupe UDE au Sénat, avait déjà des prédispositions dès ses débuts en politique. En 1994, il débute sa carrière politique aux radicaux de gauche à la Rochelle. Dans un article de Libé consacré au Normand d'origine sud-coréenne, daté du 27 novembre 2013, un « ancien » de l'Assemblée se souvenait à propos de Placé : «Quand il était permanent du groupe radical citoyen vert à l'Assemblée, il s'asseyait dans les fauteuils réservés aux ministres à la sortie de l'Hémicycle pour que les députés le prennent pour quelqu'un d'important ».

Jean-Vincent Placé a souvent réagi à cette image. En 2015, Jean-Vincent Placé publie un livre autobiographique (au titre tout à fait conforme à sa caricature  : Pourquoi pas moi !, Plon, 2015) dans lequel il se répond à ses détracteurs : «Ceux qui, aujourd'hui, m'imaginent comme un opportuniste seulement mû par les ors de la République se trompent. Ma soif de vie est ailleurs.»

Au Figaro, l'intéressé se défend aussi d'avoir des « ambitions » plutôt que quelconque sentiment arriviste ou opportuniste. Il se plaint également que les médias ne critiquent que lui à ce sujet, et pas ces homologues.

A propos des mèmes diffusés sur les réseaux sociaux, Jean-Vincent Placé, pas rancunier, expliquait à Slate en 2017 : « C'est vrai qu'il y en a des bons [mèmes, ndlr]. Ça me fait plutôt rigoler. J'ai beaucoup de recul par rapport à moi-même. Ça ne me dérange pas qu'on rie de moi quand c'est drôle. Ce que je n'aime pas, c'est quand c'est injurieux, raciste, ou diffamatoire.»

Cordialement,

Marie-Perrine Tanguy