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Manuel Valls a-t-il vraiment participé à des blocages d'universités plus jeune ? Pour quelles raisons ? Et dans quelle proportions ?

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publié le 16 avril 2018 à 13h46

Question posée par Dimebagou le 15/04/2018

Bonjour,

Vous faites référence à l'interview de l'ancien premier ministre Manuel Valls dans l'émission Le Grand Rendez-vous, diffusée le 15 avril 2018 sur CNews et Europe 1.

Nicolas Barré, journaliste aux Echos, lui a demandé, en faisant référence au mouvement d'opposition à la réforme de l'accès à l'enseignement supérieur :

<em>«Est ce que les présidents d'université doivent faire plus souvent appel aux forces de l'ordre pour que les cours puissent reprendre normalement ?»</em>.

Réponse de Valls, à propos notamment de Tolbiac occupée depuis le 26 mars :

«<em>Ces blocages sont inacceptables. Le président d'université de Paris I, c'est une université que je connais bien, j'ai été étudiant à Tolbiac, et j'ai dû peut-être participer à des blocages quand j'étais jeune, mais pour de vraies causes et pour de bonnes raisons...</em>»

(à partir de 28'30)

«Je ne sais pas s'il y avait des blocages»

Manuel Valls, qui estime en 2018 les blocages «inacceptables», a-t-il lui-même participé à des blocages entre 1980 et 1985, quand il était étudiant à Tolbiac ? Contacté par CheckNews, le journaliste Serge Faubert, au service d'ordre de la LCR quand il était à Tolbiac, aujourd'hui au Média, assure : «Manuel Valls n'a jamais participé à une quelconque action collective à Tolbiac, hormis les AG».

Des propos confirmés par... Valls lui-même : «Je ne sais pas s'il y avait des blocages, je n'ai pas souvenir d'un blocage comme celui qu'on connaît aujourd'hui», a-t-il répondu à CheckNews. Avant de reconnaître qu'il n'était pas très engagé à cette époque dans le mouvement étudiant. En 1980, le jeune Valls, alors âgé de 17 ans, avait en effet déjà adhéré au Mouvement des jeunes socialistes pour soutenir Michel Rocard.

S'il se souvient de «moments chauds» lors d'élections étudiantes, de tensions particulières entre Paris I et Paris II, lorsque le GUD organisait des opérations punitives à Tolbiac et Censier, il n'a pas souvenir d'un moment où Tolbiac fut réellement bloqué. Difficile donc de lui demander quel rôle précisément il avait pu jouer à cette occasion. Il ajoute : «L'université, à l'époque, on voulait davantage la protéger des autonomes, on le faisait avec Jean-Christophe Cambadélis, Didier François [devenu journaliste à Europe 1, ex-otage en Syrie -ndlr] Harlem Désir, Stéphane Fouks». «Des gens ce niveau-là, c'était quand même autre chose...», confie-t-il aussi, semblant définitivement ne pas se reconnaître dans le mouvement actuel.

Patrick Cohen : «On n'imaginait pas faire un truc comme ça»

Autre étudiant de l'époque devenu célèbre depuis : Patrick Cohen, aujourd'hui animateur de la matinale d'Europe 1. Contacté par CheckNews, celui qui a été président des étudiants de Paris I lors de son passage entre 1979 et 1983, confirme que la fac n'a jamais été bloquée à cette période. Et pour cause, selon lui, «ce n'était pas dans les moeurs de l'époque». Il développe : «Il y a eu des actions, des tournées dans des amphis pour faire voter des grèves, il y a eu des moments de tension, d'interruption de cours à cause d'actions des autonomes mais pas de blocage. Ce n'était pas le mode opératoire à l'époque, on n'imaginait pas faire un truc comme ça». Ainsi, il se souvient de sa «surprise» quand, quelques années plus tard, lors du projet de loi Devaquet, visant à réformer l'université et finalement abandonnée, Tolbiac fut réellement bloquée. A propos de Valls, il confirme les propos de l'ancien maire d'Evry : «Il était déjà très politique, et pas du tout dans les milieux syndicaux».

On résume donc : contrairement à ce qu'il a laissé entendre sur le plateau du Grand Rendez-vous, hier, Manuel Valls n'a pas vraiment participé à des blocages d'université lors de son passage à Tolbiac entre 1980 et 1985. C'est lui-même qui le dit aujourd'hui.

Bien cordialement,

Robin A.