Question posée par Benjamin le 17/04/2018
Bonjour,
Depuis le 30 mars, poursuivre un suspect qui refuse de donner les codes d'accès à son téléphone est, en effet, jugé constitutionnel. Cette décision, prise par le Conseil constitutionnel après examen d'une Question prioritaire de Constitutionnalité (QPC), a été révélée par Le Monde le 17 avril.
A l'origine de cette décision : une garde à vue pour détention de stupéfiant, durant laquelle le gardé à vue a refusé de donner le code de son téléphone. Il est depuis poursuivi devant le tribunal, sur la base de l'article 434-25-2 du Code pénal. Ce texte punit de trois ans d'emprisonnement et de 270 000 € d'amende le «refus de remettre aux autorités judiciaires une convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit». Les policiers ne peuvent donc pas demander le code du téléphone d'une personne, sans avoir d'abord obtenu l'autorisation d'un magistrat, et établi que le téléphone a pu servir à préparer ce délit, ou ce crime.
C'est la même personne, gardée à vue, qui a posé une QPC au Conseil constitutionnel, estimant que la loi ne respectait pas les droits et libertés que la Constitution garantit.
Jusque-là, en effet, l'article du Code pénal concernait uniquement les fabricants de matériel et de logiciel de chiffrement, et non les particuliers. Lors de l'audience du Conseil constitutionnel, datée du 6 mars, suite à la QPC, Philippe Blanc, représentant du Premier ministre, a donné la position du gouvernement sur ce sujet : «La seule interprétation qui permette de rendre cet article conforme à la Constitution est de dire qu'elle exclut son application à des personnes suspectées d'avoir elles-mêmes commis une infraction». En d'autres termes : les particuliers ne doivent pas être concernés.
En octobre 2017, le Sénat avait aussi retoqué une disposition similaire lors du débat sur la loi «sécurité intérieure» en octobre 2017, au nom du droit au respect de la vie privée.
Et pourtant : malgré la position du gouvernement, le Conseil constitutionnel, présidé par Laurent Fabius, a décidé de déclarer cet article du code pénal conforme, précisant qu'il s'appliquait à tous.
Les parquets peuvent donc continuer à poursuivre ceux qui refusent de donner leur code de téléphone en garde à vue. Selon l'avocat du gardé à vue, contacté par Le Parisien, l'affaire va désormais suivre une procédure classique. Devant le Tribunal de grande instance dans un premier temps, puis en appel et en cassation si nécessaire.
Pour résumer : s'il refuse de donner son code de téléphone en garde à vue, le gardé à vue s'expose désormais à des poursuites judiciaires, sous certaines conditions.
Bien cordialement,
Robin A.
Edit 18 avril 2018 à 15h45 : ajout de la précision sur l'article 434-25-2.