Question posée par Abo le 25/05/2018
Bonjour,
Le 22 mai, après une manifestation de fonctionnaires se terminant place de la Nation à Paris, plusieurs dizaines de personnes pénètrent dans le lycée Arago. Environ 45 minutes plus tard, les forces de l'ordre interviennent. Elles procèdent à 102 interpellations, portant à 128 le nombre total d'arrestations lors de la journée de mobilisation. Quarante concernaient des mineurs, selon le parquet de Paris, cité par Libération.
Selon une source proche de l'enquête, confirmant les propos tenus par différents interlocuteurs joints par CheckNews, au moins deux plaintes ont été déposées à la suite des événements. La proviseure du lycée Arago, Viviane Guini, a porté plainte pour «intrusion». Un personnel du lycée, présent au moment de l'arrivée des occupants, a quant à lui porté plainte pour «violences».
«Barricades»
Dans notre première réponse sur le déroulé des événements, nous expliquions que les forces de l'ordre sont intervenues à la demande de la proviseure. Selon la préfecture de police, contactée par CheckNews, la cheffe d'établissement avait déclaré avoir «constaté des dégradations».
Dans un mail envoyé aux parents le jour de l'occupation, la direction d'Arago écrit que des «personnes extérieures à l'établissement […] ont vidé 13 salles de leur mobilier pour bloquer tous les accès extérieurs et ériger des barricades». Selon l'administration du lycée, «les dégâts sont importants», même si les cours ont repris «normalement» dès le lendemain des événements.
CheckNews a contacté à plusieurs reprises le lycée pour avoir plus de détails, sans succès. Par téléphone, les services du rectorat de Paris, qui centralisent la communication côté éducation dans cette affaire, évoquent «des vitres brisées, des graffitis, des vols de matériel numérique, et l'utilisation de tables et de chaises pour former des barricades».
Photos
Vendredi 25 mai, l'ex-secrétaire général du SNPDEN-UNSA, le syndicat des chefs d'établissement, Philippe Tournier, a publié sur Twitter des photos des dégradations. Elles ont été prises par un autre membre du SNPDEN, Nicolas Bray, secrétaire académique adjoint. Il a visité le lycée Arago au lendemain de la brève occupation. Joint par téléphone, il explique à CheckNews s'être déplacé avec des personnels de son établissement, la cité scolaire François Villon (XIVe) pour «filer un coup de main» et aider à ranger.
#Arago : photographies du lycée après le passage des "gentils-lycéens-qui-voulaient-faire-une-paisible-AG-empêchée-par-la-repression-policière" pic.twitter.com/iqlmi0vfft
— Philippe Tournier (@Phil_Tournier) May 25, 2018
Dans la trentaine de photos partagées par Nicolas Bray avec CheckNews, on voit principalement des tables et des chaises entassées pour bloquer des portes, et plusieurs inscriptions sur les murs, comme «Parcoursupercherie» ou «ZAD». La vitre d'une porte est manifestement brisée, du matériel informatique semble endommagé. L'une des deux photos du tweet, qui aurait été prise «dans une salle informatique» du lycée, selon Nicolas Bray, montre des boîtes éparpillées au sol et manifestement vidées de leur contenu.
«Incrust'»
Plusieurs parents disent avoir eu beaucoup de mal à obtenir des nouvelles de leurs enfants après leurs arrestations le 22 au soir. Le lendemain, ils se réunissaient place de la Nation devant le lycée Arago, pour essayer d'en savoir plus. Une des parents d'élèves explique à CheckNews: «De ce que j'ai vu, la porte du lycée était fonctionnelle.» Comprendre, selon la femme, éprouvée par la garde à vue de sa fille, que les occupants n'ont pas défoncé la porte pour occuper le lycée.
Chez la fédération de parents d'élèves FCPE, qui a publié des communiqués dénonçant les interpellations massives, on se dit assez «surpris»: «L'intervention a été si rapide et si chaotique que je me demande si les lycéens sont les seuls responsables», confie Jean-Jacques Renard, vice-président de la FCPE. Il ajoute: «Qu'il y ait eu des "incrust" pour commettre des actions malveillantes, je veux bien le croire, mais ce n'était vraiment pas l'objectif premier des jeunes, qui voulaient juste tenir une AG.»
Quant au vol allégué de «matériel informatique» (selon le rectorat), que suggère une photo de Nicolas Bray, Jean-Yves Renard s'avoue surpris: «Les policiers ont arrêté tout le monde à la sortie. Comment quelqu'un aurait pu sortir avec une tablette électronique?» C'est l'une des nombreuses questions à laquelle la justice devra répondre, alors que des déferrements ont lieu depuis le 24 au matin.