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Bataclan : quelles sont les paroles de Médine qui ont créé la polémique ?

Elles sont issues du morceau «Don't Laïk», qui avait déjà suscité le débat en janvier 2015.
Médine au Havre, le 22 janvier. (Photo Boris Allin)
publié le 11 juin 2018 à 13h23

Question posée le 10 juin 2018

Bonjour,

Vous avez été nombreux à nous poser des questions sur ce sujet.

Voilà, en effet, plusieurs jours que le rappeur français Médine est au centre d’une polémique, lancée par l’extrême droite, et reprise depuis plus largement sur la Toile.

Nombreux commentateurs appellent, en effet, à l’annulation des concerts du rappeur au Bataclan, prévus les 19 et les 20 octobre prochains. La raison ? Les paroles d’une de ses chansons, incompatibles selon eux avec un concert dans une salle où 90 personnes ont été tuées par un commando djihadiste le 13 novembre 2015.

Ces paroles, quelles sont-elles précisément ? Dans le morceau «Dont Laïk», issu de son EP «Démineur» (2015), on entend le couplet suivant :

<em>Dieu est mort selon Nietzsche</em><br/><em>«Nietzsche est mort» signé Dieu</em><br/><em>On parlera laïcité ente l'Aïd et la Saint-Matthieu</em><br/><em>Nous sommes les gens du Livre</em><br/><em>Face aux évangélistes d'Eve Angeli</em><br/><em>Un genre de diable pour les anges de la TV Reality</em><br/><em>Je porte la barbe j'suis de mauvais poil</em><br/><em>Porte le voile t'es dans de beaux draps</em><br/><em>Crucifions les laïcards comme à Golgotha».</em>

Sur le morceau lui-même, «Dont Laïk», jeu de mot qui fait référence au titre «Dont Like» du rappeur américain Chief Keef, Médine s'est déjà exprimé à plusieurs reprises. Aux Inrocks, en janvier 2015, il disait :

«<em>Je voulais absolument parler de la façon dont est manipulée aujourd'hui une valeur républicaine comme la laïcité alors que dans son esprit et sa lettre, la laïcité est faite pour réunir les gens». Il prend l'exemple de la journaliste et essayiste Caroline Fourest, qui selon lui, fait partie des gens qui «prennent en otage la laïcité pour diaboliser l'islam</em>».

Sur le «Crucifions les laïcards comme à Golgotha», en particulier, qui fait référence au lieu où Jésus a été condamné à mort selon les Évangiles, Médine s'était aussi longuement justifié sur le plateau d'Arrêt sur images en janvier 2016 :

«<em>Crucifions les laïcards comme à Golgotha, c'est clairement un oxymore, dans ce qui est proposé comme image. On ne crucifiait pas les laïcards à Golgotha. Et d'ailleurs, il ne s'agit pas de crucifier à proprement dit les laïcards. Il y a un déroulé d'absurdités, d'oxymores jusqu'à la fin du morceau, qui amène vers l'exorcisme de la laïcité. Et c'est ça qui est le plus important. Parce qu'à la fin, je rappelle que la laïcité est possédée par un certain nombre de gargouilles de la République</em>».

Dans le dernier couplet de la chanson, on peut en effet entendre :

«<em>Que le mal qui habite le corps de Dame Laïcité prononce son nom</em><br/><em>Je vous le demande en tant qu'homme de foi</em><br/><em>Quelle entité a élu domicile dans cette enfant vieille de 110 ans ?</em><br/><em>Pour la dernière fois ô démons, annoncez-vous ou disparaissez de notre chère valeur</em><br/><em>Nadine Morano, Jean-François Copé, Pierre Cassen et tous les autres, je vous chasse de ce corps et vous condamne à l'exil pour l'éternité</em>».

Les paroles de «Dont Laïk» avaient déjà fait polémique en janvier 2015, le clip de la chanson ayant été publiée six jours avant la tuerie de Charlie Hebdo, obligeant le chanteur à se justifier. Libé l'avait rencontré à l'époque. Il déplorait alors que «les débats actuels aillent dans le sens d'une propagande laïque complètement antireligieuse». Pour en parler, il utilisait l'expression «laïcisme», et assurait le combattre au même titre que tous les extrémismes.

En mars 2017, lors d'une conférence à l'École normale supérieure de Paris, Médine, venu expliquer ses textes et ses références, avait reconnu «être allé trop loin» avec son le clip de «Dont Laïk» :

«<em>La provocation n'a d'utilité que quand elle suscite un débat, pas quand elle déclenche un rideau de fer. Avec Dont laik, c'était inaudible, et le clip a accentué la polémique. J'ai eu la sensation d'être allé trop loin</em>».

Retour d'une autre (fausse) polémique 

D'autres paroles ont été exhumés depuis ce week-end sur Twitter. Elles concernent le morceau «Angle d'attaque (Acte 1)», tiré de l'album collectif Table d'écoute volume 2 (2011), auquel Médine a participé. Dans ce morceau, interprété par le rappeur Tiers Monde, on peut entendre :

«<em>Ces porcs blancs vont loin</em><br/><em>Passe moi une arme de poing</em><br/><em>J'vais faire un pédophile de moins</em>»

En 2014, la chanson avait déjà fait polémique, certains internautes accusant le rappeur de racisme anti-blanc. Mais comme l'avait expliqué Francetvinfo à l'époque, le morceau est découpé en trois actes (et autant de chansons), qui racontent tous la découverte d'un corps calciné dans le coffre d'une voiture au Havre.

Dans le premier, Tiers Monde interprète un jeune noir qui accuse violemment les blancs d'être les auteurs du meurtre. Dans le second, un autre rappeur, Brav, incarne un homme blanc, persuadé que «c'est des bougnoules qui l'ont tué». Enfin, dans le troisième acte d'Angle d'attaque, on apprend que que la victime avait un père noir et une mère blanche.

Sur sa page Facebook, le chanteur s'était justifié ainsi :

«<em>Ils n'ont pas réussi à me faire passer pour un anti-sémite, ils ne réussiront pas à me faire passer pour un anti-blanc, moi petit-fils de Marcelle et de Mohammed</em>».

Sur son compte Twitter, ce 11 juin en fin de journée, l'artiste a réagi à cette nouvelle polémique. En ces termes :

«<em>Avant tout, afin de lever toutes ambiguïtés, je renouvelle mes condamnations passées à l'égard des abjects attentats du 13 novembre 2015 et de toutes les attaques terroristes (...) Voilà 15 ans que je combats toutes formes de radicalisme dans mes albums</em>».

Il conclut son communiqué en posant la question suivante : «Allons-nous laisser l'extrême droite dicter la programmation de nos salles de concerts voire plus généralement limiter notre liberté d'expression ?».

Cordialement

Edit du 11/06 à 14h55 : ajout de la partie sur «Angle d'attaque (Acte 1)»

Edit du 11/06 à 19h : ajout de la réaction de Médine