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Anne Hidalgo a-t-elle augmenté les moyens consacrés à la propreté de Paris ?

Un tract diffusé par la fédération parisienne des Républicains critique le bilan de la maire de Paris avec des chiffres dont la pertinence est remise en cause par la ville.
La plus grande usine de gestion des déchets d'Ile-de-France est bloquée depuis lundi matin par des éboueurs de la ville de Paris (ici, le 29 juin 2012), opposés à la loi travail. (Photo Jean-Michel Sicot pour Libération)
publié le 15 juin 2018 à 10h49

«Bonjour,
La Ville de Paris a-t-elle augmenté les moyens financiers, humains et matériels qu'elle consacre la propreté de ses rues? Anne Hidalgo affirme que les effectifs et les budgets sont en hausse tandis que l'opposition affirme le contraire, notamment dans un tract que j'ai reçu dans ma boîte aux lettres.  
Qu'en est-il?
Merci»

Question posée par Benjamin Déborde le 9 juin 2018

Bonjour,

Votre question intervient alors que les polémiques se multiplient sur l’état de propreté de la capitale. Jack Lang avait ainsi profité d’un séjour à Tokyo pour saluer, dans un tweet, la propreté des rues japonaises et tacler la maire de Paris.

Le sujet agite aussi l’opposition parisienne. LR a distribué à Paris ces derniers jours un tract sur le bilan propreté d’Anne Hidalgo. Tract qui dresse donc un sombre bilan de la politique municipale.

Ce sujet fait depuis l’objet d’une bataille de chiffre entre l’opposition et la mairie.

Les chiffres choisis par LR remontent jusqu'en 2001, date à laquelle Anne Hidalgo (maire de Paris depuis 2014) est arrivée au poste de première adjointe. Ils proviennent en grande partie d'un rapport sur «la politique parisienne en matière de propreté» rendu par une mission d'information et d'évaluation en décembre 2017 et présenté au Conseil municipal en février.

Désaccords sur le budget

Premier point de discorde, l'évolution du budget propreté. D'après Les Républicains, il a baissé de 11%, en passant de 149 millions € en 2001 à 133 millions € en 2016, d'après les Républicains. La présidente du groupe LR, et de la mission à l'origine du rapport, Florence Berthout l'avait déjà évoqué dans un article du Monde, en février :

<em>«Depuis 2001, l'espace public parisien a augmenté de près de 30 %, ce qui multiplie les surfaces à nettoyer, et plus de 100 000 personnes supplémentaires y circulent, alors que le budget consacré à la propreté est passé de 149 millions d'euros en 2001 à 133 millions d'euros en 2016, soit une diminution de 11 % en euros constants».</em>

De son côté, la mairie estime que le budget est resté constant, autour de… 550 millions €.

Cet écart s'explique par des chiffres de référence différents. La mairie évoque la totalité du budget de la direction de la propreté et de l'eau (DPE). Le groupe LR, lui ne retient que la ligne «propreté» du budget de la direction de la propreté et de l'eau (DPE). Le groupe écologiste, également critique sur le bilan de la municipalité, procède comme LR:

Contacté par CheckNews, Yves Contassot, président du groupe écologiste, et ancien adjoint au maire chargé de l'environnement sous Bertrand Delanoë, explique avoir exclu de son calcul le budget alloué à la masse salariale influencé par des éléments extérieurs comme «l'évolution du point d'indice» et la contribution au service chargé du traitement des déchets (SYCTOM) «qui n'a rien à voir avec la propreté», alors que la mairie les intègre.

Restent donc, une fois ces postes retirés, les opérations internes, les services de prestataires et l’achat de matériel. A la différence de LR, les écolos arrivent à une hausse faciale de 12 millions € entre 2001 et 2016, de 121 à 133 millions €. Mais d’après les écolos, cela revient à une baisse :

«Si l'on prend pour base les données de 2001, on constate que les dépenses de propreté hors masse salariale et hors contribution au SYCTOM ont diminué de 17.74% passant en euros constants de 121 à 133 millions d'euros alors que la somme aurait dû atteindre 151 millions d'euros en euros courants» pour avoir la même capacité d'action.

Précisons toutefois que ces comparaisons sont rendues compliquées par les évolutions de périmètres. Les missions de propreté sont réparties dans plusieurs programmes budgétaires et directions. Et certaines ont été transférées d’une direction à l’autre ces dernières années. L’exemple le plus marquant remonte à 2016 lorsqu’une partie des effectifs de la DPE a été transférée dans une autre direction (la DPSP) pour créer la brigade anti-incivilité (qui verbalise par exemple les mégots jetés par terre).

Des effectifs en hausse ou en baisse ?

Les Républicains comptent 11 111 équivalents temps plein (ETP) en moins entre 2001 et 2017. Ce chiffre provient d’un tableau en annexe du rapport de la MIE qui détaille les effectifs totaux liés à la DPE : ses effectifs propres, des effectifs présents dans d’autres organismes, et ceux des budgets annexes.

La ville a indiqué à CheckNews qu'«il n'y a pas d'agent affecté au nettoiement parmi les 11 111 postes supprimés». Au contraire, elle souligne l'augmentation nette de 303 postes à la propreté, comme on peut le voir dans le tableau. Elle concerne des éboueurs et des encadrants de terrain. À cela elle ajoute environ 300 autres postes récupérés lors d'un changement d'organisation des services.

Les éboueurs sont comptés dans la case propreté. Au nombre de 5 041, ils représentent 67% des effectifs de la DPE.

Les évolutions négatives se concentrent dans les ETP «ententes» (les autres organismes) et les budgets annexes. Comme preuve de sa bonne foi, la ville souligne le fait que les conclusions du rapport de la MIE ne reprennent pas ce chiffre de 11 111. La mission relève même que les effectifs budgétaires ont augmenté chez les éboueurs depuis 2013.

Reste que d’après le groupe écologiste, le personnel réellement chargé du nettoiement des rues a diminué. Yves Contassot explique que le nombre de conducteurs et de chefs d’équipe a augmenté au sein de la DPE ce qui implique une part moins importante d’agents en train de nettoyer.

De plus, il estime que les agents dédiés à la collecte des déchets (ramassage de poubelles) ont augmenté au détriment du nettoiement des rues. Là-dessus impossible de concilier les deux points de vue. De son côté, la mairie rappelle que les effectifs affectés à la propreté alternent entre les deux tâches lorsque la collecte n’est pas effectuée par un prestataire.

Toutefois, la mission rapporte à plusieurs reprises les plaintes de certains élus au sujet du manque de moyens humains.

Globalement, les différents groupes s’accordent pour dire que la charge de travail a augmenté en près de 18 ans. D’après une estimation de la CGT, reprise dans le rapport, la surface supplémentaire à traiter a augmenté de 30% depuis 2001 :

«La CGT estime à 1000 le nombre d'éboueurs à recruter pour faire face à ces évolutions. La CFDT, quant à elle, considère que pour réaliser les plans de propreté, il faudrait 20% d'éboueurs opérationnels en plus sur le terrain», peut-on lire.

Du matériel toujours en panne ?

Les Républicains indiquent que 25% sont «en panne en permanence». Ces chiffres correspondent à la disponibilité des laveuses de trottoirs en 2015 et 2016.
Sur l'ensemble de la période, le taux de disponibilité des quelque 250 machines tourne autour de 83%, soit 17% du matériel en panne. «Nous avons poussé les dernières machines au maximum», précise la ville qui prévoit l'arrivée de 180 nouvelles machines, «d'ici la fin de l'été 2018».

Une partie de ce matériel neuf devrait remplacer les engins usés. Un apport encore insuffisant, d'après le groupe écologiste : «Ne disposant pas des investissements pendant la période sous revue il est très difficile d'en conclure de façon incontestable que les moyens affectés à la propreté ont diminué mais il est permis d'affirmer qu'ils n'ont pas cru de façon corrélée à l'accroissement des besoins», peut-on lire dans leur contribution à la MIE.

Cordialement