Question posée par Jordane le 19/06/2018
Bonjour,
votre question porte sur des propos tenus par Donald Trump et son administration sur la politique de séparation des enfants de leurs parents à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Lors d'un point presse, le président a assuré «détesté» cette situation : «Je déteste [l'idée] que les enfants soient séparés. Les démocrates doivent changer leur loi. C'est leur loi.» Relancé par un journaliste, il poursuit : «Les démocrates ont forcé cette loi. Je déteste ça.» C'est faux : aucune «loi démocrate» ne prévoit la séparation des enfants de leurs parents à la frontière.
Kirstjen Nielsen, sa secrétaire à la sécurité intérieure, a assuré de son côté que son administration suivait «une politique que d'autres administrations ont suivie» par le passé et qui encadre la manière dont les enfants doivent être «protégés».
Ce cadre qu'elle évoque est une référence à un règlement judiciaire («settlement» en anglais) qui remonte à 1997, sous le président démocrate Bill Clinton. L'affaire opposait une jeune Salvadorienne détenue à la frontière, du nom de Flores, au procureur général des Etats-Unis. L'accord a effectivement conduit à limiter l'emprisonnement des enfants seuls ou avec leurs parents au-delà de vingt jours, détaille le Washington Post, ce qui peut conduire les autorités à les séparer en cas de détention.
Mais la présentation qu’en fait Nielsen est trompeuse : ce sont bien des choix effectués par l’administration Trump qui ont conduit à la séparation de plus de 2 000 enfants de leurs parents depuis avril.
La situation actuelle résulte en fait d'une décision prise en avril par le procureur général des Etats-Unis Jeff Sessions de poursuivre pour délit pénal tous les migrants qui traverseraient la frontière illégalement, pour demander l'asile par exemple, y compris ceux avec de jeunes enfants. Ces mêmes migrants sont donc désormais placés en détention, en attente de leur jugement. Au bout de vingt jours, les enfants de ces familles doivent être libérés (en vertu du «règlement Flores»): comme l'administration Trump refuse de libérer les familles entières, elles doivent donc être séparées.
Jusque-là, les migrants accompagnés de jeunes enfants échappaient en règle générale aux poursuites pénales sous George W. Bush ou Barack Obama, qui privilégiaient des poursuites civiles pour éviter les détentions systématiques et donc les séparations de familles (même si cela pouvait parfois arriver de façon exceptionnelle, comme le précise Politifact). Surtout, ces mêmes administrations choisissaient de libérer les familles entières au bout du délai de vingt jours lorsqu'elles étaient détenues. C'est à ces exceptions que l'administration Trump a choisi de mettre fin.
Un nouveau décret
Face à la polémique internationale, Trump a finalement signé hier un décret présidentiel pour «garder les familles ensemble, tout en étant sûr de garder une frontière forte». Il contredit au passage des déclarations précédentes de son administration, selon laquelle il était impossible d'éviter de séparer les quelque 2 300 mineurs de leurs parents sans voter une nouvelle loi.
Ce décret établit que les autorités doivent désormais «détenir les familles ensemble», durant toute la procédure qui les concerne. Du même coup, Trump a annoncé qu'il souhaitait amorcer une procédure judiciaire pour modifier le «règlement Flores» et donc la règle des vingt jours de détention pour les mineurs. «Si cette procédure n'aboutit pas, le décret du président devra affronter une bataille judiciaire [initiée par] les représentants des familles détenues», estime le Guardian.
Mais plusieurs médias américains notent que la politique de la «tolérance zéro» est également (légèrement) amendée puisque le décret ouvre la porte à des exceptions : les familles ne seront détenues que «là où cela est approprié et en accord avec la loi et les ressources à disposition». Par ailleurs, comme le note CNN, les familles ne seront plus «remises entre les mains du Département de la justice quand ils sont poursuivis pour des délits pénaux, mais seront détenues en centre de rétention avec leurs enfants auprès du Département de la sécurité intérieure». Le décret ne semble en revanche donner aucune piste pour régler la situation des familles d'ores et déjà séparées.