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Que se passerait-il si le président violait la Constitution?

Le président peut être destitué, mais seulement en cas de «manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat».
Le président Emmanuel Macron s'adresse aux membres du Sénat et de l'Assemblée nationale dans la salle du Congrès au château de Versailles, le 9 juillet 2018 (Photo ludovic MARIN. AFP)
publié le 10 juillet 2018 à 18h30

Question posée par guivarc'h allan le 09/07/2018

Bonjour,

Nous avons raccourci votre question, la voici en intégralité: «Bonjour, que pourrait-il se passer si un président de la République en exercice ne respecte pas un article de la constitution ? Par exemple si Macron était resté pour répondre aux parlementaires, concrètement que se serait-il passé pendant et après ?»

Devant le Congrès (tous les parlementaires réunis à Versailles) lundi 9 juillet, Emmanuel Macron a notamment demandé à son gouvernement de porter un amendement au projet de réforme constitutionnelle qui lui permettrait de répondre aux parlementaires après son discours au Congrès. En effet, la séparation des pouvoirs interdit au Président de débattre avec les parlementaires. L'article 18 de la Constitution dispose ainsi que:

Il peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l'objet d'aucun vote.

Hors session, les assemblées parlementaires sont réunies spécialement à cet effet.

C'est notamment à cause de cette règle que les députés insoumis et certains LR ont décidé de boycotter le congrès hier, critiquant une mise en scène «monarchique».

Vous nous demandez ce qu'il aurait pu se passer si Emmanuel Macron avait choisi de contrevenir à cette règle, et avait débattu avec les parlementaires après son discours. «A priori, rien», répond Bastien François, professeur de droit constitutionnel.

L'article 67 de la Constitution dispose en effet que le président «n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité». Ce qui signifie qu'il ne peut être poursuivi devant aucune juridiction pour des actes accomplis en tant que président (à part s'il se rendait coupable de crimes contre l'humanité).

La seule sanction qui pourrait en fait être prise contre le président serait alors… la destitution. Mais celle-ci, comme nous l'expliquions dans une précédente réponse, est difficile à mettre en œuvre. Régie par l'article 68 de la Constitution, la destitution doit être votée par le Parlement à la majorité des deux tiers. Une situation qui relèverait de la politique-fiction, puisque LREM compte 312 députés sur 577, mais auxquels on peut rajouter 46 Modem, et une partie des 46 UDI… Si ses troupes sont plus maigres au Sénat, il est malgré tout peu probable que l'opposition puisse rassembler les deux tiers des parlementaires pour voter une destitution.

D'autant plus qu'il faut une situation grave pour voter l'article 68, qui dispose que «Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat».

En résumé, on peut imaginer que si un président violait la Constitution en débattant avec le Congrès, «cela pourrait provoquer une crise politique grave, mais il ne se passerait pas grand-chose sur un plan constitutionnel ou juridique», relativise Bastien François.

Cordialement