Question posée par Laocoon le 11/07/2018
Bonjour,
Vous nous avez posé plusieurs questions sur l’agression d’un couple de deux policiers pendant une bagarre en Seine-et-Marne, notamment sur le traitement médiatique :
«De nombreux articles ont uniquement relaté la version donnée par les policiers dans l'affaire de l'agression de Seine-et-Marne. Néanmoins, Arrêt sur images livre une tout autre version de ces événements qui ont suscité "indignation" au sommet de l'Etat. Est-ce que le moindre grand journal a investigué l'affaire ou se sont-ils seulement contentés de reprendre le verbatim des syndicats policiers ? […]».
Les premiers articles sur l'agression ont été publiés par Le Parisien et l'AFP, le 5 juillet. Dans les deux cas, les journalistes reprennent principalement des informations qu'ils ont reçues de sources policières :
Le Parisien fait référence à «une source proche de l'enquête», «un collègue» des policiers, ou encore «la police». Précisons qu'au moment où est écrit l'article, les journalistes ne connaissent pas l'identité des deux frères impliqués.
Idem pour l'AFP, qui précise dès le début de la dépêche «la source policière» de l'information selon laquelle «deux hommes à bord d'un véhicule les interpellent [le couple, Ndlr] et commencent à injurier la jeune femme».
Rapidement, Frédéric O., 27 ans et Anthony O., 24 ans, sont interpellés, mais leurs identités ne sont pas encore révélées à la presse, d'après une journaliste de l'AFP contactée par CheckNews. «Nous avons interrogé leur avocate Louise Tort dès que nous avons su qu'elle les représentait», a-t-elle précisé, c'est-à-dire dans la dépêche du 8 juillet.
Le 9 juillet, Arrêt sur images publie pourtant un article rapportant la version des deux frères, qui remet largement en cause le récit des policiers sur l'origine de la bagarre.
La journaliste free lance Sihame Assbague, engagée contre les violences policières, se fonde notamment sur une lettre que le principal accusé aurait adressée à Amal Bentounsi, du collectif Urgence Notre police assassine, et qu’elle s’est procurée.
Contactée par CheckNews, elle explique avoir obtenu l'identité des frères «dans le cadre de la contre-enquête» effectuée pour son article. Elle parvient ainsi à s'entretenir avec le frère interpellé en dernier, la mère des deux frères, et plusieurs habitants (les noms sont modifiés dans l'article).
D'après nos recherches, c'est le seul média à l'avoir fait. Les autres, comme Le Figaro, Le Monde ou Libération ont repris dans un premier temps les dépêches de l'AFP alimentées par des sources policières et le parquet de Meaux. TF1 et BFMTV reprennent aussi les sources policières. Dans un reportage de France 3, une voisine est interrogée et témoigne de la violence des coups.
En revanche, lors de l'audience, une semaine plus tard, certains médias comme Libération ont envoyé des journalistes sur place. Les autres ont continué de reprendre l'AFP, comme le Figaro.
À partir du procès (en comparution immédiate), certaines déclarations des frères et de leur avocate sont ainsi reprises et soulignent le désaccord entre les versions détaillées à l'audience sur plusieurs points fondamentaux (ici, sur Le Monde), dont l'origine de l'altercation et les menaces proférées contre la policière.
France Info, de son côté, se concentre sur les violences (qui ne sont pas contestées) et n'aborde pas les divergences de versions dans son article web sur les peines de quatre ans et demi et trois ans demis de prison ferme prononcées contre les prévenus.
Cordialement
P.S : Vous nous avez aussi demandé: «A votre connaissance, existe-t-il un élément tangible susceptible d'accrédité la version policière plus que celle des condamnés ?», ce à quoi nous ne sommes pas en mesure, pour l'instant, de répondre.