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«TGV du futur» : comment la SNCF a-t-elle choisi Alstom ?

Le 26 juillet, la SNCF a annoncé la commande à Alstom de 100 rames du TGV nouvelle génération. Dès 2013, l'Etat prépare le projet en espérant voir l'industriel français remporter la mise.
Pas d'évolution en terme de vitesse pour le "TGV du futur" (Photo JEAN-PIERRE MULLER. AFP)
publié le 1er août 2018 à 12h16

Question posée par Stéphane le 26 juillet 2018

Bonjour,

Vous nous interrogez sur la commande de 100 rames du «TGV du futur» passée par la SNCF à Alstom pour un montant de 3 milliards d'euros et rendue officielle le 26 juillet. Vous nous demandez notamment s'il y a eu «une procédure de sélection concurrentielle en vue de l'acquisition du meilleur train au meilleur prix au mieux des intérêts des usagers et contribuables».

Pour vous répondre précisément : la SNCF a publié un appel d'offres pour un «partenariat d'innovation» afin de développer «les TGV du futur». Plusieurs industriels ont participé, mais c'est Alstom qui a été retenu, en 2016 :

«Lancé en juillet 2015, l'appel d'offres de la SNCF pour ce "partenariat d'innovation" a été remporté en mai 2016 par le français Alstom, au détriment de l'allemand Siemens et du canadien Bombardier, sans grande surprise», écrivait à l'époque le journaliste de Libération Jean-Christophe Féraud.

Une fois ces TGV développés grâce au partenariat d'innovation, ils ont donc été officiellement commandés la semaine dernière, sans qu'un nouvel appel d'offres ait été nécessaire. «Le partenariat d'innovation est un modèle spécifique où la mise en concurrence a lieu au début», explique Alstom.

Un projet préparé par l’Etat depuis 2013

Comment Alstom a-t-il remporté l'appel d'offres pour le partenariat d'innovation? L'Etat a tout fait pour que son fleuron industriel développe le TGV du futur avant même la publication de l'appel de la SNCF en 2015. En 2013, le gouvernement annonce officiellement le lancement de 34 plans pour «la nouvelle France industrielle», initiative portée par Arnaud Montebourg, ministre de l'Économie, du Redressement productif et du Numérique. Parmi eux, la création du «TGV du futur» :

«La France doit opérer sa révolution ferroviaire et imaginer le TGV nouvelle génération pour espérer conquérir de nouveaux marchés et résister à la concurrence de nouveaux acteurs. Elle peut notamment s'appuyer sur Alstom, leader mondial reconnu de la grande vitesse», peut-on lire alors dans le dossier presse, avec une esquisse de train dessinée par Alstom en illustration.

Contacté par CheckNews, Alain Vidalies, secrétaire d'Etat aux Transports à l'époque, le confirme : «dès le départ, le projet était destiné à Alstom», constructeur historique du TGV. C'est d'ailleurs Henri Poupart-Lafarge, à l'époque président d'Alstom Transport (désormais patron d'Alstom) qui est désigné chef de projet du plan dès 2014. Afin de donner toutes ses chances au projet, l'Etat apporte 120 millions d'euros à travers le programme d'investissement d'avenir (PIA).

Un soutien financier

En mars 2015, Emmanuel Macron ministre de l’Économie et Alain Vidalies, secrétaire d’Etat aux Transports annoncent la création d’un partenariat entre Alstom et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) afin d’apporter un soutien financier au projet :

«L'Etat a demandé à l'ADEME d'examiner dans le cadre des investissements d'avenir la faisabilité d'un apport en capital, en investisseur avisé aux côtés d'Alstom Transport, dans une entreprise commune destinée à porter les efforts de R&D [Recherche et développement, ndlr] nécessaires à la concrétisation de ce TGV du futur», précise le communiqué à l'époque.

«Cette entreprise [nommée par la suite Speed-Innov et inaugurée en décembre 2015, ndlr] commune pourrait ensuite répondre à un appel d'offres européen qui serait lancé d'ici l'été [2015, ndlr] par la SNCF pour construire un "partenariat d'innovation"», détaille le gouvernement.

Lors de la visite d'Emmanuel Macron sur le site de Belfort en mai 2015, l'ancien ministre de l'Économie se veut rassurant face à la crainte d'un plan social : «le TGV du futur, c'est de l'innovation qui se fera ici», assure-t-il notamment alors que l'appel d'offres de la SNCF n'est pas encore lancé.

Une fois l’appel d’offres remporté en 2016, Alstom, l’Ademe et la SNCF ont planché sur ce TGV pour finalement aboutir en 2018 à la commande ferme de la centaine de rames dont nous parlions au début de cette réponse.

Le choix d'Alstom pour cette commande découle donc tout simplement de l'appel d'offres pour le partenariat d'innovation. Pour Jean-Pierre Audoux, délégué général de la fédération des industries ferroviaires (FIF), le véritable «suspense» était de savoir si l'équipe SNCF/Alstom allait «atteindre les objectifs fixés par la convention», avec une mise en service courant en 2022.

Alain Vidalies assure d'ailleurs que ces objectifs n'étaient «pas simplement une question d'innovation, mais aussi de réduction des coûts à l'achat d'une part, et d'entretien d'autre part».

«Il fallait répondre à la nécessité du renouvellement compte tenu de l'âge du parc, mais aussi arriver à des gains de productivité qui permettent de rentabiliser», précise-t-il.

Ainsi le projet présenté en juillet 2018 prévoit un coût à l’achat réduit de 20%, idem pour les coûts en consommation d’énergie. La nouvelle rame doit aussi permettre d’embarquer 740 passagers contre 500 pour les TGV Duplex. Par ailleurs, l’Etat espère générer 4000 emplois au sein de la filière grâce au projet. La première livraison est prévue en 2023. Initialement, l’Etat espérait voir le TGV du futur circuler dès 2018.

En résumé, le TGV du futur est un projet porté par l’Etat et destiné à Alstom, dès 2013, dans le cadre des 34 plans pour une nouvelle France industrielle. Lorsque la SNCF passe un appel d’offres en 2015 pour développer une nouvelle génération de TGV, c’est sans surprise qu’Alstom est sélectionné. 

Cordialement