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L'affaire Benalla démontre-t-elle que les MacronLeaks étaient vrais?

Affaire Benalladossier
Plusieurs faux avaient été présentés comme issus des MacronLeaks, mais le contenu des boites mails piraté était authentique.
Le président Emmanuel Macron et Alexandre Benalla, le 12 avril 2018 à Berd'huis, dans l'Orne (Photo CHARLY TRIBALLEAU. AFP)
publié le 13 septembre 2018 à 18h09

Question posée par Clémentine le 13/09/2018

Bonjour,

Vous nous posez cette question en renvoyant vers un tweet du blogueur Olivier Berruyer, en nous demandant si les journalistes devraient «finalement» enquêter sur les MacronLeaks. Voici le tweet en question:

Rappelons d’abord en quoi consiste les MacronLeaks. À la veille du second tour de la présidentielle, dans la nuit du 5 au 6 mai 2017, des milliers d’e-mails de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron sont piratés et diffusés sur le forum anonyme 4Chan. Une enquête judiciaire a été ouverte dans la foulée.

Vous nous demandez si l’on apprend que les informations révélées via les MacronLeaks sont «finalement» vraies. Personne n’a jamais prétendu le contraire. Ce qui a été pointé dès le départ, c’est que certaines infos fausses présentées comme provenant des MacronLeaks avaient été largement diffusées au même moment.

Quelques jours après la publication des Macron Leaks, Libération expliquait d'ailleurs:

Sont ainsi diffusés des faux grossiers présentés comme des documents extraits des «leaks», ou des mails à l'authenticité douteuse, tandis que d'autres font l'objet de présentations tronquées. Il n'en reste pas moins que des boîtes mails de l'équipe ou de l'entourage de Macron ont bel et bien été piratées, révélant les coulisses d'une campagne singulière.

Les principales intox et faux qui circulaient sur les réseaux sociaux étaient résumées ici. Il y a quelques mois, l'une de ces rumeurs, selon laquelle Rothschild et Soros avaient financé la campagne de Macron, était d'ailleurs de retour. Un an après, elle était toujours aussi fausse.

Faire le tri

Au moment de la publication des MacronLeaks, l'équipe d'En Marche avait largement insisté sur cet aspect, et mettait en garde: «Ceux qui font circuler ces documents ajoutent à des documents authentiques nombre de faux documents afin de semer le doute et la désinformation.» En août dernier, Libération revenait d'ailleurs sur cette stratégie de communication, parfois malhonnête, qui consistait à insister sur les faux… pour jeter le discrédit sur des documents bien authentiques, eux. Voilà ce qu'écrivait Libé :

Les macronistes insistent sur la <em>«circulation» </em>de<em> «faux documents»</em> au milieu des vrais.<em> «C'était exact, mais la plupart des faux mails étaient des</em> <em>fakes </em><em>grossiers, comme </em><em>celui où untel dit qu'il se masturbe en écoutant des bruits d'évier ou commande de la cocaïne,</em> détaille un cadre. <em>Mais cela nous a permis de faire passer des vrais pour des faux, comme celui, véridique, où un cadre écrit «Il faut dégager un max [de salariés] après le 5 mai.»</em>

En effet, la première question que les journalistes se sont posée en constatant que cette masse d'informations avait été publiée consistait à s'interroger sur la véracité des documents, leur pertinence, et à les trier. Le soir de cette divulgation, le journaliste de Mediapart Yann Philippin nous expliquait dans une interview:

«Avoir autant d'informations confidentielles entre les mains, c'est une énorme responsabilité. Dans un leak, il y a beaucoup d'informations privées, mais assez peu d'informations d'intérêt public. L'objectif d'une équipe de journalistes qui travaille sur un leak, c'est de faire le tri.»

Une fois ce tri effectué entre fausses et vraies informations, celles relevant de la vie privée et celles d'intérêt public, les journalistes ont utilisé le contenu des mails piratés. Avec des stratégies différentes. Libération par exemple a publié une enquête une semaine après la publication des fichiers. Pendant une semaine, la cellule enquête du journal s'était plongée dans les fichiers pour comprendre comment Macron avait financé sa campagne. Dans un édito publié en parallèle de cet événement, le journal expliquait pourquoi nous avions choisi de rendre publics des documents piratés.

Dix jours plus tard, Mediapart anglait sur le même sujet. Tandis que Le Monde, dans ses articles sur le piratage, expliquait dans un encadré choisir de ne rien publier dans l'immédiat: «Si ces documents contiennent des révélations, Le Monde, bien entendu, les publiera, après avoir enquêté, dans le respect de nos règles journalistiques et déontologiques, sans se laisser instrumentaliser par le calendrier de publication d'acteurs anonymes». Depuis, le journal (comme l'ensemble de ses confrères) n'hésite pas à s'appuyer sur le contenu des MacronLeaks pour étayer ses enquêtes. Cela d'ailleurs a été le cas dès le début de l'affaire Benalla.

Aujourd'hui, donc, Olivier Berruyer s'appuie sur les MacronLeaks pour assurer qu'Alexandre Benalla était rémunéré 3 500 euros nets lorsqu'il était en charge de la sécurité pendant la campagne. C'est vrai: le blogueur renvoie vers un échange de mail daté du 5 décembre 2016, abordant les conditions du contrat d'Alexandre Benalla. L'ex chargé de mission à l'Elysée avait en effet d'abord travaillé à la sécurité d'En Marche pendant la campagne présidentielle. Le Monde l'indiquait dès son premier portrait du chargé de mission.

En résumé, personne n'a jamais dit que les MacronLeaks étaient faux (même si En Marche a pu, parfois, essayer de faire passer des documents authentiques pour des faux). Les journalistes s'appuient d'ailleurs régulièrement sur le sujet pour étayer leurs enquêtes. Et certains médias dont Libé n'ont attendu que quelques jours pour publier des articles en se basant sur ces documents volés. Toutefois, au moment de la divulgation des MacronLeaks certains faux avaient été diffusés au milieu de documents authentiques: la prudence était alors de mise avant de relayer ces documents.