Question posée le 19/09/2018
Bonjour,
Nous avons reformulé votre question. La voici en intégralité : «Pourquoi ne dites-vous pas que les repas à 1 euro dans les cantines proposées par le président sont déjà depuis longtemps appliqués dans de nombreuses agglomérations ?»
Vous faites référence au discours d'Emmanuel Macron du 13 septembre 2018, dans lequel il présente les principales mesures du Plan Pauvreté, notamment sur la réforme de la cantine scolaire dans les écoles primaires : «L'accès à la cantine sera rendu plus universel en développant les repas à un euro pour les personnes les plus pauvres. De nombreux maires ont déjà pris des initiatives fortes en la matière, que je salue. Je souhaite que nous puissions accompagner les communes dans ce juste combat. Aussi, une incitation financière sera mise en place dans les communes les plus pauvres.»
On retrouve cette proposition dans le dossier presse du ministère des Solidarités et de la Santé : «Un mécanisme d'incitation sera par ailleurs mis en place en direction des communes les plus fragiles de moins de 10 000 habitants pour appliquer une tarification sociale de la restauration scolaire avec un plafond du barème le plus bas à 1€ le repas.» Contacté par CheckNews, l'Elysée ne précise pour le moment ni le montant ni les modalités de cette aide.
La mesure est directement inspirée d'une proposition de loi de février 2018, concernant le tarif des cantines scolaires, qui n'avait pas été soumise au vote de l'Assemblée. Elle portait sur la gratuité des repas dans les écoles, collèges et lycées pour les familles les plus pauvres dans toute la France. «La mesure du Plan Pauvreté d'Emmanuel Macron reprend les trois quarts de notre proposition», explique à Check News le député LREM Gael Le Bohec, à l'origine de la proposition de loi et qui a travaillé sur le projet annoncé par Emmanuel Macron.
Le périmètre de la réforme annoncée par le Président est toutefois beaucoup plus restreint : il ne concerne plus que les écoles primaires des communes les plus pauvres, et prévoit de faire payer ce repas un euro.
Paris, Lyon ou Aix-en-Provence
Vous souhaitez ainsi savoir si des repas à 1 euro existaient déjà avant l'annonce d'Emmanuel Macron. De fait, certains maires ont ironisé sur le fait que la mesure s'applique déjà largement.
A #Juvisy le repas à la cantine coûte déjà 89 centimes pour les plus démunis... la cantine à 1 euro sera donc une augmentation? #RéinventerLaPoudre #PlanPauvreté
— Robin Reda (@robinreda) September 13, 2018
De nombreuses communes proposent effectivement des repas à ce prix, voire moins. Comme le mentionne l'article R531-52 du Code de l'éducation, c'est à la mairie de fixer les prix de la restauration scolaire dans les écoles primaires. Et celle-ci peut choisir des prix différents en fonction des revenus des familles.
Par exemple, la ville de Paris a établi depuis 2015 un système de dix tarifs possibles. Selon votre quotient familial, calculé grâce à votre avis d'imposition, le tarif de la cantine scolaire change. Ainsi, les plus faibles revenus déboursent uniquement 0,13 centime d'euros par repas, quand une famille très aisée dépensera 7 euros pour le même déjeuner.
Ce système de quotients familiaux est largement utilisé dans les grandes villes. C'est le cas de Lille qui propose une grille de 15 tarifs allant de 0,50 centime à 5,62 euros. On retrouve le même type de grille à Lyon, Bordeaux, Caen, Chambéry, Metz, Toulon, Avignon, Aix-en-Provence ou encore à Grenoble. Tous proposent des plateaux-repas à un euro ou moins pour les familles les plus pauvres.
Tarif fixe
Certaines petites et moyennes communes se tournent également vers un tarif fixe, et bas. C'est le cas de la ville de Montereau (19 000 habitants, Seine-et-Marne), où tout le monde paye le même prix depuis 2015 pour un plateau-repas : 1 euro. Le prix de revient pour chaque repas est d'environ 6 euros, et c'est la municipalité qui prend elle-même en charge la différence. «Nous avons fait le choix de ne pas augmenter les impôts. Pour financer la baisse du prix des repas, nous avons dû repenser et rationaliser la gestion interne de la mairie», précise le maire Yves Jégo.
D'autres villes vont même plus loin. Depuis 2007, les villes du Bourget et de Drancy (Seine-Saint-Denis), par exemple, ont instauré la gratuité totale de leurs cantines scolaires. À l'époque, c'était une première en France, possible grâce à des économies budgétaires et à la prime versée par l'Etat aux deux communes après leur agglomération.
«Une méconnaissance, une absence de dialogue entre l’Elysée et les communes rurales»
S'il est impossible de chiffrer précisément la part des communes appliquant déjà des tarifs sociaux, la proposition d'Emmanuel Macron a été jugée peu ambitieuse et peu pertinente, par de nombreux maires, estimant qu'elle et déjà largement appliquée. «Cela traduit une méconnaissance, une absence de dialogue entre l'Elysée et les communes rurales», estime André Laignel, maire PS de la petite commune d'Issoudun (Centre) et vice-président de l'association des maires de France. Dans sa commune de 13 000 habitants, la gratuité des repas scolaires pour les plus démunis est instaurée depuis septembre 2008. Un déjeuner de cantine sur cinq est distribué gratuitement. «Mettre les repas à 1 euro pour les plus pauvres serait un recul!», tacle l'édile. Une position que partage Pascal Troadec (PCF), adjoint au maire de Grigny (Essonne). «Dans ma commune, le repas au quotient familial le plus bas est à 0,90 centime», explique-t-il à CheckNews. L'Essonnien souhaiterait donc plutôt tendre vers «la gratuité pour les foyers les plus modestes».
Cordialement,
Oriane Alcarini
Cet article a été réalisé dans le cadre d'un partenariat avec le CFPJ pour le journal d'application de la promotion 46.