Question posée par Lucas le 31/10/2018
Bonjour,
Elle s'est déroulée aux confins du monde, mais l'affaire a fait grand bruit. Le 9 octobre dans la salle à manger de la base russe de Bellinghausen, sur l'île de King Georges, en Antarctique, Sergey Savitsky attaque au couteau l'un de ses collègues, rapporte l'agence russe Interfax.
Après son méfait, il aurait été enfermé pendant dix jours dans l'église orthodoxe de l'île, affirme le site américain Motherboard. Savitsky se serait auparavant rendu sans résistance au chef de la station russe, toujours d'après Interfax. Selon la «source bien informée» de l'agence, «le chef de la station polaire en Antarctique est le représentant de l'Etat et est dépositaire de son pouvoir.»
Interfax a obtenu une partie de ses informations auprès du service presse du tribunal du district fédéral de Vaileostrovskiy (où sera jugé Savitsky), à Saint-Pétersbourg. Ce district correspond à l’île Vassilievski, où est situé l’institut russe de l’Arctique et de l’Antarctique, dont dépendent les bases polaires de la Russie. Car il n’y a pas de tribunal en Antarctique.
D'où votre question : «Une tentative de meurtre a eu lieu en Antarctique, une première pour ce continent. Quelle juridiction est compétente sur ce continent "neutre" ?»
Loi du pays d’origine
L'Antarctique est un territoire démilitarisé, où «seules les activités pacifiques sont autorisées», selon le traité de l'Antarctique signé en 1959 notamment par la France, les Etats-Unis et la Russie (à la suite de l'URSS) et auxquels une quarantaine de pays ont depuis adhéré. Ce texte, censé faciliter la recherche et la collaboration scientifiques entre les pays présents au pôle Sud, règle théoriquement la question du droit des personnes. Son article 8 dispose :
Afin de faciliter l'exercice des fonctions qui leur sont dévolues par le présent traité et sans préjudice des positions respectives prises par les parties contractantes en ce qui concerne la juridiction sur toutes les autres personnes dans l'Antarctique, les observateurs désignés conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 7 et le personnel scientifique faisant l'objet d'un échange aux termes de l'alinéa 1.b de l'article III du traité ainsi que les personnes qui leur sont attachées et qui les accompagnent, <strong>n'auront à répondre que devant la juridiction de la partie contractante dont ils sont ressortissants</strong>, en ce qui concerne tous actes ou omissions durant le séjour qu'ils effectueront dans l'Antarctique pour y remplir leurs fonctions.
En un mot, donc : un Russe en Antarctique est soumis à la loi russe, un Français à la loi française, etc. Dans le cas des terres australes et antarctiques françaises (TAAF), c'est l'administrateur supérieur qui a par ailleurs «la charge des intérêts nationaux et du respect des lois».
Précédents
On précisera enfin que contrairement à ce qu’on a pu lire, ce n’est pas la première fois que des habitants du pôle Sud en viennent aux mains.
Des occupants d'une station sud-coréenne se sont déjà battus dans leur réfectoire en 2009. Un médiateur australien avait été envoyé en 1996 pour calmer les esprits sur la base de Casey… en même temps que deux enquêteurs du FBI, rapportaient Associated Press. Les policiers fédéraux ont été appelés après qu'un cuisinier de la base américaine de McMurdo avait attaqué un collègue avec un marteau, puis placé en détention au sein de la base. Sur le site internet de la mission Tiger de la Nasa, qui opère en Antarctique, on lit que la base McMurdo dépend du procureur d'Hawaï. Enfin, sans que la date soit précisée, des chercheurs américains écrivaient en 1988 qu'un scientifique soviétique en aurait tué un autre avec un piolet après une partie d'échecs perdue.