Bonjour,
Nous avons reformulé votre question, qui était rédigée ainsi: «Les Gilets Jaunes annoncent la création d'une délégation de huit personnes et publient leurs revendications. Qui sont les huit personnes en question ? Connaissez-vous leurs appartenances politiques ?»
Depuis ce lundi 26 novembre, un «communiqué officiel des gilets jaunes» circule sur Facebook. Ce texte annonce la création d'un comité qui demande à rencontrer «le président de la République, le Premier ministre et son gouvernement». Portraits des huit porte-parole, ou «messagers», comme ils préfèrent se présenter, dont les deux premiers - Eric Drouet et Priscillia Ludosky - sont, de fait, les principaux coordinateurs du mouvement.
Eric Drouet, 33 ans, chauffeur routier à Melun
Il est le tout premier organisateur de l'événement du 17 novembre. Ce chauffeur routier originaire de Seine-et-Marne a lancé fin octobre, avec un de ses amis et collègues, un appel à bloquer les routes pour protester contre la hausse des prix du carburant. Les deux hommes sont tous deux membres d'un club de passionnés d'automobile, le «Munster crew», dont plusieurs autres membres les aident à organiser l'événement. Celui-ci est créé sur Facebook le 10 octobre, et décolle à partir du dimanche 21 octobre. Au final, 54 000 personnes affirment participer à l'événement, et 189 000 se disent intéressées. «On parlait un soir au téléphone, et on se disait qu'on en avait marre de payer des taxes et des taxes et de voir le prix du carburant qui augmente», avait raconté son collègue Bruno Lefevre à CheckNews fin octobre pour expliquer la création de l'événement.
Identifié comme l’un des principaux organisateurs des Gilets jaunes, Eric Drouet intervient alors sur plusieurs plateaux télés. Sur Facebook, il crée le 25 novembre une nouvelle page Facebook, la France énervée, pour relayer ses messages.
Après le week-end du 17 novembre, il crée, avec Priscillia Ludosky, un nouvel événement pour appeler à marcher sur Paris le samedi suivant, 24 novembre. Cette fois-ci, 36 000 personnes annoncent sur Facebook y participer et 209 000 se disent intéressées.
Priscillia Ludosky, 32 ans, auto-entepreneuse en Seine-et-Marne
La jeune femme de 32 ans, elle aussi originaire de Seine-et-Marne, a lancé sa pétition «pour une baisse des prix du carburant à la pompe» sur Change.org à la fin du mois de mai. Celle-ci passe relativement inaperçue jusqu'à ce qu'Eric Drouet la partage sur son événement facebook et que le Parisien lui consacre un article. En quelques jours, elle dépasse alors les 300 000 signatures. Aujourd'hui, elle s'approche furieusement du million.
Priscillia Ludosky, qui était encore une «conductrice anonyme» il y a un mois, est une autoentrepreneuse spécialisée dans les cosmétiques bio et l'aromathérapie. «Quand j'ai vu mon plein passer de 45 à 70 euros, j'ai cherché à savoir de quoi était composé ce prix. Je me suis rendu compte que le gouvernement pouvait agir en baissant les taxes. C'est donc ce que je lui demande», expliquait-elle au Parisien fin octobre. Très rapidement, la pétitionnaire est identifiée comme l'une des porte-parole du mouvement, et intervient sur tous les plateaux télé (France 3, LCI ou encore BFM).
Thomas Mirallès, 25 ans, chef d’entreprise à Perpignan
Âgé de 25 ans, Thomas Mirallès, des Pyrénées-Orientales, est le jeune responsable d'une entreprise de courtage en prêts immobiliers basée à Perpignan. Ce qui l'a séduit dans ce mouvement? «Le fait que ce soit apolitique. C'est d'ailleurs mon premier engagement, hormis une manifestation pour l'indépendance de la catalogne», explique-il à CheckNews. L'Indépendant révèle pourtant que le jeune homme a été candidat aux municipales sur une liste FN en 2014, à Canet. «C'était une erreur de jeunesse. Je me suis immédiatement retiré de tout cela juste après les élections perdues. J'étais avant tout un opposant au maire Bernard Dupont (réélu) et pas un militant politique. Je n'ai plus jamais milité ensuite», reconnaît-il auprès du journal local. En 2010, il était aussi déjà sur une liste, Union Républicaine pour Canet. Celle-ci était cette fois soutenue par le Parti socialiste.
Inquiet pour l'avenir de son fils de deux ans, il veut tout à la fois se battre pour l'écologie, mais aussi «contre les taxes qui amputent le pouvoir d'achat, sans que cela serve l'environnement».
Au journal L'Indépendant, il affiche les deux priorités du mouvement: «la première concerne la révision à la baisse de toutes les taxes et la seconde réside dans la création d'une Assemblée citoyenne qui examinera tous les projets de réforme, étudiera les dossiers transports, écologie, emploi, retraites, éducation et autres grands thèmes qui seront tranchés par voie de référendum». Considéré comme un des principaux animateurs des gilets jaunes dans les Pyrénées-Orientales, il reste sur une ligne plutôt modérée: «On ne veut aucun incident, ni blessés ni détérioration», déclarait-il au début du mois au quotidien local, invitant les participants à signer «une charte de bonne conduite les engageant à un mouvement pacifique».
Jason Herbert, 25 ans, chargé de communication à Angoulême
Titulaire d'un bac pro commerce, Jason Herbert, 25 ans, ex-journaliste aujourd'hui chargé de communication à la médiathèque d'Angoulême, est issu de la Charente. Ancien blogueur, puis membre du desk web de la Charente Libre pendant deux ans, jusqu'en 2014, il est depuis en procès avec son ancien employeur. Adhérent CFDT, membre du conseil national de la branche journalistes du syndicat, il est l'un des plus jeunes conseillers prud'homaux de France.
Interrogé par CheckNews, un responsable de la Charente Libre se dit étonné du choix de Jason comme porte-parole des gilets jaunes. «Sa désignation nous a surpris, dans la mesure où nos journalistes qui ont couvert le mouvement ne l'ont jamais vu», glisse-t-il. «C'est vrai et c'est normal, réplique à CheckNews l'intéressé, engagé parmi les gilets jaunes depuis une semaine. Mon rôle consistait à collecter les informations, à les faire remonter, et vice-versa. Donc j'allais sur les actions mais je ne restais pas longtemps». Investi pour «que les gens puissent vivre dignement de leur travail et non pas sous perfusion d'aides», Jason Herbert récuse «la violence et les blocages qui empêchent les citoyens de se déplacer».
Julien Terrier, 31 ans, autoentrepreneur à Corenc, en Isère
Il est le porte-parole du mouvement à Grenoble. Après un passage à l'armée de l'air et dans le bâtiment, ce père de famille qui est «allé voter une fois à la présidentielle» s'est lancé dans la création d'une société de rénovation et de dépannage début 2018, mise «entre parenthèses au mois de novembre, pour se consacrer au mouvement des gilets jaunes», sa première mobilisation, rapporte Le Dauphiné.
Il apparaît déjà dans le 12/13 Alpes sur France 3, la veille du 17 novembre. «Nous sommes un mouvement citoyen, on n'est pas porté par un parti politique ou un syndicat», expliquait-il. Il se défendait aussi d'être «anti-écologie» : «On est très sensibles à l'écologie […] On est d'accord pour une transition écologique, mais qu'on y mette les moyens, qu'on la fasse franchement et qu'on se dirige pas vers des voitures électriques, alors qu'on sait très bien qu'au niveau pollution, ce ne sera pas quelque chose de durable », exprimait-il.
Rebelote vendredi, la veille du 24 novembre, où il est interviewé par RMC sur l’organisation des gilets jaunes pour aller au rassemblement prévu le samedi dans la capitale. Il raconte comment les gilets jaunes s’organisent pour permettre aux manifestants de se rendre à Paris.
Marine Charrette-Labadie, 22 ans, serveuse en Corrèze
Elle a organisé plusieurs blocages près de Brive en Corrèze. Interrogée par Marianne sur ses motivations, le 4 novembre, elle explique être «plutôt de gauche», mais ne s'être jamais mobilisée auparavant. Son déclic ? «L'examen de son cas personnel […]. Résidant à Voutezac, petite commune située à 25 kilomètres du restaurant où elle travaille, elle dépense chaque mois près de 200 euros de carburant seulement pour aller travailler», raconte notre confrère.
Depuis le début de son engagement, la jeune femme semble très prise par l'organisation du mouvement. Un investissement qu'elle juge parfois ingrat : «C'est très dur d'être pointés du doigt [sur la proximité avec l'extrême droite, ndlr], injuste même. Nous mettons notre vie entre parenthèses pour dire que nous n'en pouvons plus, qu'il est de plus en plus difficile de vivre… Et pour seule réponse, nous récoltons des insultes», confie-t-elle.
Par ailleurs, elle explique le 21 novembre à l'Opinion avoir conscience que son statut de femme est une contrainte supplémentaire à gérer : «Lundi soir [19 novembre, ndlr], c'était très compliqué de modérer les plus radicaux qui veulent tout bloquer […] Je suis jeune, je suis une femme et ça pose problème à certains. Ils ont du mal à concevoir qu'une femme puisse les conseiller», observe-t-elle.
Mathieu Blavier, 22 ans, étudiant et fabricant de jus de pomme
Il vit à Miramas dans les Bouches-du-Rhône. Sur le sujet des gilets jaunes, on l’a pour l’instant peu entendu et il n’a pas répondu aux appels et aux mails de CheckNews pour s’étendre sur le sujet.
L'homme a suivi des études d'aéronautique du côté de Vitrolles, a travaillé comme technicien de maintenance chez Airbus Helicopters à Marignane et a fait des stages sur la base aérienne d'Istres, à en croire son profil professionnel en ligne. Soit toute une jeunesse autour de l'Étang de Berre et de ses activités industrielles. En 2017, il déclare à La Provence qu'il effectue des études de droit «avec l'idée de devenir un spécialiste des droits spatiaux». Il participe alors à une expérience scientifique : rester alité 60 jours pour observer l'effet sur le corps humain d'un séjour en apesanteur. À l'époque, il rêve de participer à une expédition polaire.
Mais d'abord et «pour payer [s]es études», dit-il au journal local, Mathieu Blavier gère une société créée il y a deux ans : Chicoula. Cœur de métier : le jus de pomme en circuit court. En mai 2017, il déclare produire 5000 bouteilles par an à trois euros le litre. Selon un autre papier de La Provence datant de mai 2018, il envisage de se mettre aux jus de raisins et de tomates. Il participait à un tremplin pour jeunes entrepreneurs, dont il n'a pas passé la deuxième étape, selon les organisateurs contactés par CheckNews.
Maxime Nicolle, 31 ans, intérimaire dans les Côtes-d’Armor
S'il parle beaucoup sur les réseaux sociaux, on sait peu de choses de ce jeune Costarmoricain. D'ailleurs, deux porte-parole du mouvement des gilets jaunes à Saint-Brieuc, préfecture du département des Côtes-d'Armor, s'étonnent de cette nomination auprès de France 3 Bretagne : «J'attends de le découvrir sur C8 ce soir, comme tout le monde», déclare l'un d'eux à la chaîne locale.
En fait, Maxime Nicolle était déjà sur le plateau de Touche pas à mon poste la semaine dernière. Cyril Hanouna dit de lui qu'il a été intérimaire dans le transport et comme mécanicien. La séquence est l'occasion pour le trentenaire de balancer un certain nombre d'inexactitudes très en vogue chez les gilets jaunes, comme le fait que le gouvernement refuse des autorisations de manifester. Et s'indigne auprès de Marianne de la «désinformation totale» qu'orchestrent selon lui médias et gouvernement.
Tout au plus sait-on que Maxime Nicolle a habité la Réunion. Il vante le vivre-ensemble de l'île, dans une de ces vidéos en selfie dont il est habitué, filmées (parfois pendant plus d'une heure) en manif ou chez lui, et partagées sur sa page Facebook «Fly Rider». Certaines comptabilisent plusieurs centaines de milliers de vues. Maxime Nicolle serait aussi l'administrateur de la page «Fly Rider infos blocage» (43 300 membres).
Vous nous avez aussi demandé : «Qui a choisi les huit porte-parole des gilets jaunes ? Que veulent-ils ?»
Mise à jour mardi 27 novembre 2018 à 9h30: précision sur la présence de Thomas Mirallès sur une liste FN en 2014.