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Peut-on déposer plainte contre le Président, comme dit l'avoir fait un gilet jaune à Saint-Malo ?

Si la plainte a bien été enregistrée, elle devrait être classée sans suite selon le parquet de Saint-Malo. Le président de la République ne peut en effet faire l’objet d’aucune procédure judiciaire pendant la durée de son mandat.
Emmanuel Macron s'exprimera publiquement à 20H00, pour la première fois depuis plus d'une semaine (Photo Ludovic MARIN. AFP)
publié le 5 décembre 2018 à 12h37

Question posée le 27/11/2018

Bonjour,

Nous avons reformulé votre question: «Un gilet jaune de Saint-Malo assure avoir porté plainte contre le président de la république, est-il réellement possible de déposer plainte contre le président de la république ?»

Le lundi 26 novembre à Saint-Malo, Loïc, un représentant local du mouvement des gilets jaunes a déposé plainte contre Emmanuel Macron et le gouvernement français. Selon l'article 15-3 du code de procédure pénale : «La police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d'infractions à la loi pénale.» L'officier de police a donc enregistré la plainte pour «faits de racket, dilapidation de l'argent public, préjudice moral et mise en danger de la vie d'autrui, violences volontaires avec arme, usage abusif de la force publique sur personne vulnérable, atteinte au droit de manifestation». Après, c'est au parquet de donner suite ou non. Christine Le Crom, procureure de la république de Saint-Malo, a affirmé à Ouest-France qu' «il y a de fortes chances que cette plainte soit classée sans suite» car «des difficultés juridiques sautent déjà aux yeux» dans la formulation de cette dernière.

En droit français, le président bénéficie d'une immunité. Selon l'article 67 de la Constitution, «aucune action ne peut être engagée contre le chef de l'État pour des actes accomplis en qualité de Président, même après la fin de son mandat». Emmanuel Macron ne peut donc pas être condamné pour les mesures qu'il prend en tant que président de la République et dans l'exercice de ses fonctions. Ce qui prive donc la plainte de tout objet.

Pour les actes ne relevant pas de l'exercice de ses fonctions présidentielles, le président ne peut faire l'objet d'aucune procédure judiciaire ou administrative pendant la durée de son mandat. Il bénéficie d'une «inviolabilité» complète, car elle couvre les domaines pénal, civil et administratif. Il perd cette immunité un mois après la fin de son mandat. Les actions illégales commises avant sa prise de fonction et durant son mandat sont alors susceptibles de faire l'objet de condamnations judiciaires. C'est ainsi que l'ancien président de la République Jacques Chirac a fini par être condamné dans l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris. Il est aujourd'hui le seul président à avoir été condamné par la justice, comme nous l'expliquons dans une précédente réponse.

Une seule exception

Concrètement, pendant qu'il est président de la République, Emmanuel Macron ne peut donc pas être ni jugé ni condamné. Il n'existe qu'une exception : l'article 53-2 de la Constitution prévoit que le chef de l'État peut être jugé s'il est accusé de crime contre l'humanité devant la Cour pénale internationale.

Par ailleurs, selon l'article 68, il peut également être soumis à une procédure de destitution, initiée par le Sénat et l'Assemblée nationale, «en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat». Mais cette destitution n'est pas une procédure judiciaire.

À la suite du Malouin, d'autres plaintes ont été déposées contre le chef de l'Etat : en Charente, le 26 novembre, selon Sud Ouest, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) le 27, selon LCI, à Belfort le 28, à Aulnoye-Aymeries (Nord) le 3 décembre et au commissariat de Fougères (Ille-et-Vilaine) le 4 décembre.

Cordialement

Adrien Renouard

Cet article a été réalisé dans le cadre d'un partenariat avec le CFPJ pour le journal d'application de la promotion 47.