Bonjour,
Inconnus il y a encore quelques semaines, certains de leurs visages sont maintenant sur nos écrans jour et nuit. Et leurs noms devenus familiers. D'autres n'ont fait qu'une seule apparition en tant que «porte-parole» des gilets jaunes, et sont retombés dans l'anonymat. Qui choisir (pour les gilets jaunes eux-mêmes, et pour les médias), pour représenter un mouvement inédit, par nature divers, non organisé, parti de pages Facebook, sans aucune représentation politique ou syndicale ? Preuve de la difficulté de l'exercice, la tentative de représentation officielle par les gilets jaunes eux-mêmes, avec la publication d'un communiqué publiant huit noms de «représentants» avait avorté dans la même journée. Une rencontre prévue à Matignon mardi 4 décembre avec des gilets jaunes a même été annulée, la poignée de personnes ayant accepté de s'y rendre ayant expliqué avoir reçu des menaces.
Pour les télévisions, pourtant, il a bien fallu faire parler les gilets jaunes. Et donc, «élire» des représentants. Quitte à susciter, parfois, des tensions.
Pendant douze jours, du dimanche 25 novembre, au lendemain du premier mouvement parisien, jusqu'au jeudi 6 décembre, peu avant «l'acte IV» du mouvement, CheckNews a regardé TF1, France 2 et BFMTV et recensé tous les gilets jaunes présentés comme «porte-parole» ou «représentant» dans le commentaire, lancement ou bandeau (ainsi que tous ceux invités en plateau ou en duplex). Ont été visionnés les JT de 13H et de 20H de TF1 et France 2, l'émission spéciale de France 2 dimanche 2 décembre et tout BFMTV, 24 heures sur 24, pendant ces douze jours. Chaque apparition a été comptabilisée, y compris les rediffusions.
Au total, sur ces trois chaînes, 40 gilets jaunes ont été interrogés sur ces douze jours en tant que porte-parole ou représentant. Sur BFMTV, on a pu voir 34 représentants différents, contre seulement 11 sur TF1 et 14 sur France 2. Les téléspectateurs de BFMTV ont pu voir à 654 reprises (dont 469 rediffusions) des porte-parole de gilets jaunes. Ceux de TF1 les ont vus 24 fois. Même chose pour ceux de France 2.
Voici tous ceux qui ont parlé au nom des gilets jaunes dans les JT de TF1 et de France 2, et sur BFMTV. Nous les avons classés du plus au moins présent.
1) Eric Drouet, le leader historique (116 apparitions)
Dans les nombreux journaux télévisés épluchés par CheckNews, Eric Drouet fait figure de leader dans le mouvement des gilets jaunes. Il est souvent décrit comme «porte-parole des gilets jaunes» voire «fondateur du mouvement». Et pour cause : cet homme de 33 ans, domicilié à Melun (Seine-et-Marne), fait partie des deux organisateurs du premier événement viral créé dès la mi-octobre, comme le racontait CheckNews. Il est aussi le délégué qui a rencontré, avec Priscillia Ludosky, le ministre de la Transition écologique François de Rugy mardi 27 novembre. Depuis son appel à «rentrer» dans l'Elysée samedi prochain, il fait l'objet d'une enquête préliminaire pour «provocation à la commission d'un crime ou d'un délit», ouverte ce vendredi 7 décembre. «Si on arrive devant l'Élysée, on rentre dedans. […] C'est le symbole de ce gouvernement, donc oui, les gens veulent y aller», avait déclaré Eric Drouet, mercredi 5 décembre, sur BFMTV.
Paradoxalement, si l'homme est omniprésent (110 apparitions sur BFMTV, ce qui fait de lui le représentant des gilets jaunes le plus médiatisé par la chaîne d'information en continu), l'homme s'exprime finalement peu dans les médias désormais. On a en fait surtout pu voir Eric Drouet lors de son entretien au ministère de l'Écologie et dans les vidéos diffusées sur son compte Facebook «La France énervée», reprises par BFMTV. Pendant les douze jours de notre enquête, il ne prend jamais la parole lors de duplex ou sur les plateaux, à l'exception de l'émission spéciale sur BFMTV consacrée au mouvement et diffusée le mercredi 5 décembre, où il a échangé avec les ministres François de Rugy et Marlène Schiappa, où qu'il a appelé à prendre l'Elysée. Sur ses 110 apparitions sur BFM, 99 sont en réalité des… rediffusions.
2) Benjamin Cauchy, le «citron» (91 apparitions)
Invité sur le plateau de la chaîne d'info en continu le 25 novembre, Benjamin Cauchy est initialement présenté comme un des porte-parole des gilets jaunes, implanté à Toulouse, sans arborer le gilet en plateau. Le 26, sur la même chaîne, ce cadre commercial de 38 ans, nuance sur la chaîne : «Bien que vous m'ayez prêté le titre de porte-parole que j'ai pris avec honneur […] je m'exprime au nom de Benjamin Cauchy.»
Si ce salarié de Groupama de 38 ans se désolidarise du reste du mouvement, c'est parce que, ayant des liens avec l'ultra droite selon France 3, il n'a pas été choisi pour être l'un des huit représentants «officiels», comme CheckNews le racontait le 26 novembre.
Il sera dès lors présenté comme une «figure» des gilets jaunes jusqu'à un nouveau duplex, le même jour, où il annonce se désolidariser du mouvement et invite les Français à rejoindre les rangs du «mouvement citron». Mouvement dont on n'entendra plus parler sur la chaîne…
Après trois jours d'absence, il revient le 30 novembre, de nouveau affublé de l'étiquette «gilet jaune». Le soir même, il annonce la création d'un nouveau mouvement, celui des «gilets jaunes libres». Le 2 décembre, il cosigne, avec un collectif de dix «gilets jaunes libres», dont il est membre fondateur avec Jacline Mouraud et Cédric Guémy, une tribune dans le Journal du dimanche dans laquelle ils se revendiquent «porte-parole d'une colère constructive» et dénoncent les violences des manifestations de la veille. Au lendemain de cette tribune, Benjamin Cauchy apparaît en duplex sur TF1 comme «gilet jaune modéré» et dans un reportage de France 2. Il répète dans les médias, lors de duplex de chez lui, qu'il ne souhaite pas se rendre à Matignon car il aurait reçu des menaces de mort. 72 de ses 88 apparitions sur BFM sont des rediffusions.
3) Christophe Chalençon, le très droitier «modéré» (54 apparitions)
Dès le 14 novembre, le nom de Christophe Chalençon apparaissait déjà dans la presse comme «porte-parole des gilets jaunes du Vaucluse». Alors même que, comme CheckNews le racontait fin novembre, ce forgeron de métier était déjà décrié par d'autres Vauclusiens du mouvement pour des prises de position clivantes, il continue d'être invité sur les plateaux. Chalençon se classe ainsi dans notre top 3 des porte-parole les plus médiatisés.
Le 27 novembre, au lendemain de l'élection de la délégation nationale des gilets jaunes, BFMTV explique l'avoir invité car il est «très présent» dans les médias. Comme Benjamin Cauchy, il signe la tribune du JDD le 2 décembre, date à partir de laquelle ses apparitions sur la chaîne augmentent considérablement (31 fois en quatre jours). Sur ses 45 apparitions sur BFM, 27 sont des rediffusions. Il est alors présenté (bien que contesté pour des publications très droitières, notamment sur la question de l'islam) comme «gilet jaune modéré» ou comme «gilet jaune libre» dans les journaux télévisés de TF1 et France 2, du nom de leur nouveau mouvement.
4) Julien Terrier, le disparu (50 apparitions)
Une des huit figures désignées comme porte-parole de l'ex-délégation nationale, Julien Terrier est entrepreneur en Isère. Annoncé comme «en charge de la communication des gilets jaunes de son département» sur BFMTV le 26 novembre, Julien Terrier apparaît très souvent jusqu'au 30 novembre: 47 apparitions en cinq jours, mais essentiellement des rediffusions (45). Il a depuis disparu de la chaîne d'info en continu. On ne retrouve sa trace qu'hier, dans Le Dauphiné libéré, à propos des mobilisations lycéennes, où il a dénoncé la répression des manifestations.
5) Jason Herbert, «l’ancien» porte-parole (41 apparitions)
Jason Herbert était une des deux personnes invitées à Matignon vendredi 30 novembre, mais il en est parti au bout de quelques minutes car Edouard Philippe ne lui aurait pas permis de diffuser l'entrevue en direct sur Facebook. Jason Herbert a par ailleurs expliqué qu'il n'était «pas plus légitime» que quiconque. Le second gilet jaune est ressorti par une porte dérobée pour éviter les médias. Ni Matignon ni Jason Herbert n'ont souhaité divulguer son identité.
À l'origine, ce chargé de communication de 26 ans au sein d'une médiathèque de la communauté d'agglomération du Grand Angoulême faisait partie des huit délégués nationaux. La révélation de son appartenance à la CFDT, alors que les représentants officiels sont censés être apolitiques et non syndiqués, le fragilise. Le 30 novembre, après son départ fracassant de Matignon, la chaîne le présente comme «ancien porte-parole». Il disparaît ensuite des écrans, à part lorsque BFMTV rediffuse la séquence de son départ de Matignon. 33 de ses 39 passages sont des rediffusions. Il est complètement absent des journaux télévisés de TF1 et de France 2 visionnés par CheckNews.
6) Priscillia Ludosky, l’initiatrice effacée (38 apparitions)
C'est elle qui a lancé une pétition qui a aujourd'hui recueilli plus d'un million de signatures. Comme CheckNews l'expliquait, l'autoentrepreneuse a rapidement fait partie des premiers citoyens mobilisés, puisque c'est la médiatisation de sa pétition qui a lancé le mouvement. Au titre d'auteure de la pétition virale, Priscillia Ludosky est qualifiée de «porte-parole» dès le 26 novembre, où elle est elle aussi annoncée comme l'une des huit représentants officiels. C'est dans ce contexte qu'elle se rend au ministère de l'Ecologie le 27 novembre, en compagnie d'Eric Drouet. Cet événement permet à la jeune femme de prendre la parole, en duplex sur BFMTV après son entretien avec le ministre François de Rugy. La séquence est largement rediffusée sur la chaîne par la suite.
Même si elle est mentionnée régulièrement, Priscillia Ludosky disparaît ensuite complètement des médias. Les 38 apparitions recensées consistent en fait en des rediffusions de son rendez-vous au ministère, et des rediffusions d'anciennes apparitions. Cette dernière n'intervient sur aucun plateau, a contrario de son acolyte Eric Drouet. Seules trois de ses 36 interventions sur BFM sont inédites. Un autre gilet jaune, Jean-François Barnaba, confiait ainsi à Libé il y a quelques jours n'avoir «plus de nouvelle» : «Personne n'arrive à la joindre. Certains disent qu'elle est à l'étranger, au Canada je crois.» Une hypothèse que CheckNews, qui n'arrive plus non plus à la joindre depuis plusieurs semaines, n'a pas pu vérifier.
Mais Priscillia Ludosky continue toutefois de publier sur Facebook. Le Parisien rapporte ainsi que : «En lien étroit avec plusieurs autres leaders de la mobilisation, elle publie ce jeudi [6 décembre] un sondage pour soumettre aux internautes quatre revendications à défendre dans le futur.»
L'historique a aussi la dent dure contre certains squatteurs de plateaux. Le 4 décembre, dans un communiqué publié sur le réseau social, elle déplorait ainsi: «Certains, soi-disant concernés par la situation en tant que citoyens en colère, ne nous ont jamais contactés pour aider de quelque manière que ce soit, et font tout de même le tour des médias pour parler et même négocier au nom des gilets jaunes. Et à bras ouverts, ils sont accueillis par les médias». Sans préciser qui elle visait, mais attaquant aussi les médias, coupables d'inviter «des personnes controversées, qui défendent leurs intérêts personnels.»
7) Jacline Mouraud, la revenante (37 apparitions)
Très largement médiatisée au début du mouvement, Jacline Mouraud est complètement absente des chaînes étudiées du 25 novembre au 2 décembre. Celle qui fut qualifiée «d'égérie» des gilets jaunes avant de s'évanouir (du corpus analysé) réapparaît ce jour-là, à l'occasion de la publication de la tribune qu'elle a cosignée avec, notamment, Christophe Chalençon et Benjamin Cauchy. Le retour de Jacline Mouraud, décrite comme l'une des leaders des «gilets jaunes libres» ou modérés, est une véritable percée médiatique : en cinq jours, elle apparaît à 37 reprises. 22 de ses 35 interventions sur BFM sont des rediffusions. Néanmoins, depuis qu'elle a déclaré, avec Benjamin Cauchy, avoir reçu des menaces de mort, sa présence se manifeste presque exclusivement à travers des duplex, comme ce fut le cas par exemple sur France 2, pendant son émission spéciale.
7 ex-aequo) Paul Marra, le représentant malgré lui (37 apparitions)
«Je ne suis pas porte-parole des gilets jaunes des Bouches-du-Rhône, je suis Paul Marra, gilet jaune de Marseille. Nous nous structurons et on reviendra sur les titres des uns et des autres plus tard», déclare Paul Marra, en duplex de Marseille, le 1er décembre sur BFMTV. Au même moment, le bandeau le présente comme «porte-parole des gilets jaunes des Bouches-du-Rhône». Pourtant, sur cette même chaîne cinq jours plus tôt, l'homme (dont on ne sait pas grand-chose) se disait lui-même représentant d'une partie des gilets jaunes dont ceux de Marseille suite à la nomination des 8 porte-parole, sans que la chaîne le présente comme tel. Sur 36 apparitions sur BFM, 25 sont des rediffusions. Voici les 32 autres gilets jaunes «vus à la tv» ces douze derniers jours.
La suite du classement:
9) Jérémy Clément : 25 apparitions
10) Tristan Lozac'h et Hayk Shahinyan: 20 apparitions chacun
12) Jean-François Barnaba : 19 apparitions
13) Benoit Julou : 12 apparitions
14) Marine Charette-Labadie et Laetita Dewalle : 9 apparitions chacune
16) Sebastien Burlion : 7 apparitions
17) Cédric Guémy : 6 apparitions
18) Alain Bouché : 5 apparitions
19) Filipe Cardoso, Jean-Michel Durand et Olivier Bruneau : 4 apparitions chacun
22) Mohamed El Hassani, Luis Cascales, Ghislain Coutard et André Lannée: 3 apparitions chacun
26) Patrick de Perglas, Yves Garrec, Kamel Amriou, Stéphane Beiner, Anais Kuhn, Guillaume Diego: 2 apparitions chacun
32) Nicolas Coquisart, Jerome Torterat, Karl Toquard , Benjamin Jézéquel, Marc Escobar et Pascal Grenouilloux: 1 apparition
Où sont passés les porte-parole «officiels»?
Sur les huit porte-parole officiels annoncés le 26 novembre, en plus des quatre déjà évoqués, les quatre autres sont restés plus discrets. Laetitia Dewalle, autoentrepreneuse de 37 ans, et Marine Charrette-Labadie, une intérimaire corrézienne de 22 ans, sont apparues une dizaine de fois seulement en duplex depuis leur nomination (même si Dewalle est resté plus d'une heure sur France 2 dimanche 2 décembre).
Ultra-actif sur Facebook, publiant des vidéos visionnées des centaines de milliers de fois et qui s'est illustré ces derniers jours en présentant un certain Monsieur X (dont CheckNews vous parlait ici) Maxime Nicolle, 31 ans, intérimaire dans les Côtes-d'Armor, n'a parlé qu'une seule fois dans un reportage de BFM diffusé le 27 novembre. Preuve que la représentation télévisée n'est qu'un des paramètres de l'influence sur le mouvement.
Thomas Miralles, 25 ans, chef d'entreprise à Perpignan (et ancien candidat sur une liste FN) et Mathieu Blavier, 22 ans, étudiant et fabricant de jus de pomme, n'ont fait aucune apparition médiatique lors la période en question. En parallèle, Patrick de Perglas, premier gilet jaune à rencontrer le Premier ministre le 28 novembre, alors qu'il n'a jamais été dans les «officiels», n'est présent à l'antenne que deux fois seulement.
Enfin, Ghislain Coutard qui est à l'initiative du symbole du gilet jaune (en appelant les internautes dans une vidéo facebook du 24 octobre à placer un gilet de sécurité devant leur pare-brise) n'est quasiment jamais apparu dans les médias. Même avant le 25 novembre. Il n'intervient ainsi qu'une seule fois dans tout notre corpus étudié.
Gilets jaunes «politiques»?
Les onzième et douzième porte-parole de notre top se distinguent par leur volonté de transformer le mouvement en une liste plus politique. Ainsi, Hayk Shahinyan intervient en tant que membre fondateur de «gilets jaunes, le mouvement», embryon de parti politique, dont on sait assez peu de choses. Il est régulièrement invité en plateau et/ou en duplex (19 fois) et apparaît quasiment tous les jours sur BFMTV ces douze derniers jours, alors qu'il ne sera jamais sur TF1 et seulement le 2 décembre sur France 2. Il restera alors 55 minutes sur le plateau de l'émission spéciale.
A l'instar de Hayk Shahinyan, Jean-François Barnaba est souvent en plateau. Il occupe l'écran en tant que «gilet jaune de l'Indre». Sa présence sur la chaîne pendant de nombreuses heures, le désigne comme un représentant des Berrichons. Pourtant, jusqu'au premier décembre, ce fonctionnaire territorial momentanément privé d'emploi n'était apparu dans aucun média. Parfait inconnu jusque-là, il sera quinze fois en cinq jours, deux fois sur TF1 et deux fois sur France 2. «Je travaille à une liste gilets jaunes aux élections européennes», a-t-il indiqué lors de son passage sur France Inter.
BFMTV, la fabrique à représentants
Chaîne d'info en continu, BFMTV montre logiquement beaucoup plus de gilets jaunes que TF1 et France 2. Sur le laps de temps analysé par CheckNews, la chaîne d'information en continu a diffusé 274 duplex et 187 reportages, présentant des porte-parole des gilets jaunes. BFMTV se distingue aussi en invitant beaucoup de représentants sur ses plateaux (à 164 reprises). On compte toutefois une grande majorité de rediffusions.
Trente-quatre porte-parole ont été médiatisés par BFMTV depuis douze jours. Dont 22 qui ne sont intervenus que sur BFMTV. La chaîne en continu a choisi de faire la part belle aux porte-parole régionaux, qui interviendront régulièrement à l'antenne.
Parmi eux, Jérémy Clément présenté pour la première fois le 27 novembre comme gérant d'une entreprise de bâtiment à Amilly (Loiret) revient 25 fois. Après être apparu en plateau à deux reprises, il ne revient plus, «dégoûté» par les détériorations des casseurs selon un autre gilet jaune. Sa dernière apparition remonte au 3 décembre.
Dans les Côte-d'Armor, on découvre par exemple Tristan Lozac'h, présenté en voix off comme l'initiateur du mouvement à Lamballe et Saint-Brieuc. Dans la Loire, c'est Félix Altobelli qui devient une figure incontournable de la chaîne. Gilet jaune de Roanne, souvent interrogé dans les reportages, il devient le porte-parole attitré du lieu après avoir organisé le transport en bus de certains gilets jaunes pour les manifestations à Paris.
Au risque de donner l'impression de ne pouvoir se décider sur qui sont les vrais «porte-parole» des gilets jaunes, la chaîne ne cesse de qualifier ces représentants différemment et de faire évoluer leurs bandeaux. Eric Drouet, qui apparaît 110 fois à l'écran est par exemple successivement appelé, «initiateur de la journée du 17 novembre» et «porte-parole des gilets jaunes». Benjamin Cauchy vu 88 fois est qualifié de «porte-parole des gilets jaunes à Toulouse», «initiateur du mouvement citron», puis après trois jours d'absence, la chaîne le décrit comme un «gilet jaune», puis «porte-parole des gilets jaunes libres». Ces qualificatifs changent y compris lors des rediffusions.
Même chose pour Julien Terrier, d'abord qualifié comme étant «en charge de la communication des gilets jaunes de Haute-Garonne», puis «porte-parole des gilets jaunes de Grenoble».
Surtout, la chaîne d'info fait la part belle aux responsables locaux des gilets jaunes, que l'on ne verra pas sur les autres chaînes.
TF1 et France 2, davantage de rencontres sur le terrain que d’interviews de «porte-parole»
Sur TF1 et France 2, les gilets jaunes sont en fait présents dans des reportages au cœur d'actions locales menées par le mouvement. Privilégiant les reportages locaux, les deux premières chaînes identifient très peu les gilets jaunes, dont on ne donne en général que le prénom. C'est à partir du 2 décembre, au lendemain de scènes d'émeutes dans Paris, que les deux chaînes les «porte-parole», les «leaders régionaux» ou encore les «figures des gilets jaunes» apparaissent de plus en plus nombreux.
Sur TF1, alors qu'aucun gilet jaune ou représentant du mouvement n'a été invité en plateau, le nombre de duplex dans lesquels interviennent des représentants des gilets jaunes s'intensifie, passe en effet de 2 à 13 à partir du 2 décembre.
Outre les très médiatisés Christophe Chalençon, Eric Drouet et Jacline Mouraud, TF1 a aussi choisi de donner la parole à une interlocutrice plutôt ignorée par les autres chaînes.
Ingrid Levavasseur (qui apparaît 3 fois) occupe une place particulière sur la chaîne. Présentée comme l'une des figures des gilets jaunes dans l'Eure, elle est celle qui cumule le plus de temps de parole notamment en duplex, dépassant la minute attribuée aux autres représentants. Pur produit TF1, elle n'apparaît jamais sur BFMTV mais restera 55 minutes sur le plateau de France 2, sa seule apparition sur la chaîne, lors de l'émission spéciale.
Sur France 2, le temps d'antenne est toujours inférieur à une minute. A part dans l'Émission spéciale du 2 décembre, où quatre représentants (Laetitia Dewalle, Jean-François Barnaba, Ingrid Levavasseur et Hayk Shahinyan) sont restés environ une heure en plateau, et où Jacline Mouraud et Benjamin Cauchy sont intervenus en duplex. Comme sur TF1, le représentant le plus médiatisé est Christophe Chalençon, décrit comme «forgeron dans le Vaucluse» et «l'un des représentants des gilets jaunes». Il apparaît au total quatre fois dans les JT de France 2. On voit aussi à trois reprises Eric Drouet (dont l'une de ses prises de parole dans une vidéo Facebook) et à deux reprises Julien Terrier (sur le terrain).
Pourquoi ce traitement des «porte-parole»?
Pour traiter les gilets jaunes, France 2 a surtout dépêché des reporters sur place et s'est plus intéressé aux gilets jaunes «lambda» qu'aux représentants, explique la chaîne (la seule à avoir répondu à nos questions) à CheckNews. La préférence a donc été donnée aux témoignages.
«On veille à restituer le plus possible la diversité des revendications. Il n'avait pas forcément de prime aux leaders. On a donné la parole à d'autres gilets jaunes, tout en veillant à ce qu'ils ne viennent pas des extrêmes», raconte Eve Dumumieux, directrice de la communication de l'information de France Télévisions. Résultat : depuis 15 jours, France 2 propose des immersions avec les journalistes Maryse Burgot (à Hirson dans l'Aisne) et Anne-Charlotte Hinet (à Narbonne dans l'Aude). Eve Dumumieux ajoute : «On s'intéresse aux gilets jaunes dans leur ensemble et pas forcément aux leaders médiatiques. Le fait que le mouvement s'inscrive dans le temps peut expliquer la présence plus importante des représentants à l'antenne ces derniers jours.»
Avec Sephora Benazouz, Ségolène Forgar, Laurie-Anne Lecerf, Kevin Poireault, Adrien Renouard
Cet article a été réalisé dans le cadre d'un partenariat avec le CFPJ pour le journal d'application de la promotion 47.