C'est un courrier courroucé qu'a envoyé mercredi l'eurodéputé belge Guy Verhofstadt à Facebook. En cause : une vidéo qui «déforme une [de ses] déclarations», selon l'élu. Il en demande le retrait. Titrée «Il est temps de secouer Bruxelles !» la vidéo en anglais a été publiée par la page Facebook du gouvernement hongrois. Sur ces images, on voit Verhofstadt dire : «Nous avons besoin d'immigration.» Un extrait tronqué qui tord son propos initial, datant de 2014 : «Nous avons besoin d'immigration mais nous avons besoin d'une immigration légale. Pour le moment, nous avons l'inverse.» Puis une voix off propose de rétablir «les faits» : «1,8 million de migrants sont entrés dans l'Union européenne depuis 2015. Des millions d'autres veulent venir. Depuis le début de la crise, des centaines de personnes ont perdu la vie dans de violentes attaques dans toute l'Europe.» Quatre photos défilent : le camion bélier du 14 juillet 2016 à Nice, les auteurs de l'attaque contre Charlie Hebdo, une terrasse touchée lors des attentats du 13 Novembre et une photo d'émeutes à Sarcelles, en 2014. La vidéo suggère un lien direct entre afflux de migrants depuis 2015 et attentats, ce qui est simpliste, voire trompeur. Les auteurs du 13 Novembre - pour la plupart français ou belges - se sont surtout servi des migrants comme d'une couverture pour revenir plus discrètement en Europe. Quant à l'attentat de Nice (dont l'auteur était en France depuis plus de dix ans) ou de Charlie Hebdo (les frères Kouachi étaient français), la «crise migratoire» y est totalement étrangère. Sans parler des émeutes à Sarcelles.
Cette vidéo enregistre 7,5 millions de vues et 13 000 partages. Un succès qui ne doit rien au hasard : elle est «sponsorisée» dans 19 pays européens. Autrement dit, le gouvernement hongrois a payé Facebook pour que cette vidéo soit diffusée le plus largement possible, notamment en France, auprès des hommes de plus de 30 ans, selon nos informations. Car quand une publicité apparaît dans un fil Facebook, on peut connaître en un clic le public ciblé. Si le réseau social ne nous a pas répondu, le gouvernement de Viktor Orbán (photo) assume : «Des centaines de personnes sont mortes dans des attaques terroristes en Europe depuis 2015, mais Verhofstadt dit "il n'y a pas de crise migratoire"» reprenant les mots d'une campagne d'affichage contre l'eurodéputé belge qui a cours en Hongrie depuis novembre. Et de conclure : «De nombreux libéraux européens défendent un agenda promigration. Nous ne les laisserons pas faire. Nous ne voulons plus de migrations, qu'elles soient illégales ou régulées.» Quitte à payer - et au prix de quelques arrangements avec la vérité - pour se faire entendre.