Question posée par Hervieux, le 18/12/2018
Bonjour,
Nous avons reformulé et raccourci notre question, qui était à l'origine : «Bonjour, Florian Philippot vient d'affirmer sur BFM TV que les prix des péages étaient fixés pour les sociétés d'autoroute elles-mêmes. Pourriez-vous vérifier cette affirmation SVP ? Pourriez-vous aussi clarifier la situation des autoroutes françaises car on entend tout et son contraire. Merci pour votre aide sur ce sujet.»
Alors que la prochaine hausse des tarifs des péages est attendue pour février prochain, vous faites référence à une séquence sur BFM TV le 18 décembre dernier. Alors que Bruce Toussaint demandait si c'était l'Etat qui fixait le prix des péages, lors d'un débat sur le sujet, Florian Philippot, invité ce jour-là, répondait : «Aujourd'hui, il y a des sociétés privées qui exploitent les autoroutes et fixent les prix.»
Pour répondre à votre question : les tarifs des péages autoroutiers sont, en effet, fixés chaque année par les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Mais dans des conditions précises, expliquées dans le décret n°95-81 du 24 janvier 1995 relatif aux péages autoroutiers.
Pour définir le prix des péages, ces sociétés passent, comme expliqué dans le décret, des contrats avec l'Etat, où sont fixés un niveau de péage moyen, un tarif kilométrique moyen, et des règles d'évolution de ce prix, jusqu'à la fin du contrat passé entre les deux parties. La majoration des tarifs de péages ne peut, par exemple, être inférieure à 70 % de l'évolution des prix à la consommation (hors tabac) lors de l'année écoulée.
Cette règle demeure en état depuis la privatisation des sociétés d'autoroutes en 2006 au profit d'Eiffage, Vinci et le groupe espagnol Abertis.
C'est sur cette base-là que les sociétés concessionnaires déterminent la grille tarifaire pour l'ensemble de son réseau. Alors que chaque année, les tarifs évoluent, le ministère des Transports veille à ce que les règles d'évolution soient respectées.
L'affirmation de Florian Philippot sur BFM TV est donc partiellement vraie, mais si les tarifs des péages sont effectivement fixés par les sociétés concessionnaires, ils le sont dans un cadre bien précis.
Pour autant, voilà plusieurs années que la hausse des tarifs des péages autoroutiers est vivement critiquée, et pas seulement par les usagers. En 2014, la Cour des comptes et l'Autorité de la concurrence avaient, tour à tour, critiqué les bénéfices très importants de ces entreprises, qui n'avaient pas vocation à être réinvestis, ou à conduire à des baisses de tarifs des péages (selon une enquête de la cellule investigation de France Inter, les prix des péages ont augmenté de près de 20 %).
En 2019, forte augmentation du prix des péages suite à un gel en 2015
À partir du 1er février 2019, les prix des péages continueront à augmenter, dans une fourchette comprise entre 0,87 % et 2,04 %. C'est plus qu'en 2017, où la hausse était d'environ 1 %.
Deux raisons à cela. En 2015, suite au rapport de la Cour des comptes, la ministre des Transports, Ségolène Royal avait gelé les tarifs des péages. Une mesure jugée injuste pour les sociétés d'autoroute qui invoquaient alors leurs investissements importants dans le réseau autoroutier français, et obtenu du gouvernement que les 500 millions de manque à gagner provoqués par ce gel seraient «remboursés» par les usagers entre 2019 et 2022.
Seconde raison : cette augmentation de tarifs des péages permettra aussi aux sociétés autoroutières de financer le programme de 700 millions d'euros de travaux prévus, validé par le ministère des Transports en août dernier.
En juin 2017, l'Arafer, autorité publique indépendante créée deux ans plus tôt par la loi Macron pour veiller au bon fonctionnement du marché autoroutier en France, avait rendu un avis très critique sur ce plan d'investissement public autoroutier. Elle jugeait que «les augmentations de tarifs de péages prévues excèdent le juste niveau qu'il serait légitime de faire supporter aux usagers» et que «le niveau de rémunération des sociétés concessionnaires devrait être plus conforme aux risques supportés».
Selon l'Arafer, le financement d'un tiers de ce plan par les automobilistes ne serait pas justifié. Et les sociétés concessionnaires auraient surestimé le coût des travaux des deux tiers restants.
«L’Etat est incapable aujourd’hui de financer des travaux qui sont nécessaires»
Comment expliquer, sur le sujet des péages, un tel déséquilibre entre l'Etat et les sociétés autoroutières ? Contactée par CheckNews, l'Arafer avance une hypothèse : «Il y a effectivement une asymétrie du pouvoir de négociation. Les concessionnaires font, par exemple, régulièrement du chantage à l'emploi auprès de l'Etat, en expliquant que si les investissements ne sont pas faits, les entreprises de travaux publics ne vont pas embaucher, et le chômage va augmenter.»
Dans un rapport parlementaire publié en 2014 sur les relations entre l'Etat et les sociétés d'autoroute, Jean-Paul Chanteguet invoquait une autre raison : «L'Etat est incapable aujourd'hui de financer des travaux qui sont nécessaires. Par exemple des travaux qui concernent des murs antibruit ou des travaux qui concernent des échangeurs.»
Cordialement