Question posée par Vincent le 31/12/2018
Bonjour,
Vous nous avez posé de nombreuses questions sur les passeports diplomatiques d'Alexandre Benalla. Mediapart a révélé jeudi 27 décembre que l'ancien conseiller de l'Elysée continuait de voyager avec l'un des deux passeports diplomatiques qui lui avaient été octroyés lorsqu'il occupait ses fonctions auprès de la présidence. Comme l'a expliqué Libération, l'existence de ces passeports était connue, mais Benalla aurait dû les restituer après son licenciement. Le parquet de Paris a par ailleurs ouvert samedi 29 décembre une enquête, notamment pour «abus de confiance» suite à cette non restitution.
Vous nous avez d'abord demandé à quoi sert un passeport diplomatique. De couleur bleue, le passeport diplomatique ne peut être utilisé que pour des missions professionnelles, et non pour son confort personnel. C'est un titre de voyage, qui vise à «faciliter les déplacements de son titulaire», rappelle le ministère des Affaires étrangères, chargé de délivrer ce titre. Sa détention n'entraîne donc pas automatiquement l'immunité diplomatique. «Il ne confère à son titulaire aucun privilège ni aucune immunité, que ce dernier se trouve sur le territoire français ou à l'étranger», insiste aujourd'hui le quai d'Orsay. Il permet surtout d'accélérer les procédures aux frontières et aéroports. Même avec un passeport diplomatique, un visa est toujours nécessaire. Il ne dispense pas non plus des fouilles ou du contrôle des bagages, selon un diplomate interrogé par l'AFP.
Sur une page du passeport diplomatique, figure toutefois ce message, rappelle Mediapart: «Nous, ministre des Affaires étrangères, requérons les autorités civiles et militaires de la République française et prions les autorités des pays amis et alliés de laisser passer librement le titulaire du présent passeport et de lui donner aide et protection.»
Le passeport diplomatique est délivré par le ministère des affaires étrangères, pour une durée maximale de dix ans. Il doit être rendu dès que son utilisation n'est plus justifiée. Selon un décret de 2009, il est accordé au Président, au Premier ministre, aux présidents du Sénat et de l'Assemblée Nationale puis au reste des membres du gouvernement. Ensuite aux agents diplomatiques et consulaires en fonction à l'étranger et, à titre de courtoisie, à ceux ayant occupé les plus hautes fonctions de l'Etat comme les anciens présidents, les anciens ministres des Affaires étrangères et les anciens ambassadeurs. À titre exeptionnel, il peut aussi être délivré à un chargé de mission gouvernementale et à un conseiller spécialisé, et ce durant le temps de la mission diplomatique.
Pourquoi deux passeports?
Vous nous avez aussi demandé pourquoi Alexandre Benalla disposait de deux passeports diplomatiques. Selon le quai d'Orsay, la procédure est classique. «La délivrance d'un second passeport est justifiée dans certains cas, pour faciliter les déplacements des titulaires», précise sobrement le ministère dans une mise au point publiée ce lundi 31 décembre. «Il n'est pas rare que deux passeports soient délivrés, par exemple pour permettre à leur détenteur de se rendre à la fois en Israël et dans des pays arabes, sans tracasseries administratives», indique ainsi l'AFP. Cette exception n'est d'ailleurs pas réservée qu'aux détenteurs de passeport diplomatique. Comme le note le site service-public, s'il n'est «en principe» pas possible de détenir plusieurs passeports français, un second passeport peut exceptionnellement être délivré. «Certains pays n'acceptent pas l'entrée sur le territoire de personnes ayant voyagé dans d'autres pays précis. La présence d'un visa antérieur sur le passeport pouvant empêcher un nouveau voyage, il est alors possible d'obtenir un second passeport.»
L'Elysée et le ministère des Affaires étrangères assurent avoir réclamé à plusieurs reprises à Alexandre Benalla la restitution de ces passeports, alors que l'intéressé réplique qu'ils lui auraient été restitués début octobre avec d'autres effets personnels. Dans un entretien à Mediapart publié ce lundi, il s'étonne par ailleurs: «Si on ne veut pas que j'utilise ces passeports, il n'y a qu'à les désactiver et les inscrire à des fichiers. Il y a des procédures, tout de même ! Normalement, au Quai d'Orsay, au bout de plusieurs lettres de relance soi-disant envoyées, on s'inquiète, non ? Ça ne passe pas inaperçu, deux passeports diplomatiques…». Et poursuit: «Quand vous voyagez à l'étranger avec un passeport diplomatique, l'ambassade de France est au courant que vous arrivez.» Une affirmation «purement fantaisiste», selon le Quai d'Orsay qui assure qu'«aucune obligation, ni aucun système n'existe à cette fin».
Pourquoi le passeport n’a pas été placé sur une liste rouge
Vous nous avez enfin interrogés sur le fait qu'il n'existerait pas de «liste rouge» alertant de l'utilisation de passeports diplomatiques invalides. Le quai d'Orsay expliquait ainsi à Libé jeudi 27 décembre avoir «engagé à l'automne une procédure d'invalidation des deux passeports». Aujourd'hui, le ministère précise que cette démarche a été «confirmée le 8 novembre auprès du Ministère de l'intérieur». Mais, une telle situation n'ayant jamais eu de précédent, «l'invalidation n'a pu être concrètement traduite immédiatement dans les systèmes d'information, pour des raisons purement techniques».
L'explication, sibylline, a été quelque peu précisée par un membre de l'entourage du ministre des Affaires étrangères. Ce dernier a expliqué à l'AFP que ce cas «n'était pas prévu dans le système informatique, cela a pris un peu de temps pour l'entrer dans le programme».
Enfin, «il n'existe pas de remontée systématique d'informations vers le Quai d'Orsay lorsqu'un passeport diplomatique français est présenté aux contrôles nationaux», insiste le Quai d'Orsay dans son communiqué, qui précise que «les autorités étrangères n'ont aucune obligation de signaler aux autorités françaises l'usage d'un tel document lors du franchissement de leurs frontières».
Cordialement