Menu
Libération
CheckNews
Vos questions, nos réponses
CHECKNEWS

Comment les gilets jaunes ont été imités à l'étranger

Si le symbole s'est propagé un peu partout dans le monde, on ne peut cependant pas parler d'un mouvement international des gilets jaunes.
Gilets jaunes britanniques manifestant pour le Brexit, le 12 janvier à Londres. REUTERS/Simon Dawson (Photo Simon Dawson. Reuters)
par
publié le 18 janvier 2019 à 18h32

Question posée par Michaël M. le 02/01/2019

Vous faites référence à un article publié d'abord sur le blog complotiste Stop Mensonges le 26 décembre, qui parle de 22 pays atteints par la «contagion» des gilets jaunes. Le 12 janvier, Djordje Kuzmanovic, politologue et ancien orateur de la France Insoumise, affirmait également sur RT France que «22 pays soutiennent le mouvement».

On ne peut cependant pas parler de «mouvement international» des gilets jaunes tant les revendications, les formes et l'ampleur de la mobilisation française sont particulières à l'Hexagone. En France, les manifestations de gilets jaunes ont réuni près de 282 000 personnes au plus fort des rassemblements, qui n'ont pas cessé depuis le 17 novembre. Cette ampleur n'a jamais été atteinte à l'étranger, où les manifestations attirent quelques milliers de manifestants tout au plus. Le gilet jaune est davantage devenu un symbole, enfilé par des manifestants pour défendre des revendications, mais qui parfois n'ont aucun point commun avec celles de leurs homologues français.

Ce qui n'empêche pas les leaders des gilets jaunes français de faire de l'œil aux mouvements étrangers. Priscillia Ludosky, qui avait lancé la première pétition contre la hausse du prix de l'essence, a ainsi rendu visite aux indépendantistes à Barcelone, le 21 décembre. Maxime Nicolle, une des figures du mouvement français, a également fondé un groupe Facebook international pour «informer» sur le mouvement à l'étranger.

Nous avons dressé une liste (non-exhaustive) des différents rassemblements liés aux gilets jaunes à l'étranger.

 

En Wallonie, des cousins des gilets jaunes français


Belgique

A man throws a brick during a protest of the yellow vests (gilets jaunes - gele hesjes) against the rising of the fuel and oil prices, in Brussels, on December 8, 2018. - The so-called gilets jaunes (yellow vests) protest movement, which started in France, protests over rising fuel prices and taxes. (Photo by JAMES ARTHUR GEKIERE / BELGA / AFP) / Belgium OUT

Photo James Arthur Gekiere. AFP

La Belgique est certainement le pays où le mouvement des gilets jaunes est le plus proche du mouvement français, tant au niveau idéologique que sur les modes de protestations. Depuis le 16 novembre, les gilets jaunes belges organisent des blocages de raffineries, de ronds-points ou de postes-frontières, et des manifestations tous les samedis, surtout en Wallonie. À l'instar du mouvement français, les gilets jaunes belges réclament la baisse des taxes et la démission de leur responsable politique, le Premier ministre Charles Michel. Au plus fort de la mobilisation, ils étaient près d'un millier à Bruxelles, le 8 décembre. Le 11 janvier, un gilet jaune est décédé sur un barrage filtrant sur l'autoroute E25, à Visé, à la frontière avec les Pays-Bas.

Comme en France, les gilets jaunes s'organisent sur les ronds-points mais aussi sur les réseaux sociaux. Le groupe Facebook franco-belge «Gilet jaune France Belgique la voix du peuple» réunit près de 16 000 membres.

Là où les manifestations sont parties d’une augmentation du carburant


Bulgarie

Dès le 11 novembre, des milliers de personnes ont manifesté contre une loi sur l'augmentation des prix des carburants. Arborant d'abord des vestes bleues, certains groupes ont repris le symbole français après le 17 novembre. Ils ont bloqué plusieurs routes et postes-frontières. Des manifestations ont également eu lieu à Sofia, où les organisateurs ont demandé aux personnes présentes de porter des gilets jaunes.

Alors que la loi doit entrer en vigueur à la mi-janvier, une association de commerçants et transporteurs de carburants a commandé 1000 gilets jaunes et annonce une grande mobilisation dont la date n'est pas encore prévue. L'association a également annoncé qu'elle essayait d'entrer contact avec les gilets jaunes français.

Workers at state coal mines and the largest coal-fired plant in Bulgaria take part in a demonstration in Sofia, Bulgaria, November 29, 2018. The banner reads: "We do not pollute Bulgaria and Europe!".  REUTERS/Stoyan Nenov - RC189C1F6C00

Photo Stoyan Nenov. Reuters

Burkina Faso

Au Burkina Faso, plus de 3 000 «chemises rouges» ont marché le 29 novembre à Ouagadougou pour protester contre une loi entrée en vigueur le 9 novembre qui a conduit à une augmentation du prix du carburant de 12%.

Là où il y a les revendications similaires


Israël

Le 14 et le 22 décembre, des centaines de personnes à Tel-Aviv et des dizaines à Jérusalem ont manifesté contre l'augmentation cette année du prix des produits alimentaires, de l'électricité, de l'eau mais aussi des impôts locaux, selon l'AFP. «Nous voulons nous inspirer du modèle français pour obtenir de vrais changements», a indiqué Azi Nagar, un des instigateurs de la manifestation.


Jordanie

Depuis la mi-décembre, des manifestations à Amman rassemblent des centaines de personnes contre un projet de loi fiscale. Le symbole français n'a pas été repris dans la capitale, mais seulement dans la province d'Aqaba, où quelques dizaines de personnes ont manifesté le 12 décembre.


Turquie

Quelques milliers de personnes ont manifesté dimanche 16 décembre à Diyarbakir, dans le sud-est de la Turquie, pour protester notamment contre la forte hausse des prix ces derniers mois, certains saluant au passage les manifestations en France des gilets jaunes, selon l'AFP. Les manifestants ne portaient pas des gilets jaunes mais des chasubles au nom du syndicat organisateur Eğitim Sen.

 In this video grab taken from an AFPTV video, people gather in the main kurdish city of Diyarbakir, in South-East Turkey on December 16, 2018, to ask for better living conditions, one month after the "yellow vests" movements started in France. (Photo by Mahmut BOZARSLAN / AFPTV / AFP)

Capture d'après vidéo Mahmut Bozarslan. AFPTV. AFP

Tunisie

De l'autre côté de la Méditerranée, les gilets ne sont pas jaunes mais rouges : aux couleurs du drapeau tunisien. Le mouvement, qui s'inspire du mouvement français, est apparu le 14 décembre, lors d'une conférence de presse où plusieurs individus ont demandé, entre autres, une augmentation du SMIC et une diminution des produits de première nécessité.

Le jeudi 13 décembre, avant même le début des manifestations, un des fondateurs du mouvement, militant du parti de gauche, avait été arrêté à Kasserine. Par ailleurs, la police a saisi le même jour 48 000 gilets jaunes et 2000 gilets rouges à Sfax.


Pays-Bas

Les gilets jaunes ont fait une apparition surprise aux Pays-Bas le 1er décembre où ils étaient d'abord une poignée de manifestants contre les prix du carburant trop élevés et plus généralement contre le gouvernement. Au fil des week-ends, leur nombre a augmenté pour plafonner à environ 200 personnes les samedis 8 et 22 décembre à La Haye. Sur leur page Facebook «Les gilets jaunes sans violence», certains membres appellent à une grande mobilisation franco-belgo-néerlandaise à Maastricht le 2 février.


Irlande

En Irlande, la première manifestation «en solidarité» avec les gilets jaunes a eu lieu le samedi 15 décembre dans le centre de Dublin. Plus d'une centaine de manifestants ont marché avec des gilets jaunes, criant des slogans contre le gouvernement irlandais. Ils se sont réunis cinq autres samedis dans différentes villes de l'île, selon un article de la RTE, demandant une fiscalité «plus juste», la démission du Premier ministre Leo Varadkar mais également l'introduction du Référendum d'Initiative Citoyenne.


Croatie

Depuis le 15 décembre, des petites manifestations de gilets jaunes ont eu lieu en Croatie. Depuis le début du mouvement, ils ne sont en général que quelques dizaines les samedis de mobilisation.


Portugal

Selon l'AFP, une quinzaine de groupes de gilets jaunes menaçait sur les réseaux sociaux de «stopper le Portugal» le 21 décembre. Finalement, ils étaient une centaine à Lisbonne et quelques dizaines à Braga et Porto dans le nord du pays.


Taïwan

Les concessions d'Emmanuel Macron en décembre ont poussé des citoyens taïwanais à revêtir des gilets jaunes. Des milliers de personnes ont manifesté fin décembre à Taïpei non seulement contre les taxes trop élevées mais aussi contre leur mode de collecte, jugé opaque et frauduleux. Depuis décembre 2016, des activistes de la Ligue pour la réforme fiscale militent pour une fiscalité plus transparente et plus juste. Les Taïwanais habillés en jaune ont même réussi à interrompre une cérémonie du Nouvel An à laquelle assistait la présidente Tsaï Ing-Wen.

 Thousands of protesters don yellow vests as they march for tax reforms in front of the presidential palace in Taipei on December 19, 2018. (Photo by HSU Tsun-hsu / AFP)

Photo Hsu Tsun-Hsu. AFP

Les manifestations de soutien aux gilets jaunes français


Grèce

Une manifestation de soutien aux gilets jaunes français a eu lieu le 5 décembre devant l'ambassade de France à Athènes. Organisée par Panayiótis Lafazánis, ancien membre de Syriza et dirigeant d'un parti d'extrême-gauche, la rencontre n'a rassemblé qu'une quinzaine de personnes, selon des témoins sur place.


Etats-Unis

Le samedi 22 décembre, une douzaine de personnes étaient à une manifestation de solidarité avec les gilets jaunes français devant le consulat français de New York, selon l'AFP.

Là où le gilet jaune sert une autre cause

Canada

Outre-Atlantique, le gilet fluorescent est devenu le symbole de la grogne contre le Premier ministre Justin Trudeau. Les gilets jaunes canadiens, très ancrés à droite, demandent l'abolition d'une taxe carbone fédérale, la reprise de projets d'oléoducs au point mort et une politique d'asile plus ferme. Le groupe Facebook du mouvement canadien «Yellow Vests Canada» compte plus de 100 000 membres, dont plusieurs menacent ouvertement le Premier ministre.

Mais les gilets jaunes canadiens organisent également des actions, notamment dans les bastions conservateurs de l'Alberta, où 1000 camions ont bloqué une route le 19 décembre. Le mouvement a essaimé un peu partout dans le pays avec des petites manifestations, mais rien de similaire au mouvement français en termes de nombre. Un convoi de gilets jaunes a également prévu de traverser le Canada le mois prochain.

Russie

A Moscou, près de 3000 personnes - dont une poignée avec des gilets jaunes - ont manifesté contre l'augmentation des tarifs de parkings. Selon Radio Liberty / Radio Free Europe, plusieurs dizaines de manifestants portaient des gilets jaunes lors d'une manifestation contre les constructions arbitraires, organisée le même jour dans un autre quartier à l'appel du parti communiste et du Front de gauche.


Pologne

Des agriculteurs polonais vêtus de gilets jaunes, s'inspirant des manifestations en France, ont bloqué une autoroute mercredi 12 décembre selon l'AFP. Leurs revendications étaient pourtant éloignées de celles de Français : ils réclamaient une aide aux éleveurs touchés par la peste porcine africaine.


Italie

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté le samedi 15 décembre à Rome contre le décret-loi restrictif sur l'immigration du ministre de l'Intérieur d'extrême-droite, Matteo Salvini. Certaines portaient des gilets jaunes, selon une équipe de l'AFP sur place. Le gouvernement italien, populiste et anti-immigration, avait, lui, apporté son soutien au mouvement français début janvier.


Pakistan

Au Pakistan, environ 2000 ingénieurs fonctionnaires ont enfilé les gilets jaunes à Lahore le mercredi 16 décembre pour demander une augmentation de leurs salaires. «Nous sommes des citoyens du monde […], porter des gilets jaunes est une manière pour nous de montrer notre solidarité avec le mouvement français», a expliqué Nabeel Aslam, porte-parole de l'association des ingénieurs de la province de Punjab.

rassemblement au Pakistan
LIBRE DE DROIT

Photo D.R

Monténégro

Des centaines de personnes portant un gilet jaune ont manifesté à Podgorica pour demander la libération de deux députés d'opposition arrêtés le 30 novembre.


Espagne

Des dizaines d'indépendantistes catalans ont bloqué l'autoroute AP-7 près de Barcelone le vendredi 21 décembre contre l'organisation d'une réunion des ministres espagnols dans la capitale catalane. Selon le Guardian, certains manifestants portaient des gilets jaunes.


Serbie

En Serbie, des milliers de personnes manifestent - dont certains avec des gilets jaunes - contre le président Aleksandar Vucic. En décembre déjà, un leader d'un mouvement de droite nationaliste, Boško Obradović, était intervenu au parlement avec un gilet jaune pour demander une baisse du prix des carburants. Cependant, les demandes des manifestants sont plus contre la dérive autoritaire du pouvoir que sur des questions économiques. «Le gilet jaune est devenu un marqueur visuel qui permet de se faire voir», explique Laurent Geslin, directeur de publication du Courrier des Balkans à CheckNews. «Les manifestations en France ont pu servir de déclencheur car elles étaient très suivies».

Là où le gilet jaune est repris par les partis extrêmes


Royaume-Uni

Outre-Manche, le mouvement des gilets jaunes est fortement lié aux partis d'extrême-droite, dans un contexte de Brexit. Une manifestation organisée par l'activiste britannique d'extrême droite Tommy Robinson le dimanche 9 décembre a réuni près d'un millier de personnes, dont certains arboraient le gilet jaune. Quelques manifestations ont eu lieu les autres week-ends de décembre et janvier, ne dépassant jamais la centaine de manifestants. Le 12 janvier, deux gilets jaunes français étaient présents à Londres à une manifestation anti-austérité, comme le rapporte la BBC.

Protesters wearing yellow vests participate in a pro-Brexit demonstration march in central London, Britain January 12, 2019. REUTERS/Simon Dawson


Photo Simon Dawson. Reuters

Allemagne

En Allemagne, l'extrême droite comme l'extrême-gauche reprennent le symbole français dans leurs manifestations. Le 1er décembre, trois organisations d'extrême-droite ont appelé à une manifestation le 1er décembre. Environ un millier de personnes - dont quelques unes avec des gilets jaunes - se sont donc réunies porte de Brandebourg contre le pacte sur les migrations de l'ONU.

Le samedi 15 décembre, c'était au tour de l'extrême-gauche avec le parti Aufstehen (Debout) qui, en partenariat avec le groupe de La France Insoumise de Munich, a organisé une manifestation dans la capitale de Bavière. Le rassemblement n'a cependant été suivi que par 100 à 200 personnes.


Suède

Si en Italie le gilet jaune a été repris pour défendre les droits des migrants, c'est tout l'inverse qui s'est produit en Suède. Le 8 décembre, une manifestation a ainsi eu lieu à Stockholm contre le pacte de l'ONU sur les migrations, organisée par des groupes xénophobes, islamophobes et nationalistes.

 

Là où les gilets jaunes étaient... des policiers


Hongrie

En Hongrie, des manifestations contre le pouvoir du Premier ministre Viktor Orban ont lieu depuis la mi-décembre. Ces dernières ont commencé le 12 décembre, après l'approbation par le parlement d'une loi qui permettrait d'augmenter le nombre maximum d'heures supplémentaires potentielles à 400 heures par an. Certains y ont vu un mouvement descendant de celui des gilets jaunes notamment à cause de photos où des personnes apparaissaient en manifestation avec le chasuble de sécurité. Cependant, les personnes sur ce cliché sont des policiers qu'on peut identifier grâce à leurs bonnets. Contacté par CheckNews, le photographe auteur de ce cliché a d'ailleurs déclaré qu'il n'avait pas vu de manifestants en gilets jaunes ce jour-là.

 Anti-government demonstrators light up their mobile phones during their protest in the downtown of Budapest, Hungary, Sunday, Dec. 16, 2018, Sunday, Dec. 16, 2018. (Zoltan Balogh/MTI via AP)

Photo Zolan Balogh. MTI. AP

«Même si des représentants de gauche ont posé sur Facebook avec la célèbre tunique, demandant aux manifestants lors d'une première manifestation de les revêtir, ils n'ont pas été suivis», écrit dans  un article du Courrier d'Europe Centrale. Contacté par CheckNews, Ludovic Lepeltier-Kutasi, son directeur de publication, ajoute que «les violences qui ont été rapportées des manifestations parisiennes dans la presse hongroise suscitent un rejet généralisé et même une certaine incompréhension».

Cordialement,

Clara Marchaud