Question posée le 08/01/2019
Bonjour,
Vous nous avez posé cette question que nous avons modifiée : «Depuis le 1er janvier, les consignes de tri des déchets à Paris ont évolué pour permettre le tri d'emballages en plastique et polystyrène qui étaient refusés. Ces changements correspondent-ils à la mise en place de vraies filières de recyclage de ces emballages ou juste à une simplification des consignes de tri?»
A Paris, les consignes de tri ont évolué au 1er janvier 2019. Boîte de Kebab, capsules de café, pots de yaourt, barquettes … Désormais tous les emballages en plastique et métal peuvent être jetés dans la poubelle jaune. Avant, seuls les plastiques rigides type bouteilles d'eau, cartons et emballages en métal classiques pouvaient être mis dans le bac de tri, comme nous le rappelions dans Libération au début du mois. Désormais, «c'est simple, tous les emballages se trient», indique la mairie sur un visuel explicatif.
Pas de recyclage systématique
Contacté par CheckNews, Olivier Fraisseix, directeur de la propreté et de l'eau de la ville explique que le syndicat en charge du tri des déchets de la capitale, le Syctom, a été restructuré afin de permettre la simplification des consignes et surtout d'améliorer la collecte : «la poubelle jaune accueille désormais beaucoup de choses. Le Syctom a été réorganisé pour que beaucoup de déchets puissent être triés», explique-t-il. Les centres de tri sont notamment équipés de trieurs optiques, capables de reconnaître plus de plastiques différents. Le Syctom indique que le polystyrène représente «la plus grosse partie» des nouveaux déchets collectés, mais explique ne pas avoir assez de recul pour donner un bilan chiffré.
Que deviennent ces nouveaux emballages collectés ? Contacté par CheckNews, le Syctom indique que les barquettes sont recyclées avec les bouteilles et les flacons qui étaient déjà triés auparavant. Les films plastiques et les emballages souples sont envoyés à Châlons-en-Champagne, chez Machaon, une entreprise où les emballages sont transformés en granulés. Le petit aluminium du type capsule de café est envoyé de son côté chez RVM à Coulombs pour être retransformé en paquet d'aluminium. «Notre taux de production va augmenter de 40% entre 2018 et 2019», explique Claude Mareuge, patron de RVM, contacté par CheckNews.
Les emballages en polystyrène (type pot de yaourt) et ceux composés de plusieurs couches de plastiques différents sont, pour l’instant, uniquement «revalorisés» (brûlés pour produire de l’énergie), faute de technologie.
Dans le détail, les emballages en polystyrène sont d'abord récupérés avec deux autres types de plastiques par Paprec, un groupe spécialisé dans le recyclage. «Nous les envoyons sur un de nos sites spécialisés sur le tri et la régénération des plastiques. Là, les balles [paquets, ndlr] sont sur-triées et les trois plastiques séparés. Le polystyrène restant est encore un mélange assez complexe. Nous avons réalisé des essais pour du recyclage matière mais ils ne sont pour l'instant pas satisfaisants. Nous visons donc la valorisation énergétique de ces matières», explique la communication de Paprec.
Pour les emballages multicouches, il n'existe pas encore de filière de recyclage qui puisse les récupérer. Ils sont donc directement «envoyés en "refus de tri" et partent en valorisation énergétique», explique le Syctom.
Un retard à rattraper
Il n'existe donc pas, pour l'instant, de filières de recyclage pour tous les nouveaux types d'emballages collectés. Même si la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 impose d'«étendre progressivement les consignes de tri à l'ensemble des emballages plastique sur l'ensemble du territoire avant 2022, en vue, en priorité, de leur recyclage». D'ailleurs, la capitale n'est pas la première ville à se conformer à cette obligation légale. Fin 2016, 185 collectivités, dont 6 métropoles, avaient déjà appliqué l'extension des consignes de tri, d'après le rapport d'étape publié par Citeo, la société en charge du pilotage du recyclage des emballages ménagers.
«L'extension des consignes de tri permet d'améliorer la performance sur les plastiques, et d'en recycler de nouveau», explique Philippe Moccand, directeur collecte et tri chez Citeo, contacté par CheckNews. On part de loin : La Cour des comptes avait épinglé la ville de Paris et plus largement l'Île-de-France dans un rapport de 2017 sur son faible taux de recyclage des déchets ménagers. Ce taux était de 17,4% en 2015 pour Paris et de 28% pour la région. «Ces résultats sont très éloignés des objectifs de 45% de déchets recyclés, fixés pour 2015 par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement et encore plus des 55 % en 2020 et des 65 % en 2025, prévus par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte», avait observé la Cour des comptes. Sur l'ensemble du territoire en 2017, seulement 4% des emballages ménagers plastiques (hors bouteilles et flacons) étaient recyclés, et 42% de ceux en aluminium, d'après l'Ademe.
Des réorganisations de filières en cours
Afin d’assurer le recyclage des nouveaux matériaux et accompagner l’extension des consignes de tri en France, Citeo a lancé plusieurs partenariats, notamment avec Total, Saint-Gobain et les producteurs laitiers, afin de créer une nouvelle filière de recyclage de polystyrène d’ici 2020. Une collaboration a aussi été initiée avec Soprema pour recycler les barquettes en PET (type barquette de tomate). Pour l’instant, comme c’est le cas à Paris, ces barquettes sont mélangées avec d’autres emballages en PET pour être recyclées.
Mais avec l'extension des consignes sur tout le territoire, cette méthode de traitement risque d'être insuffisante. «Les recycleurs nous ont alertés sur le fait qu'ils ne pourront pas absorber la totalité des flux lorsque 100% de la population française sera en extension des consignes de tri», explique la communication de Citeo. Il faut donc réorganiser la filière. Une usine spécialisée a été inaugurée en janvier en collaboration avec Soprema, en Alsace. Philippe Moccand explique travailler dans le même temps «en amont avec les industriels pour que les emballages soient recyclables».
Cordialement