Question posée le 07/02/2019
Bonjour,
Nous avons reformulé votre question, qui était : «Lors d'une interview à la radio RCF, Jean-Pierre Vigier, député LR de Haute-Loire, a affirmé que Monsieur Macron souhaitait faire entrer la Turquie dans l'Union européenne. Je ne trouve aucune source corroborant ses dires. Est-ce vrai ?»
Le député Les Républicains Jean-Pierre Vigier était invité dans l'émission «L'instant politique» de la radio RCF, jeudi 7 février. Interrogé sur les élections européennes à venir, le parlementaire a déclaré qu'il fallait «des frontières qui ne bougent pas, contrairement à Emmanuel Macron qui souhaite faire entrer la Turquie dans l'Union européenne».
Il s’agit d’une rumeur persistante depuis la campagne pour l’élection présidentielle de 2017. En réalité, Emmanuel Macron a rappelé à plusieurs reprises que la situation politique en Turquie empêchait toute avancée sur ce dossier, et donc qu’il n’était pas favorable à son adhésion à l’Union européenne.
En août 2018, Emmanuel Macron avait accentué les tensions avec la Turquie en affirmant devant la conférence des ambassadeurs : «Est-ce que nous pensons aujourd'hui de manière lucide et sincère que nous pouvons continuer une négociation d'adhésion à l'Union européenne de la Turquie, quand le projet chaque jour réaffirmé du président turc, avec lequel j'ai eu une intensité de contacts inédite depuis un peu plus d'un an, est un projet panislamique régulièrement présenté comme antieuropéen, dont les mesures régulières vont plutôt à l'encontre de nos principes ? Résolument pas.»
A cette occasion, le président de la République a réaffirmé son opposition à une adhésion de la Turquie à l'Union européenne, privilégiant la piste d'un «partenariat renforcé». Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères turc, Hami Aksoy, avait vivement réagi : «Les déclarations de Macron à propos de notre pays […] montrent une nouvelle fois qu'il est loin de comprendre les réalités de la Turquie.»
Lors de la venue du président turc Recep Tayyip Erdoğan, en janvier 2018, Emmanuel Macron considérait déjà que «les évolutions récentes et les choix ne permettent aucune avancée du processus engagé. […] Il est évident que nous devons sortir d'une hypocrisie qui consisterait à penser qu'une progression naturelle vers l'ouverture de nouveaux chapitres est possible, ça n'est pas vrai.» Le président français avait toutefois évoqué sa volonté de former un partenariat privilégié sur le plan économique et dans la lutte contre le terrorisme.
Rumeurs de campagne
Voilà pour les prises de position récentes du Président Macron. Et le candidat Macron était sur la même ligne. Pendant la campagne présidentielle, il réagit aux résultats du référendum organisé en Turquie pour réformer la constitution et renforcer les pouvoirs du président, au micro de BFM, le 17 avril 2017 : «Un régime qui prend ces décisions-là, il n'y aura aucune avancée de l'adhésion à l'Union européenne.»
Dans cette même interview, il ajoute que «plusieurs centaines de milliers, voire millions de voix, qui sont contestées dans le cadre de ce scrutin qui s'est joué à très peu. […] Il faut tout faire pour aider, soutenir les démocrates qui se battent.» Précisant aussi que «[son] souhait, c'est qu'on puisse continuer à avoir une Union européenne, une France, qui laisse la porte ouverte aux démocrates de la Turquie.»
Quelques jours après cette déclaration d'Emmanuel Macron, une rumeur s'est pourtant propagée en ligne, selon laquelle le candidat voulait faire entrer la Turquie dans l'Union européenne, comme le relevait alors le site de fact-checking CrossCheck. D'ailleurs, son programme pour l'élection présidentielle de 2017 avait le mérite de la clarté : «Les conditions de l'entrée de la Turquie dans l'Union ne sont clairement pas réunies et l'évolution récente de ce pays ne laisse entrevoir une évolution positive de ce point de vue. Néanmoins, l'Europe ne doit pas fermer la porte à la Turquie.»
En résumé, contrairement à ce qu'affirme le député Jean-Pierre Vigier, qui n'a pas répondu à nos sollicitations, Emmanuel Macron s'est déclaré plusieurs fois, et dès la campagne présidentielle, contre l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, considérant le contexte politique dans le pays et le renforcement du pouvoir présidentiel comme des freins au processus d'adhésion (mais laissant la porte ouverte «aux démocrates de la Turquie»). Il privilégie depuis son arrivée à l'Elysée la piste d'un partenariat renforcé.
Cordialement.
Damien Cottin
Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat entre le service CheckNews de Libération et l’Ecole supérieure de journalisme (ESJ) de Lille, par un étudiant de la 93e promotion.