Bonjour,
Vous nous contactez suite à plusieurs tweets moqueurs publiés ce mercredi 13 février, à propos de l'apparition possible (si la loi est définitivement adoptée) des termes «parent A» et «parent B» dans les formulaires scolaires. Ces tweets reprochent aux services de fact-checking, et à Désintox en particulier (l'ancêtre de CheckNews), d'avoir minimisé cette nouvelle en 2012, en la qualifiant notamment de «fantasme».
Les mots "père" et "mère" remplacés par "parent 1" et "parent 2" dans les formulaires scolaires : lors des débats sur la loi Taubira en 2013, on nous avait assuré que c'était un fantasme et que ça n'arriverait jamais.
— Guillaume Perrault (@GuilPerrault) February 13, 2019
Qu'en est-il réellement? En plein débat sur le Mariage pour tous, en 2012, la droite dégaine un argument: les mentions père et mère disparaîtraient du code civil au profit des dénominations «parent A» et «parent B» ou, selon les versions, «parent 1» et «parent 2». En novembre de cette année-là, Désintox reprochait à la droite, en particulier à François Fillon et Jean-François Copé, d'affirmer que le projet de loi sur le mariage pour tous menaçait de «rayer du code civil les termes de père et de mère». Les Décodeurs du Monde revenaient aussi sur le sujet en début d'année 2013.
Ces deux articles de fact-checking avaient le même argumentaire: rien dans le projet de loi sur le mariage pour tous (pas encore voté à l'époque) ne prévoyait cela. «Il n'y a nulle trace de ces termes dans le texte du projet de loi», écrivait Désintox.
L'article expliquait ainsi: «Le projet de loi prévoit effectivement un certain nombre de modifications du Code civil. Le texte précise que lorsque cela se révèle nécessaire, les mots "père" et "mère" sont remplacés par le mot "parents", et les mots "mari et femme" par le mot "époux". Ces modifications visent à rendre les dispositions du Code civil applicables à l'ensemble des parents. Il est par exemple prévu qu'à l'avenir, les mineurs ne pourront se marier sans l'accord "de leurs parents" (article 145), ou encore que les enfants devront l'aide alimentaire à leurs parents et non plus à "leurs père et mère qui sont dans le besoin" (article 205). Le texte changera "uniquement quand il y a un risque pour les couples homoparentaux, c'est-à-dire dans les cas où la formulation pourrait empêcher un juge d'appliquer un article à un couple de même sexe", précise Erwann Binet, le rapporteur socialiste de la loi.»
Changement des formulaires administratifs scolaires
Qu'en est-il aujourd'hui ? L'article 148 (et non 145) du code civil dispose toujours: «Les mineurs ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment entre le père et la mère, ce partage emporte consentement.» Et l'article 205: «Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin». Aucune modification n'a donc été effectuée sur ces articles.
Dans le texte voté, les seuls changements du code civil évoqués figurent dans l'article 13 de la loi. Ils concernent l'article 34 et 371-1 du Code civil. Ceux-ci ont trait aux actes d'état civil, sur lesquels figurent désormais «les dates et lieux de naissance des parents dans les actes de naissance et de reconnaissance», et l'autorité parentale qui appartient désormais aux «parents». Mais il n'est toujours pas fait mention de «parent 1» et «parent 2».
De quoi parle-t-on aujourd'hui? Non plus du code civil, comme en 2012, mais des formulaires scolaires. Comme Libération l'a expliqué, dans le cadre du projet de loi sur l'école de la confiance, un amendement a été adopté, en première lecture, contre l'avis du gouvernement. Il propose d'utiliser les termes «parent 1» et «parent 2» dans les formulaires administratifs de l'Education nationale: «Afin d'envoyer un signal de respect aux familles homoparentales et dans un souci de faire évoluer les formulaires administratifs aussi vite que la société, cet amendement propose que chaque formulaire administratif d'informations soumis aux parents fasse désormais la mention d'un "parent 1" et d'un "parent 2", à la place des mentions "père" et "mère"». Notons que le projet de loi (et donc cet amendement) n'a pas encore été définitivement voté.
En affirmant que la loi sur le mariage pour tous ne prévoyait pas de faire apparaître les mentions «Parent 1» et «Parent 2» dans le code civil, l’article de Désintox était factuellement exact. Et l’amendement voté cette semaine n’y change rien.
Toutefois, reconnaissons que certaines formulations étaient caricaturales. Nous notions ainsi que Marine Le Pen avait tenu ces propos:«Moi, je suis une maman aussi. Et moi, j'ai pas envie que demain à l'école, plutôt que le nom du père et le nom de la mère, il y ait marqué parent 1, parent 2». Et expliquions, à l'issue de notre démonstration sur le code civil: «Ce qui n'empêche pas, là encore, l'argument de s'étaler, se tordre, jusqu'à devenir l'objet d'un fantasme total. Car contrairement à ce que laisse entendre Marine Le Pen, la loi ne prévoit pas que sur les documents scolaires, les parents 1 et 2 remplacent "le nom du père et le nom de la mère"». De fait, la loi ne le prévoyait pas à l'époque. Mais il était effectivement excessif d'affirmer à propos de cette crainte qu'il s'agissait d'un «fantasme total».
Cordialement