Question posée par benjamin le 18/02/2019
Bonjour,
Vous nous interrogez au sujet d'une vidéo visionnée près de 40 000 fois et publiée sur Twitter, samedi 16 février, le jour de l'agression antisémite subie par Alain Finkielkraut. On y entend le philosophe dire: «La proportion des enfants à Gaza est totalement délirante, donc on met au monde continûment des enfants qui n'ont aucune place dans le monde. Production effrénée d'hommes excédentaires, d'hommes surnuméraires.» L'internaute commente cet extrait en estimant qu'il s'agit d'un «appel clair au génocide».
Le raciste #Finkielkrault sur la radio #RCJ :
— Nacéra (@NasNacera) February 16, 2019
« la proportion des enfants à #Gaza est totalement délirante. Donc on met au monde continûment des enfants qui N’ONT AUCUNE PLACE DANS LE MONDE ». Un appel clair au génocide #Sionisme pic.twitter.com/gIL6Uaksnz
L'extrait provient d'une émission hebdomadaire sur la Radio de la communauté juive (RCJ) du 24 juin 2007. Dans une version plus longue de l'émission on entend l'animatrice, Ilana Cicurel (désormais membre du bureau exécutif LREM), interroger le philosophe et académicien sur la crise à Gaza survenue après la prise de pouvoir du Hamas la semaine précédente.
Finkielkraut reprend une tribune du Monde
Il évoque longuement une tribune publiée dans le Monde par le sociologue Gunnar Heinsohn, qui s'interroge sur «les raisons de la violence» à Gaza. «De septembre 2005 à juin 2007, [les] fusées Kassam ont tué 11 Israéliens. Mais, durant la même période, quelque 600 Palestiniens sont morts dans les affrontements entre factions rivales. Des milliers d'autres ont été blessés et la moitié de la population traumatisée par une spirale sans fin de meurtres et de représailles. On voit même des frères, le visage dissimulé sous des cagoules, qui cherchent à s'égorger entre eux», observe Gunnar Heinsohn, dont les propos sont lus par Alain Finkielkraut à l'antenne.
Le sociologue «fait apparaître un phénomène dont on ne parle que très peu, à savoir le boom, l'expansion délirante de la démographie», explique Alain Finkielkraut avant de reprendre la lecture de la tribune à voix haute (reformulant certaines phrases, sans en changer le sens): «Entre 1950 et 2007, la population de Gaza est passée de 240 000 à 1,5 million d'habitants. Comment une croissance aussi rapide a-t-elle été possible dans un territoire aussi exigu et doté d'une économie aussi pauvre ? Il met en cause l'UNRWA, l'United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East [Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient, ndlr]. En vertu du droit international, l'UNRWA considère tout résident de Gaza comme un réfugié. L'organisation fournit un logement et assure les frais de scolarité et de santé à tout nouveau-né […] – que celui-ci soit le premier ou le dixième enfant d'une famille».
Il poursuit, à propos de la démographie à Gaza, en citant une comparaison sur la proportion d'enfants à Gaza par rapport aux Etats-Unis et aux Juifs israéliens, ainsi formulée dans la tribune: «Aux Etats-Unis, pour 1 000 hommes âgés de 45 à 49 ans, on ne compte que 945 garçons âgés de 0 à 4 ans. Chez les Juifs israéliens, le rapport est d'environ 1 500 pour 1 000. A Gaza, en revanche, pour 1 000 hommes de 45 à 49 ans, on compte près de 6 200 garçons entre 0 et 4 ans.»
Le verbatim du commentaire en entier
C’est juste après cet exposé qu’Alain Finkielkraut prononce les propos qui lui sont reprochés aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Voici le verbatim de son commentaire retranscrit en entier :
«La proportion des enfants à Gaza est totalement délirante. Donc on met au monde continûment des enfants qui n'ont aucune place dans le monde. Production effrénée d'hommes excédentaires, d'hommes surnuméraires. On se demande, et nous nous posons sans cesse la question de savoir, si l'islamisme est une conséquence de l'islam, du Coran… Mais je crois que la démographie telle qu'elle nous est ici décrite nous aide à affiner le raisonnement et à dépasser l'essentialisme. L'islam radical est ce qui arrive à l'islam quand la démographie est incontrôlée: ni contrôle naturel étant donné les progrès de la médecine, ni contrôle humain du fait de l'UNRWA. Le jihad, si vous voulez, c'est la rencontre de l'islam et de la quantité; la violence radicale et suicidaire c'est l'exutoire des hommes en trop. L'islamisme c'est ce qui arrive à l'islam dans ce que Sartre appellerait le milieu de la rareté: trop d'hommes, pas assez de ressources, pas assez de place, pas d'assez d'avenir.»
Contacté par CheckNews, Alain Finkielkraut a commenté sa position de l'époque: «Si je parle de ces enfants surnuméraires qui n'ont pas de place dans le monde c'est évidemment pour déplorer cette situation et condamner la politique qui y mène. L'interprétation qui est faite de mes propos est une manipulation visant à justifier l'agression verbale dont j'ai été l'objet.»
Le philosophe et académicien s'est plus largement défendu de l'accusation d'appel au génocide des Palestiniens formulée par certains internautes. Il indique à CheckNews être «partie prenante de JCall [le «réseau juif européen pour Israël et pour la paix»] et [participer] depuis longtemps à des réunions publiques préconisant la solution de deux Etats». […] «Et aujourd'hui je soutiens et je cherche à populariser l'initiative des "Commanders for [Israel's] Security". Ces 293 anciens généraux israéliens qui préconisent la formation d'un gouvernement de "séparation nationale" pour en finir avec l'occupation», ajoute-il.
Cordialement