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Y a-t-il 1,8 million de fausses cartes vitales comme l'affirme Nicolas Dupont-Aignan?

Le leader de Debout se base sur une estimation -très contestée- du montant de la fraude sociale par un magistrat, tout en ajoutant une confusion
A Paris le 9 janvier. (Photo Albert Facelly)
publié le 26 février 2019 à 10h08

Question posée par Jean-Marc Warlop le 25/02/2019

Bonjour,

Voici votre question en intégralité : «Dans un tract diffusé ce matin (25 février), le parti de Nicolas Dupont-Aignan avance le chiffre de 1,8 MILLIONS DE FAUSSES CARTES VITALES. D'où sort ce chiffre ? Et plus largement, comment la fraude à la carte vitale peut-elle être estimée à 14 MILLIARDS D'EUROS PAR AN ? Merci de vous intéresser à ce sujet, qui reviendra certainement dans la campagne électorale.»

Cela fait déjà plusieurs mois que Nicolas Dupont-Aignan martèle les deux chiffres impressionnants sur lesquels vous nous interrogez : il y aurait 1,8 million de fausses cartes Vitale en circulation dans l’Hexagone, qui engendreraient un coût de 14 milliards d’euros de fraude.

On retrouve aussi ces données dans l'argumentaire politique du responsable politique : Dupont-Aignan promet de réaliser 32 milliards d'économies, dont 14 milliards avec ces «fausses carte Vitale».

Dupont-Aignan ajoute une confusion… à des données contestées

Le leader de Debout la France se base, en faisant une confusion, sur des chiffres avancés par le magistrat Charles Prats mi-décembre.

Comme nous l'expliquions dans un précédent article sur CheckNews, le magistrat, en se basant sur des données de 2011, dénonce depuis des mois le fait qu'il y aurait en France 1,8 million de numéros de sécurité sociale obtenus par des personnes nées à l'étranger au moyen de faux documents administratifs.

L’enjeu de cette fraude serait, selon l’extrapolation de Charles Prats, de 14 milliards d’euros. Cette somme correspondant selon lui à la totalité des aides sociales (RSA, allocations familiales, assurance maladie, etc.) perçues par les personnes ayant obtenu un numéro de sécurité sociale au moyen d’un faux document.

Le nombre de 1,8 million de numéros d'immatriculation obtenus sur la base de faux documents, ainsi que le montant de fraude associée (14 milliards), sont très vivement contestés. La direction de la CNAV qui gère l'immatriculation des personnes nées à l'étranger évoque des données «fantaisistes» et de «nombreuses erreurs» dans la démonstration du magistrat.

À l'initiative de la sénatrice UDI Nathalie Goulet, qui s'est intéressée au sujet, une «mission d'exploration» parlementaire a malgré tout été lancée très récemment sur la question. Elle est menée par Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur spécial de la commission des affaires sociales du Sénat, qui expliquait se donner «six à huit semaines» pour mener à bien sa mission. Jean-Marie Vanlerenberghe avait fait part à CheckNews de ses doutes devant les montants évoqués et l'ampleur présumée de la fraude, mais il insistait : «Il importe d'avoir une vision claire de ce sujet, notamment en raison de l'instrumentalisation politique qui en est faite par certains».

Nicolas Dupont-Aignan a, malgré tout, repris ces éléments, en ajoutant aux doutes sur leur réalité l’erreur consistant à parler de «fausses cartes Vitale», en lieu et place de «numéros de sécurité sociale», ce qui n’est évidemment pas la même chose.

En résumé : l'affirmation selon laquelle il y aurait 1,8 million de fausses cartes Vitale est erronée et résulte d'une confusion de Nicolas Dupont-Aignan. Quant au chiffre de 14 milliards d'euros de fraude sociale, il s'agit d'un calcul effectué par le magistrat Charles Prats, qui estime à ce montant le total des aides perçues par les personnes nées à l'étranger ayant obtenu un numéro d'immatriculation à la sécurité sociale au moyen de faux documents administratifs. Ce montant est largement contesté, mais fait l'objet d'une mission parlementaire.

Cordialement