Question posée par Ellisonde le 26/02/2019
Bonjour,
La polémique sur le hijab de course, qui devait être proposé par Decathlon, a pris une telle ampleur en début de semaine que l’enseigne a finalement annoncé renoncer à vendre cet article, parfaitement légal, pour «garantir la sécurité» de ses salariés.
Tout commence la semaine dernière. Le blogueur AlKanz publie un article, s'étonnant que cet accessoire soit disponible au Maroc mais pas encore en France. Decathlon lui répond que l'article sera prochainement mis en vente dans l'hexagone. Plusieurs féministes et comptes d'extrême droite commencent à s'insurger. Aucun média n'a encore repris l'info. Dès le 22 février, un membre du Printemps républicain tweete pourtant sur le sujet.
La polémique démarre vraiment quand une politique s’engouffre: Lydia Guirous, porte-parole LR, est la première politique à tweeter, dimanche 24 février à la mi-journée:
À partir de là, les politiques (souvent relayés ou incités par les médias, qui les ont interrogés à ce sujet) ont presque tous rebondi sur la polémique. Exemple frappant: le président du Sénat, Gérard Larcher, en duplex sur BFM depuis le salon de l’agriculture et qui se retrouve à prendre position.
Droite, extrême droite, une frange de LREM et le printemps républicain se sont tous rejoints pour dénoncer cette commercialisation. Après la droitière Lydia Guirous, Jeannette Bougrab, ancienne secrétaire d'Etat à la jeunesse sous Sarkozy, qui relaie dès le dimanche 24 février l'article de la Dépêche (le premier sur le sujet après le post de blog d'Al Kanz) sans commentaire, puis qui explique sur RTL que Decathlon se rend «complice» d'une «idéologie rétrograde». Le même soir, c'est une socialiste, Valérie Rabault, présidente du groupe à l'Assemblée, qui relaie un communiqué des Vigilantes, réseau de féministes laïques, et appelle à boycotter Decathlon et interpellant l'ancienne ministre socialiste du droit des femmes Laurence Rossignol.
Boycotter @Decathlon en France ?
— Valérie Rabault (@Valerie_Rabault) February 24, 2019
Cc @laurossignol https://t.co/MXFsDUGw34
Dans le même temps, des élus régionaux du rassemblement national (RN) commencent eux aussi à s'insurger. Sans que les instances du parti ne prennent encore position. Jean-Lin Lacapelle, interrogé sur le sujet par LCI lundi 25 février au soir sera le premier cadre à dénoncer le «communautarisme». Entre-temps, dans l'après-midi du 25 février, plusieurs articles sont sortis sur la polémique (Marianne à la mi-journée, suivi du Figaro, du Parisien, du HuffPost…). A partir de là, tous les politiques invités sur les plateaux sont interrogés. Ce sera même la première question posée à Nicolas Dupont-Aignan, invité des Quatre Vérités sur France 2 mardi 26 février à 7h40. Revenons au RN, qui publie un communiqué à la mi-journée. Marine Le Pen tweete dans l'après-midi.
Le mélange des genres culmine quand Michèle Delaunay, ancienne ministre de François Hollande, «aime» le tweet du frontiste Jean Messiha.
LREM et le printemps républicain réagissent en invoquant la laïcité et l’égalité femmes-hommes. Ainsi, les figures de proue du printemps républicain (Laurent Bouvet et Gilles Clavreul) retweetent tous les députés LREM qui sont sur cette ligne. Aurore Bergé en tête, dont le tweet matinal sera un des plus relayés, et qui défendra la même ligne toute la journée du mardi 26 février.
Le sport émancipe. Il ne soumet pas. Mon choix de femme et de citoyenne sera de ne plus faire confiance à une marque qui rompt avec nos valeurs.
— Aurore Bergé (@auroreberge) February 26, 2019
Ceux qui tolèrent les femmes dans l'espace public uniquement quand elles se cachent ne sont pas des amoureux de la liberté.#Decathlon
Notons tout de même plusieurs voix divergentes au sein de la majorité. Ainsi, le député de Paris Aurélien Taché a donné publiquement raison à Décathlon, qui répondait à sa camarade Aurore Bergé:
Et vous avez raison. La liberté ou l'émancipation ne se décrète pas pour les autres et la laïcité, ce n'est pas l'athéisme d'État. Cette obsession du voile et de l'Islam, niché dans l'inconscient du républicanisme, est une exception française dont on se passerait bien. #Decathlon https://t.co/Edqe8hpa90
— Aurélien Taché (@Aurelientache) February 26, 2019
Le gouvernement, lui, reste sur la ligne de la légalité, sans s’abstenir toutefois de livrer un avis plus personnel. Interrogée sur RTL, Agnès Buzyn, qui sera retweetée par plusieurs députées de son parti, explique ainsi cette mise en vente ne correspond pas à «sa vision de la femme».
C’est légal oui. Mais ça n’est définitivement pas l’image de la liberté que nous avons, pour les femmes en France. https://t.co/q3sppouieu
— Olivia Gregoire (@oliviagregoire) February 26, 2019
A l'inverse, la ministre des sports ne fait qu'insister sur «le droit en vigueur» et rappelle que son «rôle est de promouvoir le sport pour tous dans une logique de progrès, d'inclusion, de respect d'autrui et de mixité».
Sur le sujet de la laïcité, référons nous toujours au droit en vigueur. Et gardons comme seule boussole le respect du cadre républicain.
— Roxana Maracineanu (@RoxaMaracineanu) February 26, 2019
Mon rôle est de promouvoir le sport pour tous dans une logique de progrès, d’inclusion, de respect d’autrui et de mixité.
Le président du PS Olivier Faure, celui de Générations Benoît Hamon, et celui d’Europe Ecologie Yannick Jadot n’ont, eux, pas réagi à la polémique. Tout comme les Insoumis, où seule Danièle Obono, invitée sur BFM mardi soir après l’annonce par Decathlon que l’enseigne renonçait à commercialiser l’article, a dénoncé une «campagne de diversion et de stigmatisation». La tête de liste insoumise aux Européennes, Manon Aubry, et le compte du parti ont toutefois relaté les propos de Paul Vannier, orateur insoumis et invité sur LCI mardi midi.
Corine Lepage, présidente de Cap21, a, après la mise au point du community manager de Decathlon, retiré son tweet où elle dénonçait, au prix d'une confusion, un accessoire qui visait à cacher le visage des femmes.
Vous avez raison sur mon tweet que je retire mais je ne suis pas d accord avec votre choix marketing
— Corinne Lepage (@corinnelepage) February 26, 2019
Sommée à plusieurs reprises par le RN de réagir, la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes Marlène Schiappa n'a de son côté pas commenté cette polémique… jusqu'à une tribune publiée sur le HuffPost ce matin, où elle appelle à «prendre de la hauteur».
Cordialement
Edit le 27/02 à 15h25: précision sur l'appartenance politique de Jeannette Bougrab.