Question posée le 28/02/2019
Bonjour,
Votre question a été reformulée, la voici en intégralité : «Bonjour. Est-ce vrai que le colonialisme est présenté comme une œuvre civilisatrice à l'école publique comme le prétend ce tweet ? Merci.»
Vous faites référence à cette publication du journaliste Marc de Boni. Ce dernier a relayé hier sur Twitter une image d'un devoir scolaire ayant pour titre «le colonialisme, une œuvre civilisatrice». Il s'agit d'un texte à trou qui commence par : «Sans pour autant oublier les aspects négatifs de la colonisation, il ne faut pas oublier les bienfaits que cela a eu pour les populations colonisées.» Parmi ces «bienfaits» : «l'instruction», «une langue commune» ou encore «des trains et des routes».
Vers Nantes, on enseigne toujours "Tintin au Congo" aux enfants de CM2, à la place des cours d'Histoire... pic.twitter.com/ICThK7gZ15
— Marc de Boni (@MarcdeBoni) February 28, 2019
Contacté par CheckNews, Marc de Boni indique avoir trouvé l'image sur la page Facebook des Cemea Pays-de-la-Loire, une association locale d'éducation populaire. Cette page indique qu'il s'agit bien d'un travail donné dans une «école de l'agglomération nantaise, dans une classe de CM2» et qu'elle a été alertée par un parent d'élève, Alassane Guisse. Ce dernier, élu nantais, a témoigné auprès de Ouest France : «Je sais bien que la maîtresse a aussi fait visiter le Mémorial de l'abolition de l'esclavage à ses élèves. Qu'elle leur a expliqué cette réalité historique terrible. Mais là, je n'ai pas compris. Comment peut-on soumettre à des enfants de CM2 un devoir qui parle des bienfaits de la colonisation ?» Il estime par ailleurs qu'on ne peut «pas parler comme ça à une enfant» et qu'il «ne faut plus que ça se reproduise».
Contacté par le journal local, le directeur académique a estimé que ce texte était «sorti de son contexte» puisqu'il «n'est qu'une partie de cinq leçons dans lesquelles la professeure soumet aux élèves les différents points de vue sur la colonisation au cours de l'histoire». La professeure a ainsi expliqué à l'oral que ce texte représentait «une vision du XIXe siècle, caduque aujourd'hui» selon Ouest France. Précision qui n'apparaît donc pas sur le polycopié.
Une «réaction» de l'académie qui ne «convainc pas» les Cemea Pays-de-la-Loire : «Faut-il pour étudier le nazisme faire travailler les enfants sur Mein Kampf ? Sommes-nous obligé·e·s de faire travailler des enfants autour des horreurs, des écrits horribles pour appréhender l'horreur… Et si tel était le cas, avec quel accompagnement ?»
La colonisation est «un des contenus d'enseignement qui est le plus "sous surveillance" dans l'espace public» estime l'historienne Laurence de Cock, qui a consacré sa thèse au fait colonial à l'école. «Cette question est devenue si tendue que la moindre virgule est soupesée tant on craint que ne se déclenchent les foudres. On sent bien les hésitations, les euphémismes, les allers-retours [dans les programmes]», explique-t-elle.
Les historiens sont pourtant unanimes selon Yannick Le Marec, ancien maître de conférences en histoire à l'Ecole supérieure du professorat et de l'éducation de Nantes : «La colonisation a été un pillage des matières premières ; les pays colonisateurs ont une part de responsabilité dans la stagnation économique et culturelle des pays colonisés ; les dégâts ont été considérables», détaille-t-il à Ouest France. Depuis 2018, les programmes sont selon lui ambigus, mettant en difficulté les enseignants. On trouve par exemple dans les textes du cycle 3 (CM1, CM2 et 6e) l'idée que la question coloniale «s'est forgée autour de l'idéal républicain d'une grande nation civilisatrice».
Cordialement,