Question posée par QG13 le 01/05/2019
Bonjour,
Voici votre question, que nous avons modifiée : «Je souhaiterais savoir ce que nous fêtons le 1er mai exactement ? La « fête du travail » semble être banalisée mais des élus communistes appellent à l’historicité de la « Journée des travailleurs ». « Fête du travail » est-il une déformation ?»
A peu près au même moment où vous nous posiez cette question, Emmanuel Macron tweetait : «Le 1er mai est la fête de toutes celles et ceux qui aiment le travail, le chérissent, parce qu’ils produisent, parce qu’ils forment, parce qu’ils savent que par le travail nous construisons.»
Le #1erMai est la fête de toutes celles et ceux qui aiment le travail, le chérissent, parce qu’ils produisent, parce qu’ils forment, parce qu’ils savent que par le travail nous construisons l’avenir. Merci de porter ces valeurs et d’œuvrer chaque jour pour notre Nation.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 1, 2019
Des propos célébrant le travail, qui n’ont pas manqué de faire grincer des dents. Car si on l’appelle «Fête du travail», le 1er mai est d’abord la «Fête des travailleuses et des travailleurs». Et ses origines, loin de valoriser l’effort de production, sont avant tout teintées d’anarchisme.
Anarchisme et printemps
Le 1er mai 1886, des ouvriers entrent en grève pour réclamer la journée de 8h. Le mouvement social est appuyé dans ses revendications par les anarchistes, bien implantées dans le pays, et notamment à Chicago, foyer de la contestation. Rapidement, la situation se tend. Le 4 mai 1886, au Haymarket Square, plusieurs centaines de milliers de personnes se réunissent. Des policiers sont tués par l’explosion d’une bombe et leurs collègues tirent dans la foule. Les anarchistes sont désignés comme responsables des violences : quatre seront pendus, avant d’être par la suite réhabilités.
C’est en mémoire de cette grève, et des manifestants et des anarchistes tués pour avoir réclamé la journée de huit heures, que lors de son congrès fondateur, la deuxième internationale (ou internationale socialiste), choisit le 1er mai comme date dédiée aux revendications des travailleuses et des travailleurs. Nous sommes en 1889, et partout dans le monde, «le 1er mai se teinte de rouge et de noir, les couleurs du socialisme et de l’anarchisme», résume Fabrice Drouelle dans Affaires sensibles.
«Selon l’historien Éric Hobsbawn, cette nouvelle tradition s’établit en se greffant au symbolisme des anciennes coutumes folkloriques lié aux fêtes printanières», écrit par ailleurs l’Encyclopédie canadienne.
De Clémenceau à Vichy
Le 1er mai devient donc une journée de manifestation dès la fin du XIXe siècle. A l’aube des années 1900, le sang coule à plusieurs reprises alors que des ouvriers demandent plus de droits. Par exemple à «Fourmies en 1891 ou Paris en 1906», esquisse pudiquement le ministère du Travail sur sa page consacrée au 1er mai - il n’y est d’ailleurs pas question des origines anarchistes de cette date. Finalement, «le gouvernement de Georges Clémenceau crée le ministère du Travail en octobre 1906 pour devenir le réceptacle des revendications des ouvriers.»
Les termes de «Fête du travail» prennent le pas en 1942, quand le régime de Vichy intègre le 1er mai à sa propagande. «En effet, la IIIe République ayant toujours refusé de faire du 1er mai une fête officielle, son officialisation par les lois d’avril 1941 fut une douce revanche pour le régime, écrit Rémi Dalisson, historien de la culture dans un essai sur la propagande festive de Vichy. Baptisé « Fête du travail et de la concorde sociale », on lui adjoignit souvent le nom du saint du jour, la Saint-Philippe ou « Fête du Maréchal », manière de montrer la place centrale du chef et de contribuer à son culte.»
Pour trancher définitivement, on notera «Fête du travail» et «Fête des travailleuses et des travailleurs» ne tombent pas le même jour au Canada - il en va de même aux Etats-Unis. Et si la première est en septembre, la seconde a bien lieu le 1er mai.