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Cocaïne : la police organise-t-elle davantage de «descentes» pendant le Festival de Cannes ?

Plusieurs sources judiciaires et policières assurent qu'aucune saisie spectaculaire de cocaïne n'a jamais eu lieu pendant le Festival. Et qu'une perquisition sur le simple pressentiment que des stupéfiants pourraient être consommés dans un lieu n'est pas possible.
Illustration. (ALFSnaiper/Photo Getty Images. iStockphoto)
publié le 22 mai 2019 à 10h14

Question posée sur Twitter le 09/05/2019

Bonjour,

Vous avez été plusieurs à nous poser des questions concernant la consommation de cocaïne, à Cannes, pendant le Festival. Il est vrai que dans l'imaginaire collectif, les deux sont souvent associés, sans qu'il soit simple de départager le vrai du faux, la réalité du fantasme.

Pour autant, si on se plonge dans la presse, nationale et régionale, des dernières années, les articles évoquant le sujet sont assez plutôt rares. L'un, signé le Parisien, a été publié en 2017 après les premières révélations de l'affaire Weinstein, du nom de ce célèbre producteur de cinéma américain accusé d'agression et de viol par des dizaines de femmes. A l'intérieur, un témoin anonyme évoquait les «soirées partouze et cocaïne d'Harvey Weinstein» à Cannes.

Un autre, signé Var matin, a été publié en mai 2016. Intitulé «Cocaïne, MDMA et cannabis pour le Festival de Cannes», il révélait que deux jeunes, venus de Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), et «attirés par le Festival de Cannes» avaient été arrêtés lors d'un contrôle routier. L'un des deux individus avait été contrôlé positif à l'alcool et à la cocaïne. Son passager, qui avait tenté de fuir, avait été rattrapé quelques mètres plus loin par un chien policier avec 22 grammes de cocaïne. Dans leurs deux domiciles perquisitionnés ensuite avaient été retrouvées 22 grammes de cocaïne, 44 de MDMA et 60 de cannabis. «Ils seront tous deux déférés prochainement et encourant les peines prévues pour détention et trafic de stupéfiants», précisait à l'époque l'article.

Pour le reste, aucune mention d'une «grosse» affaire liée aux festivités cannoises. Selon les sources contactées par CheckNews (des sources policières, judiciaires ou encore le Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs), aucune grosse filière en lien direct avec le Festival n'a encore été démontée. Par ailleurs, contrairement à ce que le grand public peut se figurer, les règles de la perquisition ne permettent pas d'effectuer de «descentes» si facilement la nuit dans les restaurants, les hôtels, ou les discothèques.

«Au niveau de la police judiciaire, on travaille sur des sujets de longue haleine, on démonte des filières, assure ainsi à CheckNews Philippe Frizon, chef de la police judiciaire de Nice. Ajoutant : «On n'a pas démonté de filière qui remontait jusqu'au Festival de Cannes, où le produit était à destination, ou "monté" spécialement pour le Festival. On a interpellé des gens qui étaient dans le département, sur le secteur cannois même, mais pas pendant le Festival.»

En 2016, pour ne citer que cet exemple, cinq personnes, dont le patron d'un restaurant asiatique à Cannes, avaient en effet été mises en examen, alors que les enquêteurs estimaient que l'établissement permettait d'écouler plus de 2 kilos de cocaïne par mois.

Philippe Frizon résume : «Que de la drogue circule pendant le Festival, c'est la réalité. Mais on ne fait pas de saisies spectaculaires pendant cette période-là, que ce soit dans les fêtes ou ailleurs».

«Juridiquement, la notion de descente, ça n’existe pas»

Des propos confirmés par Fabienne Atzori, procureure de Grasse, également contactée par CheckNews. A propos de potentielles «descentes» de policiers pendant le Festival de Cannes, elle explique : «Il n'y a pas de "descente", au sens où les gens l'entendent, ou comme on le voit dans les films. Rien ne nous autorise, par exemple, à intervenir dans une discothèque ou un hôtel comme ça. Les cadres du parquet sont très limités. Juridiquement, la notion de "descente", ça n'existe pas.»

La police ou la gendarmerie doit, en effet, avoir une autorisation écrite du juge pour perquisitionner un lieu, et cette perquisition doit se dérouler entre 6 et 21 heures. «En cas d'infraction liée à la criminalité organisée (trafic de stupéfiants, vol à main armée…) ou au terrorisme, une perquisition peut débuter en dehors de ces horaires», précise le site servicepublic.fr. Mais elle doit obéir à un cadre. «Si quelqu'un me dit : "Dans un hôtel à Cannes, dans la suite de machin chose, il y a des partouzes organisées au cours desquelles sont consommés des produits stupéfiants", je vais essayer d'étayer, et ensuite, je pourrais entrer de jour dans cet hôtel», résume la procureure.

Impossible donc d'un point de vue juridique pour la police ou même pour un juge de pénétrer dans la suite d'une star, ou dans une discothèque, sur le simple soupçon que de la cocaïne pourrait être consommée dans ces lieux pendant la durée du Festival.

Quant à la chasse aux consommateurs occasionnels, elle «n'est pas la priorité» des forces de l'ordre pendant la quinzaine, affirme une source policière au sein du commissariat de Cannes.

De son côté, le Syndicat national des discothèques et des lieux de loisirs rappelle seulement que faciliter ou tolérer un trafic de stupéfiant peut conduire à une confiscation mobilière ou immobilière, interdiction d'exercer, voire interdiction de séjour pour les exploitants étrangers. Qu'un blanchiment lié au trafic peut être puni de dix ans de prison et 7,5 millions d'euros d'amende, et que le simple enrichissement lié au trafic d'un exploitant peut valoir jusqu'à cinq ans de prison et 750 000 euros d'amende.

Cordialement