Question posée le 29/05/2019
Bonjour,
Vous nous posez cette question en nous renvoyant vers deux tweets, affirmant que les règles seraient l’une des causes, voire l’une des premières causes, de l’analphabétisme des femmes dans le monde.
Je lis certaines réponses et je m’interroge... Un sujet qui concerne 52% de la population, empêche certaines d’aller à l’école, est une des causes de l’analphabétisme dans le monde, pose des problèmes basiques de dignité à 1,7 M de femmes en France, ça n’est pas important ?
— Agnès Pannier-Runacher (@AgnesRunacher) May 28, 2019
« Les règles sont une des premières cause d’analphabetisation des filles dans le monde: ce tabou doit être levé ! » @RixainMP #MHDay2019 pic.twitter.com/pjMm87u6XG
— 🇫🇷 MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) May 28, 2019
Ces prises de parole sont intervenues lors de la journée mondiale de l’hygiène menstruelle, qui s’est tenue mardi 28 mai.
Plusieurs études ont démontré que les règles, dans certains pays en développement, sont un frein à l'éducation des jeunes filles. Le manque de protections hygiéniques, d'accès à l'eau ou la stigmatisation qui peut être liée aux règles contribuent à ce que les femmes abandonnent leur scolarisation.
«Beaucoup de facteurs contribuent à ce que les filles des pays en développement quittent l'école. Certaines filles pubères quittent l'école parce qu'elles ont plus de responsabilités à la maison, reçoivent une pression familiale ou sociale pour se marier, tombent enceintes ou parce que leurs parents sont inquiets pour leur sécurité à l'école […] Sans compter que certains parents, ayant des ressources limitées, privilégient l'éducation de leurs fils […] Le début de la menstruation, cependant, est un facteur signifiant qui est souvent ignoré, et qui sans aucun doute affecte l'inscription des filles des pays en développement dans l'enseignement secondaire», résume la Northeastern university political review.
Une étude menée dans des écoles rurales du Kenya note ainsi: «Quand on leur demande quel est le moyen le plus efficace pour gérer ses menstruations à l'école, de nombreuses filles ont simplement dit "rentrer à la maison"». Exemple des difficultés pointées dans l'étude: «On nous a rapporté que les tissus [utilisés à la place de protections hygiéniques, ndlr] fuyaient fréquemment et causaient des irritations, ce qui rend difficile d'assister aux cours, en particulier au fur et à mesure de la journée». Le manque d'eau et de toilettes dans les écoles font aussi partie des problèmes notés.
Une autre recherche cite «des études qualitatives dans les écoles primaires [qui] suggèrent que les règles contribuent à l'absentéisme, et pourraient aller jusqu'à la déscolarisation». A chaque fois, il est précisé que les règles ne sont pas la seule raison expliquant l'absentéisme scolaire.
Ce qu'on peut dire, c'est que l'analphabétisme dans le monde touche plus les femmes, et que les règles peuvent être un facteur compliquant la présence des filles à l'école.
Pour illustrer ce phénomène, un chiffre est souvent dégainé: «en Afrique, une femme sur dix ne va pas à l'école pendant ses règles». Il est cité par France Info, le Guardian, ou encore l'ONG Care. Il est souvent cité comme venant de l'Unicef ou de l'Unesco. Pourtant, comme l'ont démontré nos confrères d'Africa Check, aucune de ces organisations n'a pu remonter à sa source. Ce chiffre ne viendrait d'aucune étude sérieuse.
Il existe en réalité très peu de données sur l’absentéisme scolaire lié aux règles, mais plusieurs études menées localement, comme celles citées au dessus, montrant un lien de corrélation entre les menstruations et la déscolarisation. Ce qui ne signifie donc pas que les règles sont le seul facteur expliquant cette situation.