Question posée par Guiter le 23/06/2019
Bonjour,
Voici votre question, que nous avons modifiée : «Est-il vrai que les forces de l'ordre sont intervenues de manière très musclée à Nantes la nuit de la fête de la musique, faisant tomber des personnes dans la Loire ?» Vous faites sûrement référence aux articles des médias locaux Nantes révoltée, Ouest France et Presse Océan, racontant une fin de soirée mouvementée à Nantes (Loire-Atlantique), dans la nuit du 21 au 22 juin.
Pour la fête de la musique, dès la mi-journée, une petite dizaine de collectifs de DJ avaient planté leurs enceintes et leurs tentes sur le quai Président-Wilson, dans l’ouest de l’île de Nantes, entre un bras de la Loire et des entrepôts.
On vous attend !!!!😜🔊🔊🔊🔊
Posted by Tribal Sound System on Friday, June 21, 2019
La journée et la soirée semblent bien se passer. Un bénévole accompagnant l'un des collectifs de DJ raconte à CheckNews : «Vers 22 ou 23 heures, la police est passée nous voir, pour nous dire qu'il faudrait couper le son vers 4 heures.» Un collectif de DJ qui mixait ce soir-là abonde : «La police est passée vers 22 h 30 pour nous dire qu'ils nous laissaient jusqu'à 4 heures du matin et qu'à partir de cette heure, on devrait couper.»
La préfecture de la Loire assure pour sa part à CheckNews que cet horaire avait été fixé en amont avec les organisateurs, pour l'ensemble de la ville.
Dernière musique
C’est au moment de couper le son que la situation s’est tendue. De sources concordantes, les policiers reviennent vers 4 heures du matin et tous les DJ ont accepté d’arrêter la musique… sauf un.
«Un sound system a dépassé un peu cet horaire en voulant mettre une dernière musique pour clôturer cette fête de la musique et pour remercier les gens venus s'amuser», raconte le collectif de DJ que nous avons interrogé.
«Petit à petit, tous les sound systems se sont arrêtés, poursuit le bénévole cité plus haut. Mais il y en a un qui a fait un appel au son.» C'est-à-dire qu'il a remonté le volume sonore après l'avoir baissé. Ce que corrobore un témoignage reçu par la page Facebook Nantes révoltée : «Les organisateurs ont coupé [la musique], mais apparemment ils auraient fait chanter certaines personnes en remettant un peu de son.»
Un organisateur du collectif des «Alberto Tek» présent ce soir-là explique à CheckNews : «Le dernier sound system a décidé de relancer le son, ce qui a énervé la police, qui était juste à côté, et remotivé au moins trois cents personnes à se rebeller contre les forces de l'ordre.»
Lacrymo et matraques
La préfecture assure de son côté que ce sont des jets de projectiles sur les policiers et des «prises à partie» par certains fêtards qui auraient justifié l'intervention qui a suivi.
Plusieurs témoins confirment le jet de projectiles. L'un d'entre eux nous écrit : «Evidemment il y a eu quelques rébellions (notamment des bouteilles ou des pierres lancées) et avec les effets de l'alcool, cela n'a forcément pas fait bon ménage.» Tout en précisant que selon lui, «les projectiles ont été jetés pendant l'intervention», et pas avant.
Une vidéo apparemment tournée sur le quai Wilson à «à peine 5 heures» et mise en ligne sur Facebook montre ce qui ressemble à un nuage de gaz lacrymogène et de nombreux véhicules avec des gyrophares en arrière-plan.
Il est à peine 5h sur Nantes ! Tout se passe pour le mieux au quai Wilson 😉 Et d’un coup les flics arrivent pour nous gazer ! Liberté ? Droit de manifestation ? Ou sont nos droits bordel ! C’est la fête de la musique ? Ou la fête à la répression encore une fois ?
Posted by Rudyx Cübe on Friday, June 21, 2019
Une compilation de plusieurs vidéos postée le 23 juin par la page Facebook Nantes révoltée est éclairante sur la teneur de l’intervention. Elle montre de près la confusion de la situation : utilisation de sprays et de grenades lacrymogènes, présence de chiens et coups de matraques. Au moins une personne est frappée à terre, d’après ce document.
Plusieurs témoignages reccueillis par CheckNews font état de tirs de lanceur de balle de défense (LBD). La préfecture ne confirme pas, et les images de Nantes Révoltée ne nous ont pas non plus permis de le constater avec certitude. Toutefois, les services de l'Etat dans le département admettent pudiquement un «contact un peu violent», normal selon eux dans le cadre d'une «opération de rétablissement de l'ordre». Celle-ci a été menée par la compagnie départementale d'intervention (CDI), et non par une CRS, comme on a parfois pu le lire en ligne.
Une dizaine de personnes dans la Loire
«Le quai Président-Wilson n'a pas de garde-corps, c'est vraiment inconscient d'utiliser ce genre de méthode contre des gens alcoolisés proches de la Loire», déplore le collectif de DJ cité plus haut. «Le truc que je reproche aux keufs, c'est d'avoir eu une réaction disproportionnée, ajoute le bénévole que nous avons contacté. On était là pour faire la fête, on était tous enivrés. Heureusement les pompiers étaient dans la Loire.»
Une certitude en effet : plusieurs personnes ont bien fini à l'eau. «Dix personnes», selon la préfecture, ont sauté dans la Loire pour éviter les policiers – selon Ouest France, les pompiers ont secouru «quatorze personnes».
La majorité des témoins présents – et même si certains pointent la responsabilité des DJ qui n'ont pas arrêté la musique comme le demandait la police – reprochent aux forces de l'ordre la violence de leur intervention, faisant état de blessés légers. Presse Océan écrit que six personnes ont été transportées au CHU, dont deux policiers. La préfecture de Loire-Atlantique assure pour sa part ne pas avoir de bilan de cette intervention.
Edit à 19h30 : un nouveau témoignage recueilli par CheckNews fait état de tirs de LBD.
Edit le 24 juin : un jeune homme est porté disparu à la suite de la fête de la musique à Nantes. Il a été aperçu pour la dernière fois avant la charge policière.