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Le taux de recouvrement des pensions alimentaires s'est-il vraiment amélioré ?

Selon l'agence de recouvrement des pensions alimentaires, ce taux a cru de 36% en un an. Mais le chiffre ne dit rien du nombre de pensions qui restent impayées.
Un enfant se rend à l'école à Caen, le 3 septembre 2018. (Photo Charly Triballeau. AFP)
publié le 25 juillet 2019 à 13h15

Question posée par Stephanie le 23/07/2019

Bonjour,

Mardi 23 juillet dernier, les Echos publiaient un article intitulé : «Le recouvrement des pensions alimentaires impayées a crû de 36% en 2018.» Le quotidien s'appuyait, en exclusivité, sur les chiffres de l'Agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires (Aripa) comparant son activité sur les années 2017 et 2018.

L'Aripa, adossée à la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), est en service depuis le 1er janvier 2017. Elle permet aux parents de familles monoparentales de lancer une procédure de recouvrement si le parent de l'enfant qui doit verser une pension alimentaire, après une décision de justice, ne la verse pas. Deux ans d'impayés maximaux peuvent toutefois être récupérés grâce à cette procédure.

Pour procéder au recouvrement, la CNAF explique : «Après une phase amiable auprès du débiteur, la CAF peut directement récupérer le montant de la pension alimentaire à venir ou les arriérés sur les 24 derniers mois auprès de son employeur ou d'un tiers (Pôle emploi, banque…).»

D'après les chiffres communiqués par la CNAF à CheckNews, le montant des sommes recouvrées par l'Aripa a augmenté. En 2017, le montant total des sommes récupérées s'élevait à 48,5 millions d'euros. En 2018, il s'élève à 65,9 millions d'euros, soit en effet une hausse de 36% entre 2017 et 2018.

Environ 40 000 personnes - majoritairement des femmes - qui devaient recevoir une pension alimentaire avaient reçu au moins un paiement à la suite de la mise en place d'une action de recouvrement de l'Aripa en 2017, contre près de 50 000 personnes en 2018. Le nombre de procédures actives est lui passé de 24 419 en janvier 2017 à 37 244 en décembre 2018. Il y a donc eu 13 000 procédures en plus, mais seulement 10 000 personnes qui ont effectivement reçu un paiement. Le taux de recouvrement est lui aussi légèrement en hausse. Il est passé d'une moyenne de 61,66% en 2017 à 63,57% en 2018.

Aucun chiffre sur le nombre de pensions impayées

Cependant, ce taux ne concerne que les pensions alimentaires dites «récupérables», autrement dit qui peuvent faire l'objet d'un recouvrement. Tous les parents qui ne paient pas la pension alimentaire ne peuvent pas faire l'objet de cette procédure, comme l'explique Marie Christine d'Avrincourt, directrice de l'Aripa, à nos confrères des Echos : «Lorsque le parent débiteur est insolvable, il n'apparaît pas dans nos procédures. De même, nous ne tenons pas compte dans nos statistiques des gens qui n'ont pas de compte bancaire, qui ne sont pas salariés, qui ne paient pas d'impôts et qui ont en fait organisé leur insolvabilité.»

Stéphanie Lamy, cofondatrice du collectif Abandon de famille – Tolérance zéro !, reproche ainsi à la CNAF de ne communiquer que des données partielles, masquant ainsi l'ampleur des pensions non payées. «Parler d'une augmentation des sommes saisies par la CAF, sans contexte, en pourcentage, peut vouloir dire plusieurs choses, y compris l'augmentation du nombre d'impayés.» Et insiste : «Ces données font croire que tout va bien. Pourtant, nous constatons l'exact contraire sur le terrain. De plus en plus de victimes nous confient que leur ex ne paie plus car "il y a la CAF".»

Il n'est pas possible de savoir combien de dossiers de recouvrement ont été déposés à l'Aripa depuis sa création, ni de savoir combien de dossiers n'ont pu faire l'objet d'une procédure de recouvrement. La CNAF refuse de communiquer ces chiffres à CheckNews. Dans un rapport publié en mars dernier par le think-tank Terra Nova, l'ancien directeur général de la CNAF Daniel Lenoir, pointait ainsi : «Le nombre de procédures en cours concerne 37 000 familles, soit probablement nettement moins de 20% des pensions alimentaires non versées.» A ce propos, il explique à CheckNews : «Il n'existe pas de sources récentes sur les pensions alimentaires dues, et donc aucun moyen de savoir.» Appelant pour un état des lieux en temps réel sur ce sujet, il recommande aussi que l'agence soit systématiquement notifiée des décisions de justice prononçant le versement et le montant d'une pension alimentaire.