Question posée par Sas le 28/07/2019
Bonjour,
Faisant référence à la permanence du député LREM de Perpignan, Romain Grau, qui a été vandalisée samedi 27 juillet, en marge d’une manifestation de gilets jaunes, vous avez été plusieurs à nous demander s’il avait menti.
«Ils ont brisé toutes les vitrines. Ensuite, l'un d'eux a sorti un bidon d'essence, visiblement préparé pour l'occasion, et a déversé de l'essence sur l'ensemble de la permanence. Un autre a craqué une allumette pour y mettre le feu. Là, bien sûr j'ai été dans l'obligation de sortir de mon bureau, de prendre un extincteur. Un voisin aussi est sorti de son local en face, et ces gilets jaunes ont pris la fuite à ce moment-là», a expliqué sur BFMTV le député Romain Grau, dans sa permanence le jour des faits.
Sur Twitter, le député est depuis accusé par certains d’avoir déformé la réalité et accusé à tort les gilets jaunes.
En fin de journée du 27 juillet, une dépêche AFP, reprise par plusieurs médias dont le Figaro ou France Info, affirmait également : «Perpignan : des "gilets jaunes" dégradent la permanence d'un député LREM.» Détaillant ainsi dans le corps du texte : «La permanence du député LREM Romain Grau a été prise pour cible samedi à Perpignan par des "gilets jaunes" qui ont cassé les vitres et tenté de mettre le feu au local où il se trouvait.»
Que s'est-il passé ce jour-là à Perpignan, où un rassemblement national des gilets jaunes était prévu ? «Environ 300 manifestants ont répondu à l'appel, tous munis de parapluies pour faire face à la mauvaise météo. Le cortège s'est élancé vers 11h en direction du centre-ville», raconte France Bleu Roussillon, dont l'un des reporters était sur place. «C'était un peu le bordel, les manifestants ne savaient pas où aller, les chemins changeaient tout le temps», raconte le journaliste Luc Chemla, contacté par CheckNews.
C’est dans ce contexte que la permanence du député LREM a été prise pour cible. Sur une vidéo, diffusée par BFMTV, on distingue plusieurs hommes cagoulés, membres du black bloc présent à l’avant du cortège, briser les vitres de la permanence, avant de tenter d’y mettre le feu. Quelques minutes auparavant, les mêmes personnes avaient lancé des pierres contre la Société générale, située à quelques dizaines de mètres de là.
De nouvelles images montrent le saccage de la permanence LaREM à Perpignan pic.twitter.com/5g5avj4IkI
— BFMTV (@BFMTV) July 29, 2019
Peut-on dire que ce sont des gilets jaunes qui ont vandalisé la permanence, alors que les photos ou vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent toutes que ce sont des membres du black bloc qui ont cassé les vitres puis tenté de mettre le feu ? Oui, selon Romain Grau, contacté par CheckNews : «Ce que j'ai vu, ce sont des gens cagoulés tenter de mettre le feu à ma permanence, sous les encouragements de gilets jaunes derrière. Je ne fais pas la distinction entre les deux.» De fait, on entend dans la vidéo publiée par BFMTV une clameur dans la foule lorsque les vitres de la permanence sont brisées.
«Il y eut plus de cris de satisfaction dans la foule lorsque la Société générale a été attaquée, quelques minutes auparavant», nuance Luc Chemla, de France Bleu Roussillon. Qui ajoute : «Je n'ai pas vu de gilets jaunes s'en prendre à la permanence, de la même façon que je n'ai pas vu ou entendu de gilets jaunes tenter de dissuader les hommes cagoulés de le faire. En revanche, j'ai vu un gilet jaune tenter de filmer la scène, et deux autres le bousculer pour lui demander d'arrêter, en lui disant que ça allait leur retomber dessus.»
Difficile donc pour l'heure d'en savoir plus sur le profil des personnes qui ont vandalisé la permanence. Une enquête a bien été ouverte, la qualification principalement retenue est celle de dégradations volontaires par moyen dangereux pour les personnes. Mais «il n'y a pas eu d'interpellation. Les investigations sont en cours, et l'exploitation des traces et indices relevés sur les lieux aussi», répond à CheckNews le procureur de la République Jean-Jacques Fagni.
«J’ai d’abord écrasé les flammèches avec le pied»
Sur Twitter, le député est également accusé d'avoir menti sur un autre point : l'extinction du feu dans sa permanence. Sur BFMTV, ainsi que dans d'autres médias, le député Romain Grau assure avoir utilisé un extincteur pour éteindre le feu naissant dans sa permanence. A l'AFP, il affirmait également : «Un voisin m'a jeté un extincteur par la fenêtre et j'ai pu arrêter l'incendie.» Or, sur une vidéo publiée par France Bleu Roussillon, on voit un homme, qui n'est pas Romain Grau, avec un t-shirt rayé, éteindre d'abord une chaise qui prenait feu au milieu de la route, puis le feu qui commençait à s'embraser au sein de la permanence. Ce que nous confirment plusieurs témoins présents sur place, qui affirment également que l'homme qui a éteint le feu est street medic. «Le feu n'a jamais été virulent et incontrôlable», affirme un photographe présent sur place, contacté par CheckNews. Il ajoute : «La permanence était dans le noir complet, il était impossible de deviner la présence de quelqu'un à l'intérieur.»
La permanence du député LREM @RomainGrau prise pour cible par les #GiletsJaunes à Perpignan pic.twitter.com/hT4abvlSP9
— France Bleu Roussillon (@bleuroussillon) July 27, 2019
A CheckNews, Romain Grau assure finalement avoir utilisé un autre extincteur, présent dans sa permanence. «J'ai d'abord écrasé les flammèches avec le pied. Dans un deuxième temps, j'ai passé un coup d'extincteur à l'intérieur, alors que le feu était déjà éteint.»
Cet acte de vandalisme intervient dans un contexte particulier : en effet, protestant contre le Ceta, des agriculteurs s'en prennent depuis plusieurs jours aux élus LREM ayant voté la semaine dernière le traité de libre-échange entre l'Europe et le Canada. «Une petite dizaine de permanences parlementaires LREM ont été prises pour cible en une semaine», racontait Libération hier. A Guéret, dans la Creuse, un mur a ainsi été monté devant la permanence de Jean-Baptiste Moreau, lui-même agriculteur, qui s'est démené pour défendre le Ceta sur les plateaux télé comme à l'hémicycle et se retrouve donc accusé de «trahir» les siens. A Vesoul, les bureaux de la députée Barbara Bessot-Ballot ont été bétonnés, enfermant la permanence derrière un mur de 2,5 mètres de haut. Dans les Pyrénées-Orientales, la Saône-et-Loire ou le Lot-et-Garonne, ce sont les bureaux des députés LREM qui ont été noyés sous les déchets agricoles. «Les actes violents d'une toute petite minorité d'agriculteurs n'ont pas leur place dans une démocratie. Aucune cause ne peut les justifier», a estimé dans un communiqué Gilles Le Gendre, président du groupe parlementaire LREM.
Cordialement,