Menu
Libération
CheckNews
Vos questions, nos réponses
checknews

Un enfant palestinien de 4 ans a-t-il été convoqué par la police israélienne ?

Dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, le média AJ+ français montre les images d'un enfant palestinien de 4 ans qui se rend au commissariat, à Jérusalem-Est. Il affirme que ce dernier a été convoqué par la police israélienne.
Capture d'écran du compte Twitter AJ+ Français
publié le 8 août 2019 à 14h55
(mis à jour le 8 août 2019 à 16h18)

Question posée par Bernard le 05/08/2019

Bonjour,

Vous faites référence à cette vidéo, vue plus de 5 000 fois, du média AJ+ français, postée sur Twitter le 31 juillet :

D'après la vidéo d'AJ+, «Cet enfant de 4 ans a été convoqué par la police israélienne pour un interrogatoire» car il aurait jeté des pierres sur un véhicule de police israélien.

La scène se déroule dans la matinée du 30 juillet à Al-Issawiya, quartier palestinien de Jérusalem-Est, sur le mont Scopus. On y voit un enfant très jeune, Muhammad Elayyan, accompagné par son père et une foule, se rendre au commissariat de Kedem.

La situation dans le quartier d'Al-Issawiya, d'après l'ONG israélienne Ir Amim, présente sur place, est depuis plusieurs semaines très tendue entre les habitants et les forces de police israéliennes. Elle parle de «raids» et de «recours à la force excessifs par la police». Ces dernières semaines, toujours selon Ir Amim, «les tensions se sont intensifiées au point que la situation est proche de l'état d'urgence».

Seul le père a été entendu par la police

Les informations d'AJ+ sur la convocation du jeune garçon reprennent celles rapportées par l'agence de presse palestinienne Wafa et le centre d'information de Wadi Hilweh, qui ont filmé les vidéos qu'AJ+ a utilisées. Wafa est l'agence de presse nationale officielle, liée à l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, président palestinien. Le centre d'information de Wadi Hilweh est un site internet «d'information des habitants de Wadi Hilweh-Silwan» (du nom d'un quartier palestinien de Jérusalem-Est), tenu par les habitants eux-mêmes.

Mais cette version des faits a été qualifiée de fake news par certains médias israéliens, comme le Jerusalem Post, qui assure que c'est le père qui a été convoqué, et non l'enfant.

De fait, sur la convocation fournie à CheckNews par la police israélienne ainsi que par le père de Muhammad Elayyan, datée du 29 juillet, seul le nom du père est mentionné. Le motif de la convocation est le suivant : «Jet de pierres sur un véhicule de police par votre fils.» Seul le père a été entendu par la police.

Joint par téléphone par CheckNews, Rabi Elayyan, le père de l'enfant, qui assure que son fils «n'a pas jeté de pierres», soutient néanmoins que la police lui a demandé, à l'oral, de se rendre au poste accompagné de l'enfant.

Une version formellement contredite par la police, qui explique : «Les policiers n'ont convoqué que le père de l'enfant au poste de police afin de l'alerter et de lui faire prendre conscience de sa responsabilité concernant le comportement et les actions de son fils.» Sur Twitter, le porte-parole de la police israélienne avait affirmé que le père avait pris l'enfant avec lui «à dessein» pour créer un «évènement».

La police insiste également sur le fait qu'une convocation de Muhammad Elayyan est impossible au regard de la loi : «L'enfant n'a pas atteint l'âge de la responsabilité pénale.» En Israël, l'âge de responsabilité pénale est fixé à 12 ans. Il est illégal d'arrêter ou d'interroger un enfant en dessous de cet âge.

Critiques récurrentes contre le traitement des mineurs

Si la convocation d'un enfant de 4 ans est donc impossible, contrairement à ce qu'ont écrit certains médias, cette nouvelle affaire s'inscrit dans le cadre de critiques récurrentes contre le traitement des mineurs par le système judiciaire de l'Etat d'Israël, épinglé en 2018 par le Conseil de l'Europe et plusieurs rapports d'ONG.

Selon l'association Ligue des droits de l'homme, «Israël est le seul pays au monde à poursuivre systématiquement, chaque année, entre 500 et 700 enfants devant les tribunaux militaires sans aucun respect des droits fondamentaux à un procès équitable. Depuis début 2018, plus de 900 enfants palestiniens âgés de moins 18 ans de la Cisjordanie occupée et de Jérusalem-Est ont été arrêtés et, selon les statistiques de mars 2019 d'Addameer (organisation palestinienne de soutien aux prisonniers et aux droits de l'Homme), 205 enfants sont toujours en détention, dont 32 ont moins de 16 ans. Ils sont détenus dans les prisons israéliennes, dans des conditions intolérables et en totale violation de la Convention internationale des droits de l'enfant. L'accusation la plus répandue contre les enfants est le jet de pierres, "crime" passable de vingt ans de prison.»