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Le Giec recommande-t-il de manger moins de viande pour endiguer le réchauffement climatique ?

Le groupe d'experts du climat des Nations unies a publié le 8 août son dernier rapport spécial, dont tout un chapitre est consacré à l'alimentation.
Photo d'illustration. Rungis, le 27 décembre 2017. (Marie ROUGE/Photo Marie Rouge pour Libération)
publié le 20 août 2019 à 11h01

Question posée par le 09/08/2019

Bonjour,

Vous nous avez posé la question suivante : «Plusieurs médias dont Libération ont affirmé que, dans son dernier rapport, le Giec recommandait de manger moins de viande pour sauver le climat. Est-ce exact ?»

Le 8 août, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) publiait son rapport spécial sur la désertification et la dégradation des terres dans le monde.

Pas de recommandations mais un «état des lieux»

Dans ce rapport, le Giec effectue bien des comparaisons des empreintes carbone entre les types d'alimentation, mais «ne fait pas de recommandations» sur quel régime adopter, d'après Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe numéro 1 du Giec. Nathalie de Noblet-Ducoudré, coauteure du rapport, confirme : «Ce n'est pas au Giec de faire des recommandations. Il s'agit d'un état des lieux de la littérature sur le sujet à un instant T. Nous exposons des faits qui sont valables aujourd'hui mais qui sont susceptibles de changer». Le Giec ne recommande donc pas de passer à un régime vegan ou végétarien, comme l'ont écrit de nombreux médias avant la publication du rapport, mais «évalue les implications de différentes options».

Pour ce faire, le Groupe d'études se base sur plusieurs indicateurs. «L'évaluation se fait en termes de système alimentaire, ce qui comprend la production, les choix d'alimentation et les pertes et gaspillages, explique Valérie Masson-Delmotte. Le rapport montre le potentiel d'action pour chacun de ces aspects. Les choix alimentaires peuvent être une partie des solutions. Les pratiques agricoles sont aussi importantes en matière d'émissions évitées et de stockage de carbone. Ne mettre l'accent que sur ceux-ci est trompeur par rapport à l'approche systémique abordée dans l'évaluation. Enfin, nous avons passé en revue deux choses, les émissions de gaz à effet de serre mais aussi la pression sur les terres.»

Le graphique suivant, issu du rapport, illustre les potentiels impacts, d'ici à 2050, des différents types de régimes alimentaires en termes d'empreintes carbone et de pression sur les terres, si les systèmes de production restent les mêmes que ceux actuellement utilisés pour l'élevage et les cultures. En l'état, les régimes végétalien, végétarien et flexitarien, qui n'incluent que peu voire très peu ou pas du tout de chair animale, sont donc ceux qui ont le moins d'effets négatifs sur les empreintes carbone et de pression sur les terres, car à la production, ils nécessitent moins de sols et émettent moins de CO2 que les autres régimes alimentaires listés.

S'il ne fait donc pas de recommandations, le Giec explique néanmoins dans son rapport que la diversification du système alimentaire, de la production à l'assiette, pourrait être l'une des solutions au réchauffement climatique. Mais n'exclut pas la consommation de produits animaux. «La diversification du système alimentaire (par exemple la mise en œuvre de systèmes de production intégrés, de ressources génétiques variées, et les régimes alimentaires) peut réduire les risques liés au changement climatique. Les régimes équilibrés, à base de plantes comme ceux basés sur des céréales compètes, des fruits et légumes, des noix et graines et des produits animaux issus de systèmes résilients, soutenables et à basses émissions de gaz à effet de serre présentent des opportunités majeures pour l'adaptation et l'atténuation tout en générant des co-bénéfices significatifs en matière de santé humaine», peut-on lire dans le rapport.

La réduction de la consommation de viande comme «mesure d’adaptation»

Dans son chapitre consacré à la sécurité alimentaire, le Giec se concentre également sur la consommation de viande. Encore une fois, il présente un état des lieux et expose des faits tirés d'études scientifiques sur le sujet. Sur cette base, il est expliqué que selon ces études, qui se concentrent sur les pays aux revenus élevés et sont donc seulement valables pour ceux-ci, la production de viande rouge a un impact négatif conséquent sur l'environnement, «en termes d'émission de gaz à effet de serre et ou d'utilisation des sols par unité de produit». Ainsi, le rapport explique : «L'intensité des émissions dues à la viande rouge signifie que sa production à un impact disproportionné sur le total des émissions de gaz à effet de serre. Aux Etats-Unis par exemple, 4% des aliments vendus (en termes de poids) sont du bœuf, ce qui représente 36% des émissions liées à l'alimentation.»

Le rapport décrit la réduction de consommation de viande, rouge mais pas seulement, comme une mesure d'adaptation. Une mesure d'adaptation est, selon la définition du ministère de la Transition écologique et solidaire, le «degré d'ajustement d'un système à des changements climatiques (y compris la variabilité climatique et les extrêmes) afin d'atténuer les dommages potentiels, de tirer parti des opportunités ou de faire face aux conséquences [dues au réchauffement climatique]».

Dans les pays aux revenus élevés, une diminution de la consommation de viande aurait un impact positif sur l'environnement. «La principale raison pour laquelle réduire la consommation de viande est une mesure d'adaptation est qu'elle réduit la pression sur les terres et les eaux, et donc notre vulnérabilité au changement climatique et les limitations d'intrants», dit le rapport.

Les animaux d'élevage impactent eux aussi les émissions de gaz à effet de serre par leur alimentation. «Une réduction de la demande de produits animaux, en tout cas ceux qui consomment des grains comme le porc ou les volailles, fournirait plus de grains pour l'alimentation humaine et libérerait des terres pouvant être consacrées à d'autres productions agricoles», explique Jean-François Soussana, directeur de recherche à l'institut national de la recherche agronomique (INRA) et expert auprès du Giec.