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Un pays peut-il en acheter un autre, ou même une partie ?

Le président américain Donald Trump a émis, le semaine dernière, l'hypothèse d'une acquisition du Groenland par les Etats-Unis. Au regard du droit international, rien ne s'oppose à ce type d'opération.
Ville de Tasiilaq, au Groenland, en juin 2018. (Lucas Jackson/Photo Lucas Jackson. Reuters)
publié le 20 août 2019 à 18h16

Question posée par Baux-Collin le 18/08/2019

Bonjour,

Nous avons raccourci votre question, qui était rédigée ainsi : «Est-il envisageable qu'un pays en achète un autre, ou même une partie ? Je fais référence aux velléités des Etats-Unis d'acquérir le Groenland ?»

Selon un article du Wall Street Journal paru vendredi, le président américain aurait en effet émis, à plusieurs reprises, l'idée que les Etats-Unis fassent l'acquisition du Groenland, un territoire arctique dépendant du Danemark mais bénéficiant d'une large autonomie. L'intérêt de Donald Trump pour ce territoire peuplé de quelque 50 000 personnes a été confirmé par le Président lui-même, dimanche, l'homme parlant d'une «grosse transaction immobilière». Tout en expliquant qu'il ne s'agissait pas, non plus, d'une priorité pour les Américains. Le Groenland est «ouvert aux affaires, pas à la vente», a répondu, de son côté, le gouvernement groenlandais. Peu de chance, donc, que la transaction se fasse.

Un pays peut-il cependant en acheter un autre, ou du moins une partie ? Au regard du droit international, si l'Etat cible est d'accord, rien ne s'y oppose. «L'achat d'un Etat entier lui ferait potentiellement perdre sa souveraineté et disparaître, explique Niki Aloupi, professeure en droit international public à l'université Paris-II Panthéon-Assas. Mais un Etat souverain peut tout à fait décider de cesser d'exister et ce sera alors son dernier acte en tant qu'Etat souverain.»

Concernant la cession d'une partie d'un pays seulement, la question n'est pas tellement différente. «Cela est également parfaitement possible, il s'agit alors d'un transfert volontaire du titre territorial et la cession peut se faire par achat, explique Aloupi. On parle dans ce cas de cession commerciale qui se fait par accord international entre les deux Etats concernés.» Telle l'acquisition de la Corse par la France en 1768, de la Louisiane par les Etats-Unis en 1804, ou encore de l'Alaska cédée par la Russie en 1867.

Bref, si deux Etats souverains se mettent d'accord pour l'achat d'une partie du territoire de l'un par l'autre, «l'intégrité territoriale n'est guère violée puisque l'Etat dont le territoire est amputé a préalablement donné son consentement audit transfert. Donc avec l'accord du Danemark – et uniquement à cette condition – l'opération serait parfaitement conforme au droit international», estime Niki Aloupi.

Quant au concept du «droit des peuples à disposer d'eux-mêmes», tel qu'il figure à l'article premier de la charte de l'ONU, il ne peut être invoqué. «Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est un droit très particulier, concernant notamment les peuples anciennement colonisés, explique Niki Aloupi. Par ailleurs, l'Etat est conçu par le droit international comme un tout quelle que soit son organisation interne ; sa population est un de ses trois éléments constitutifs – avec le territoire et le gouvernement effectif. Du point de vue du droit international public, l'Etat souverain peut céder une partie de son territoire si telle est sa volonté, sans que cela soit contraire au droit international.»

Seule limite à ce type d’opération : le droit interne à chaque pays. Celui-ci peut en effet imposer, par exemple, une consultation de la population concernée. En cas d’échec de la consultation, l’opération ne pourrait donc se faire.