Question posée le 29/08/2019
Bonjour,
Est-il fréquent que les eurodéputés aient des activités professionnelles ou des revenus annexes en plus de leur activité parlementaires? Cette question nous a été posée après les articles que CheckNews a consacrés à Sylvie Goulard. Le choix d'Emmanuel Macron de proposer à la Commission européenne l'ancienne députée européenne a en effet fait polémique. Alors qu'elle siégeait encore au Parlement de Strasbourg, Sylvie Goulard a été rémunérée plus de 10 000 euros bruts par mois pendant plus de deux ans par un think tank, entre octobre 2013 et fin 2015.
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Les eurodéputés ont le droit d'avoir des revenus sans rapport avec leur mandat. Ils doivent cependant en informer le parlement de Strasbourg. L'article 4 du code de conduite des députés rend obligatoire la déclaration de «toute activité régulière rémunérée exercée par le député parallèlement à l'exercice de ses fonctions, que ce soit en qualité de salarié ou de travailleur indépendant», ainsi que «toute activité extérieure occasionnelle rémunérée (y compris les activités d'écriture, de conférence ou d'expertise), si la rémunération totale excède 5 000 EUR par année civile».
Ces informations sont consignées dans une déclaration d'intérêts financiers qui doit être remise au président du Parlement «avant la fin de la première période de session consécutive aux élections au Parlement européen [qui s'est terminée le 18 juillet, ndr]» ou bien, dans les 30 jours de la prise de fonction, si celle-ci a lieu en cours de législature. En cas de changement de leur situation, les députés ont 30 jours pour les rapporter via une nouvelle déclaration.
L'ONG Transparency International a compilé les informations récupérées dans les déclarations des nouveaux membres du parlement, et présente le résultat de son analyse (que CheckNews a pu consulter à l'avance), ce jeudi 26 septembre sur son site de veille integritywatch.eu. «Environ 30% des députés ont déclaré des revenus complémentaires. C'est à peu près la même chose que lors du mandat précédent», contaste Raphaël Kergueno, responsable du plaidoyer intégrité des institutions de l'Union européenne, chez Transparency.
Une transparence très relative
Mais le détail des sommes perçues n’est pas précis, car dans sa déclaration, le député doit seulement indiquer pour chacune de ses activités, une fourchette de revenus, selon les catégories prévues dans le code de déontologie :
– de 1 à 499 euros par mois;
– de 500 à 1 000 euros par mois;
– de 1 001 à 5 000 euros par mois;
– de 5 001 à 10 000 euros par mois;
– plus de 10 000 euros par mois, montant arrondi à la dizaine de milliers d’euros la plus proche.
Ainsi, un député qui déclare une seule activité rémunérée dans la première catégorie, peut gagner entre… 12 et 5 988 euros par an, en plus de son indemnité de mandat. C'est le cas par exemple de la députée Insoumise Manon Aubry ou de l'élu LR Brice Hortefeux. Plus le nombre d'activités augmente plus la fourchette risque d'être grande. Par exemple, Jérôme Rivière du Rassemblement national a déclaré dix activités différentes dont quatre sont rémunérées à chaque fois entre 1000 et 5000 euros. L'eurodéputé perçoit ainsi entre 4 000 et 20 000 euros par mois. Impossible d'en savoir plus. Par ailleurs, «certains députés marquent seulement leur profession, avocat, ou consultant, ce qui ne permet pas de vérifier l'existence d'éventuels conflits d'intérêts», analyse Raphaël Kergueno. Et certaines déclarations restent surprenantes. Silivio Berlusconi ne déclare par exemple aucune activité rémunérée, malgré sa «participation» dans plusieurs entreprises. «Il faudrait une autorité indépendante pour vérifier chaque déclaration, sur le modèle français de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, avec un budget spécifique et un travail de vérification en amont», recommande Raphaël Kergueno.
Par ailleurs, Transparency souligne l'absence de sanctions. «Sur la législature précédente, 24 manquements ont été constatés, mais il n'y a pas eu de sancontions», explique Raphaël Kergueno.
Les élus de la ligue italienne et du Brexit Party , parmi les députés les plus «riches»
Qui sont les députés qui touchent le plus d’argent en plus de leur indemnité de parlementaire européen fixée à 8757,70 euros ? En raison des fourchettes importantes de revenus, il est difficile d’établir un classement certains. De façon prudente, on peut toutefois classer les députés en prenant la fourchette basse des déclarations. En tête, le député britannique du Brexit Party, Ben Habib à la tête de First Property Group PLC, une entreprise de gestion de fonds et un investisseur immobilier perçoit 80 000 euros par mois, en plus de son indemnité de député.
Il est suivi du polonais Radosław Sikorski, membre du parti libéral, ancien président de la Diète et ministre des Affaires étrangères. Il perçoit entre 49 000 et 67 000 euros par mois d'activités annexes, dont 40 000 euros en tant que conseiller de l'ONG Counter Extremism Project qui entend lutter contre les groupes extrémistes «en exerçant des pressions sur les réseaux de soutien financier, en s'opposant au discours des extrémistes et à leur recrutement en ligne, et en préconisant des lois, des politiques et des règlements solides».
En troisième, quatrième et cinquième places on retrouve trois députés du Brexit Party. Nigel Farage, fondateur du Brexit Party perçoit 30 000 euros comme directeur de l'entreprise Thorn in the Side Ltd 30000. The Guardian expliquait en 2014 à ce sujet que le Britannique utilisait cette société pour «réduire sa facture fiscale sur ses apparitions dans les médias». Richard Tice perçoit entre 22 000 et 30000 euros par mois, notamment d'un groupe d'investissement. Enfin, Ann Widdecombe perçoit entre 20 000 et 40 000 euros mensuels en tant que chroniqueuse pour le Daily Express et pour des participations à des émissions et des jeux télévisés. En 2018, elle avait par exemple participé à l'émission de téléréalité, «Celebrity Big Brother».
En regardant par nationalité, on constate que les députés italiens (majoritairement de la ligue de Matteo Salvini) et britanniques (surtout issus du Brexit Party) sont surreprésentés dans le top 30 des Mep percevant les revenus annexes les plus importants, avec six députés chacuns présents dans ce classement.
La France se retrouve à la troisième place, avec quatre Mep dans le classement des trente plus riches. Dans l’ordre : Gilles Lebreton du Rassemblement National (à la 21e place) perçoit 5 000 et 10 500 notamment des revenus comme professeur de droit, presque ex aequo, Raphaël Glucksmann de Place publique reçoit entre 5 000 et 10 000 euros mensuels de droits d’auteur, et Geoffroy Didier, des Républicains qui indique la même fourchette de revenu pour ses activités d’avocat. Jérôme Rivière du RN, gagne entre 4 000 et 20 000 euros comme chef d’entreprise.
Si on regarde par parti, on note le Rassemblement National est le quatrième parti national avec le plus de revenus externes (derrière le Brexit Party, la Lega et le parti libéral d’opposition polonais).
En revanche, si l’on regarde le revenu externe moyen pour les eurodéputés ayant une activité annexe rémunérée, on retrouve le Danemark et la Pologne avant le Royaume-Uni. La France est à la onzième place.
Cordialement