Question posée par Schnabële le 07/10/2019
Bonjour, votre question a été raccourcie, la voici en intégralité : «La société Occurrence en charge de comptabiliser les manifestants contre la PMA dimanche est-elle dirigée par un proche d'Aurore Bergé et emploie-t-elle une ancienne cheffe de projet de LREM ?»
Dimanche, la société Occurrence, pour le compte d'un collectif d'une vingtaine de médias, dont Libération, a recensé 74 500 personnes lors de la manifestation contre la PMA. Les organisateurs, réunis au sein d'un collectif de 21 associations, dont la Manif pour tous, avançaient de leur côté le chiffre de 600 000 manifestants, soit huit fois plus.
Votre question porte sur l’indépendance du cabinet. Ce n’est pas la première fois que certains commentateurs accusent le cabinet de minimiser la participation à un défilé, pour raison politique. CheckNews a déjà eu l’occasion de répondre sur les soupçons relayés par votre question. Il y a un an, les critiques venaient surtout de LFI.
Un proche d’Aurore Bergé à la tête du cabinet ?
Prenons vos questions dans l'ordre. Le cabinet est-il dirigé par un «proche» d'Aurore Bergé ? L'affirmation, qui circule depuis plus d'un an sur les réseaux sociaux, repose sur un seul tweet, dans lequel Assaël Adary, président d'Occurence, affichait son soutien à Aurore Bergé, alors candidate LREM aux législatives. «Aurore Bergé est une ancienne camarade du Celsa, c'est un tweet de soutien en réponse aux attaques dont elle était la cible», avait déjà expliqué Adary à Checknews.
Est-ce qu’Occurrence emploie une cheffe de projet LREM ?
La deuxième partie de votre question renvoie à plusieurs captures d’écran, déjà mises en avant en mai 2018, semblant indiquer qu’une cadre en poste chez Occurrence, Caterina Avanza, est également cheffe de projet pour LREM. Les tweets dénoncent l’aveuglement des médias membres du collectif.
Comme nous l'avions expliqué il y a un an dans un premier article, les deux captures s'appuyaient sur des profils de sites de CV en ligne, Viadeo et Linkedin, qui n'avaient pas été mis à jour depuis plusieurs années. Sur le premier, Caterina Avanza n'a pas de photo de profil et comptait seulement deux contacts. Sur le second, elle n'avait toujours pas de photo de profil et seulement sept relations.
En réalité, si Caterina Avanza a bien travaillé pour Occurrence, c'était il y a plusieurs années. Entre 2006 et 2010 plus précisément, confirmait le PDG d'Occurrence, Assaël Adary, contacté par CheckNews. C'est d'ailleurs indiqué très précisément sur ce profil Linkedin mis à jour. «Caterina n'a plus de relations avec Occurrence depuis 2010», assure-t-il.
En mars 2018, Bompard (LFI) avait exhumé quatre tweets
Pour être complet sur ce sujet, rappelons qu’en mars 2018, à l’occasion des manifestations contre la réforme ferroviaire, Manuel Bompard (LFI) avait également dénoncé la proximité supposée entre la direction d’Occurrence et le pouvoir en place. Il avait mis en lumière quatre tweets.
Dans le premier, daté de mai 2017, Céline Mas, une responsable d’Occurrence, se félicitait de la victoire d’Emmanuel Macron.
Contacté par CheckNews, le président du cabinet d'expertise, Assaël Adary, nous avait répondu : «Il y a 25 collaborateurs à Occurrence. Aussi haute soit la fonction, leurs tweets et retweets n'engagent qu'eux-mêmes.» En résumé, leurs votes personnels n'influent pas sur la politique de l'entreprise, affirme son fondateur.
Dans un deuxième tweet, le président d'Occurrence lui-même félicitait une ancienne élève du Celsa (Céline Calvez, LREM) d'avoir été élue députée… et l'invitant à venir partager son expérience. Assaël Adary est un ancien élève du Celsa, et président des «Alumni». «Si elle avait été avec La France insoumise, je l'aurais félicité de la même manière», avait-il affirmé à Arrêt sur images.
En novembre 2017, Adary avait aussi retweeté un message du secrétaire d’Etat au numérique interpellant Uber sur la protection des données… pour proposer ses services à la société de VTC (sous forme de plaisanterie).
Enfin, les détracteurs d'Occurrence avaient relevé un retweet d'Adary de la dircom d'EY, Emmanuelle Raveau, citant un tweet d'Emmanuel Macron sur l'entreprenariat. «Elle est aussi présidente d'une association de communicants dont je suis secrétaire général. Je n'ai fait que retweeter ma présidente», justifiait-il.
Un collectif d’une vingtaine de médias
A ce jour, ces critiques récurrentes, fondées sur quelques tweets, n'ont pas remis en cause la confiance des médias dans le dispositif de comptage, auquel les journalistes sont associés. Pour rappel, et comme nous l'avions déjà expliqué, Occurrence fait depuis un an et demi le décompte des manifestants pour un collectif d'une vingtaine de médias (dont Libération), respectant une grande pluralité sur le plan politique (du Figaro à Mediapart). Précisons aussi qu'Occurrence a été choisi par les médias eux-mêmes. Voici ce que racontait à ce sujet à Checknews Thomas Legrand, éditorialiste politique sur France Inter, à l'initiative du projet en septembre 2017 :
<a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-edito-politique/l-edito-politique-25-septembre-2017" target="_blank">A la suite d'un édito</a>, un confrère m'a parlé d'une société qui comptait les manifestants. J'ai googlé <em>«décompte de manifestants»</em> et j'ai fini par tomber sur Occurrence. Ce qui m'a intéressé, c'est justement que la société avait un dispositif de comptage des foules pas du tout dans un but politique, mais pour des entreprises, comme des centres commerciaux par exemple, soucieuses de l'exactitude du nombre, puisqu'elles font des ajustements logistiques à partir de ces données. Je suis allé le voir, et j'ai lancé un grand appel à l'ensemble des médias. On a fait des réunions, dans les locaux de l'AFP, par souci de neutralité. En tout cas, même si le patron d'Occurrence était très content que je le contacte, parce qu'il faisait du comptage de manifs depuis des années déjà sans aucune visibilité, ce n'est pas lui qui est venu me démarcher.
Checknews avait répondu, il y a un an, à une question concernant les différentes critiques visant le dispositif.
Cordialement