Question posée le 14/10/2019
Bonjour,
Vous nous interrogez sur un tweet publié par le député européen du Rassemblement national Gilbert Collard au sujet d'une photo prise dans un manuel de 5e. L'image ne permet pas de voir l'ensemble de la page mais uniquement un encadré intitulé «Djihad» dans lequel on peut lire un extrait du Coran. «L'apologie du djihad dans un livre de 5e…», commente-t-il.
La capture d'écran diffusée est authentique. Elle est issue d'un ouvrage édité par Hatier, effectivement à destination des élèves de 5e.
L' apologie du djihad dans un livre de 5ème... pic.twitter.com/nCEKdywkvB
— Gilbert Collard (@GilbertCollard) October 7, 2019
Gilbert Collard n'est pas le premier élu à critiquer cet extrait. Début septembre, Julien Aubert, député Les Républicains établissait un lien avec de la propagande jihadiste actuelle et demandait que le manuel «soit remplacé au plus vite». Dans son tweet, il partage aussi la couverture du livre édité par Hatier.
Précisément le verset de référence des discours de recrutement des djihadistes ! Pourquoi laisser cet extrait, cette definition du Djihad, dans un ouvrage scolaire pour des pré-ados, sans contextualisation ? Je demande à ce que ce manuel soit remplacé au plus vite ! @jmblanquer pic.twitter.com/RkzbY3ZyRC
— Julien Aubert (@JulienAubert84) September 6, 2019
Un outil pédagogique
Contactée, la maison d'édition explique avoir travaillé sur la base du programme officiel de 5e, et dans ce cas précisément autour du premier thème d'histoire intitulé «Chrétientés et islam (VIe-XIIIe siècles), des mondes en contact». Dans le Bulletin officiel, le ministère précise notamment que ce chapitre «est centré sur la religion et met en avant les contacts entre des "mondes". On insiste dans la colonne "démarches et contenus d'enseignement" sur des "sociétés marquées par la religion" et sur la notion "d'empire"».
L'extrait du Coran choisi par Hatier «est ce qu'on appelle très communément un document historique, un texte source. L'enseignant s'en empare et l'explicite à ses élèves», commente Marie-Pascale Widemann, directrice éditoriale du scolaire secondaire chez Hatier. Le texte fait partie d'une double page sur l'Empire arabo-musulman, avec comme problématique la question suivante : «Comment se construit et se morcelle le nouvel Empire arabo-musulman ?» En dessous du passage du Coran, on retrouve un lexique qui propose une définition des termes «calife», «djihad» et de «la sunna».
Côté enseignant, Christine Guimonnet, secrétaire générale de l'APHG (Association des professeurs d'histoire et de géographie) balaie aussi la polémique en renvoyant au programme officiel : «Le premier thème du programme de 5e est fait pour travailler sur la notion d'empire et la notion de sociétés marquées par les religions au Moyen Age. Et il y a dans l'islam, effectivement, la notion de jihad. A une époque très marquée par les croyances religieuses, on fait la guerre pour contenter Dieu. Et dans le monde chrétien aussi», commente-elle avant de rappeler, par ailleurs, que le manuel est simplement «un outil de travail».
Ce n'est pas la première fois que l'enseignement du «jihad» au collège est l'objet de critiques, parfois contradictoires entre elles. Ainsi, en 2016, Barbara Lefebvre, professeure d'histoire-géographie, interrogée dans le Figaro Vox, reprochait à l'inverse aux programmes d'histoire de 2016 de ne pas assez aborder la notion de «jihad de conquête», supposément pour gommer cet aspect de l'histoire de l'islam.
«Approcher la question par les notions de théocratie et de "contact" entre les chrétientés occidentale et byzantine et l'islam est judicieux, mais on peut être troublé de la volonté explicite des programmes d'accorder davantage d'attention aux "contacts pacifiques" comme le commerce ou les sciences, plutôt qu'aux contacts guerriers, à savoir les croisades et le jihad de conquête», déplorait-elle.
Autre exemple : le site musulman Islam et Info reprochait, lui, en 2015 à des manuels scolaires de présenter la notion de jihad uniquement dans sa dimension guerrière, et rappelait qu'il s'agit d'un concept «bien plus complexe».
A noter que le manuel de Hatier critiqué par Gilbert Collard propose en encadré, sous l'extrait ciblé, une définition plus générale du jihad qui renvoie globalement «aux actions pour renforcer la foi musulmane», «et donc aussi la guerre menée contre les non-musulmans».
Cordialement