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Un prêtre et une religieuse avaient-ils dû retirer leur croix et leur voile pour entrer dans l'Assemblée en 2000 ?

L'anecdote datant de 2000 et selon laquelle, sous la présidence de Laurent Fabius, un prêtre et une religieuse avaient dû retirer leur croix et leur coiffe pour entrer à l'Assemblée nationale, a été exhumée ces derniers jours.
L'hémicycle de l'Assemblée nationale lors d'une séance de questions au gouvernement, le 15 octobre. (Illustration) (Photo Christophe Archambault. AFP)
publié le 30 octobre 2019 à 6h44

Question posée par Alex le 28/10/2019

Bonjour,

Nous avons modifié votre question, qui était à l'origine : «Un curé a-t-il été obligé d'enlever sa croix sous Fabius dans l'Assemblée nationale ?»

Vous faites référence à un fait, datant des années 2000, qui a ressurgi récemment sur les réseaux sociaux. L'histoire en question est contée dans un article du Figaro, publié le 25 novembre 2009, qui revenait à l'époque sur un début de polémique au sein de l'Assemblée nationale, après l'apparition d'une étudiante voilée venue assister aux débats au sein de l'hémicycle.

«Ce n'est pas la première fois que le port de signes religieux fait polémique dans l'enceinte même du Palais-Bourbon. Déjà, en 2000, sous la présidence du socialiste Laurent Fabius, un prêtre et une religieuse avaient dû respectivement retirer leur croix et leur voile pour s'asseoir dans l'hémicycle», écrivait le Figaro en conclusion de son article.

L'anecdote est réapparue ces derniers jours en ligne après l'attaque d'un élu RN contre une femme portant le voile au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, le 11 octobre. Relayée notamment sur le site d'extrême droite Fdesouche, elle a été reprise par de nombreux internautes, dénonçant notamment une «laïcité à géométrie variable». Parlant de la femme voilée agressée par un élu, l'un d'eux écrit par exemple sur Twitter : «C'est vrai qu'elle a l'air maltraitée la pauvre… Laurent Fabius avait fait enlever son voile à une bonne sœur à l'Assemblée Nationale. Personne n'en avait fait un scandale. Alors que là…»

Cette anecdote est-elle vraie ? Contactés par CheckNews, ni Laurent Fabius, ni l’Assemblée nationale ne se souviennent d’un tel épisode. Et pour cause : il ne s’est pas déroulé à l’intérieur de l’hémicycle, comme l’a confirmé à CheckNews Michel Voisin, député UMP (puis LR) de l’Ain de 1988 à 2017, qui a été témoin direct des faits.

Le nom de ce parlementaire apparaît en effet dans un article de l'Express datant de novembre 2009, dans lequel on peut lire : «Le député de l'Ain Michel Voisin a assuré qu'en 2000 une religieuse catholique avait été contrainte d'enlever son voile pour monter en tribune, tandis que l'aumônier militaire qui l'accompagnait se délestait de sa grosse croix en bois.»

Contacté par CheckNews, Michel Voisin raconte : «J'avais reçu Serge Placide, aumônier militaire, par ailleurs curé, et sœur Marie-Françoise. J'avais déjeuné avec eux, et ensuite je les ai emmenés à l'Assemblée pour leur permettre d'assister aux questions d'actualité. C'est là, à la réception du public, qu'un agent a demandé à la sœur d'enlever sa coiffe et au curé de retirer sa croix avant d'entrer.»

Egalement contacté par CheckNews, Serge Placide dément avoir dû retirer sa croix (qui était sur son vêtement), mais confirme que sœur Marie-Françoise avait dû retirer sa coiffe avant de pénétrer dans l’hémicycle. Cette dernière n’a, pour l’heure, pas pu être jointe par CheckNews.

Le port de tenues manifestant une appartenance religieuse autorisée

Que dit le règlement vis-à-vis du port religieux au sein de l'hémicycle pour les élus et pour les visiteurs ? Pour ces derniers, «l'article 8 de l'IGB [Instruction générale du bureau, ndlr], qui dispose que le public qui assiste aux séances se tient "découvert", n'est pas interprété à la lettre», répond le service de presse de l'Assemblée nationale à CheckNews.

Et d'ajouter : «Le port de tenues manifestant une appartenance religieuse n'est pas en soi interdit. Ce n'est que dans le cas où le président de séance estimerait que le port de telles tenues est de nature à troubler l'ordre ou le bon déroulement des débats qu'il pourrait être amené à prendre des mesures. Cette tolérance permet d'accueillir en tribune des députées ou d'autres invitées étrangères voilées.» Le cas de figure de 2000 apparaît donc comme une lecture très zélée du règlement intérieur par le personnel de l'Assemblée.

Concernant les députés, l'article 9 de l'IGB relatif à la tenue en séance dispose que «la tenue vestimentaire adoptée par les députés dans l'hémicycle doit rester neutre et s'apparenter à une tenue de ville. Elle ne saurait être le prétexte à la manifestation de l'expression d'une quelconque opinion : est ainsi notamment prohibé le port de tout signe religieux ostensible, d'un uniforme, de logos ou messages commerciaux ou de slogans de nature politique».

Cordialement