Question posée par Daniel le 14/01/2020
Bonjour,
Votre question fait référence à la mobilisation des avocats, nombreux à faire entendre leur mécontentement face à la réforme des retraites. Depuis plusieurs jours, ils sont engagés dans un mouvement de grève, réclamant principalement le maintien de leur régime autonome. Une mobilisation qui s'est traduite, à Caen, le 8 janvier, par le dépôt symbolique de leurs robes aux pieds de la Garde des sceaux, Nicole Belloubet. Au barreau de Toulouse, des avocats organisent notamment des sittings, des clappings. Et demandent surtout des reports d'audiences dans différentes juridictions, que ce soit au tribunal administratif ou aux assises.
Maître Manuel Furet, bâtonnier du barreau de Toulouse explique les revendications des avocats dans le cadre de la réforme des retraites #Toulouse https://t.co/d63wNmmeCf pic.twitter.com/DboE4nTSJR
— Benoit Leroy (@benoit_ler) January 13, 2020
Dans ce cadre, vous nous demandez si le parquet de Toulouse fait pression sur les avocats grévistes en refusant de reporter des audiences. Une membre du barreau de Toulouse ainsi que le bâtonnier, Manuel Furet, indiquent à CheckNews que les reports d'audience sont majoritaires. Donc que la plupart des présidents de tribunal ont accédé à leurs requêtes, de sorte que la grève puisse être observée. «Le principe d'indépendance des magistrats fait qu'ils sont libres de reporter ou de maintenir l'audience. Heureusement, beaucoup de juridictions nous ont suivis mais des contentieux se sont joués sur des audiences symboliques», indique le bâtonnier.
Ainsi, aux assises de Toulouse le 6 janvier, le président a finalement décidé de maintenir la session malgré la demande des avocats. «Une avocate a été commise d'office alors qu'elle entendait exercer son droit de grève. Du coup, on a réfléchi : le 9 janvier, nous sommes venus plaider à 44 avocats.» L'idée, derrière cette «défense du zèle», étant bien d'engorger la juridiction. Résultat, les autres audiences aux assises, les 9 et 13 janvier, ont finalement été reportées.
Contacté par CheckNews, Dominique Alzeari, le procureur de la République de la Toulouse, réfute toute pression exercée sur le mouvement de grève des avocats. «Il y a beaucoup de fantasmes, constate-t-il. Nous n'avons ni les moyens ni l'envie de faire pression. Mais c'est vrai qu'il y a un très gros impact de la mobilisation sur le fonctionnement des juridictions. On privilégie en amont les échanges avec le barreau mais quasiment toutes les audiences sont concernées par des actions qui entravent leur bonne tenue.»
Contentieux des libertés
Sur le fond du mouvement, le procureur entend respecter son obligation de réserve. Il pose toutefois la question du droit des détenus qui, pour certains, selon lui, «ont vu leur période d'incarcération prolongée». Il poursuit : «Cette mobilisation touche aussi les détenus. La limite, c'est le respect des droits fondamentaux des personnes.»
Le procureur fait ici référence aux contentieux des libertés, concernés eux aussi par le mouvement de grève. Un enjeu bien connu du bâtonnier : «Cette question d'élargir aussi nos actions aux contentieux des libertés, au tribunal administratif, a fait l'objet d'un débat entre nous. C'est un enjeu important. C'est pourquoi, dans certains cas, on demande des débats différés – c'est-à-dire décalés de vingt-quatre ou quarante-huit heures – au lieu de reports purs et simples. Mais cette option alternative n'est pas forcément retenue par les magistrats. Certains d'entre eux ont menacé de maintenir l'audience sans avocat, ce qui, pour nous, n'est pas envisageable. Donc nous avons changé notre fusil d'épaule et préféré cette fameuse "défense du zèle".» En plaidant, par exemple, un dossier d'obligation de quitter le territoire français (OQTF) «en trois heures au lieu de dix minutes, à dix avocats».
Cordialement