Question posée le 24 février 2020
Bonjour,
Alors que l'Italie dénombre désormais 7 morts et 229 cas de Covid-19, vous nous interrogez sur des propos tenus fin janvier par le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, faisant du voisin transalpin un exemple à suivre. Depuis l'aéroport de Roissy, il dénonçait «la légèreté du gouvernement français». Prenant alors l'exemple des mesures mises en place dans d'autres pays, il indique à propos de l'Italie : «L'Italie effectue des contrôles thermiques dans tous les avions», puis, à propos de la France, il embrayait : «Pendant ce temps-là, madame Buzyn se contente de mettre des affichettes dans les halls d'aéroport, ce qui bien sûr n'est pas du tout à la hauteur de la menace.»
#CoronaVirus : l'aéroport de Roissy à Paris est l'un des plus exposés au monde, l'inconscience du Gouvernement n'est plus tolérable. Debout La France propose un vrai plan d'action inspiré par les expériences concrètes d'autres pays plus sérieux comme la Russie, l'Italie... pic.twitter.com/uqBJjuWov0
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) January 30, 2020
Comparons premièrement les différentes mesures qui ont été mises en place. Le 30 janvier, l'Italie confirme que deux cas de coronavirus sont à l'isolation dans un hôpital romain. Le même jour, le pays suspend ses vols en provenance de Chine, Hongkong, Macao et Taiwan. «Des médecins venus à bord avec des masques et des combinaisons ont pris la température des passagers et du personnel», indique alors le Corriere della Sera à propos des derniers vols arrivant de Chine. Des renseignements leur ont aussi été donnés sur les endroits où se tourner en cas de symptômes suspects et «il a été demandé à chacun de remplir un formulaire indiquant son lieu de résidence et ses déplacements passés et futurs afin de "suivre" les passagers en cas d'infection future». Le gouvernement italien affirme alors être le premier pays à suspendre le trafic européen avec la Chine.
Un blocus des vols critiqué
Mais la mesure est alors décriée. Le même article explique ainsi : «Les experts du transport aérien ont des doutes sur l'efficacité d'une fermeture de l'espace aérien à destination et en provenance de la Chine. Un cadre d'une compagnie aérienne chinoise basée en Italie – contacté pendant la nuit par le Corriere – souligne que le blocus des vols directs à destination et en provenance de la Chine a un impact positif limité. "Des milliers de passagers chinois arrivent en Italie sans correspondance directe, mais font une escale à Dubaï, Doha, Istanbul, Moscou, puis embarquent dans les avions d'Emirates, de Qatar Airways, de Turkish Airlines et d'Aeroflot", a-t-il souligné.»
Le représentant italien à l'OMS et ancien président du Conseil supérieur de la Santé Walter Ricciardi a lui aussi critiqué la communication du gouvernement italien à ce sujet, dénonçant une contradiction entre le blocus des vols et le refus de placer les personnes rentrant de Chine en quarantaine. Dans une interview à la Stampa la semaine dernière, il expliquait ainsi : «Comme l'OMS l'a répété à plusieurs reprises, il s'agit d'une décision qui n'a aucune preuve scientifique. Au contraire, cela peut être contre-productif, parce que les gens de Chine peuvent toujours entrer par d'autres aéroports internationaux, et vous finissez par perdre le contrôle.» A la radio le lendemain, il indiquait : «Ils étaient censés mettre en quarantaine les personnes revenant des zones à risque en Chine. J'avais également dit que tous ceux qui débarquaient de Chine devaient être mis en quarantaine. Je ne sais pas pourquoi nous n'avons pas été entendus. Le gouvernement a surestimé l'efficacité du blocus des vols directs – qui n'est retardé que parce que les gens se déplacent de toute façon – et aurait dû mettre en quarantaine les personnes revenant des zones dangereuses de la Chine. Quels que soient leur âge, leur sexe et leur religion, ils auraient dû être mis en quarantaine.»
Jusqu'au blocus, les vols en provenance de Chine étaient détournés vers deux aéroports seulement : Rome et Milan, explique le ministère de la Santé, et leurs passagers l'objet d'une «surveillance active». Les informations des passagers et membres d'équipages étaient récoltées pour pouvoir les retrouver «dans tout le pays dans les deux semaines suivant l'arrivée» et leur température était prise directement dans l'avion par des thermomètres infrarouges. «Des circulaires contenant des indications opérationnelles ont été diffusées aux institutions, organismes et organisations professionnelles intéressés. Du matériel d'information destiné aux voyageurs internationaux a été diffusé dans les aéroports en italien, en anglais et en chinois», précise par ailleurs le ministère.
Les compagnies chinoises poursuivent les vols entre la France et la Chine
Qu’en est-il en France ? Si le ministère de la Santé recommande de reporter les voyages en Chine, les liaisons avec la Chine n’ont pas été totalement suspendues. Les compagnies françaises effectuant une liaison directe vers la Chine, Air France et Air Austral (qui effectuait une liaison entre Guangzhou et Saint-Denis de la Réunion) ont interrompu tous leurs vols, respectivement jusqu’au 29 mars et mois de juin. Les compagnies chinoises, elles, ont réduit le nombre de liaisons, mais des vols sont toujours assurés entre la Chine et Paris.
Pour les voyageurs arrivant de Chine, Hongkong, Macao, Singapour et Corée du Sud, «un accueil spécifique […] assuré par des personnels d'association agréés de sécurité civile, en lien avec le service médical de l'aéroport et renforcé de professionnels médicaux et paramédicaux issus de la réserve sanitaire du ministère chargé de la Santé» est mis en place. Il n'est pas spécifié dans les documents publics si cet accueil comprend systématiquement une prise de température. Les vols en provenance de Chine atterrissent systématiquement à Roissy.
Comme l'expliquait Libération ce mardi matin, «les deux centres médicaux situés à Orly Sud et au terminal 2F de Roissy ont été renforcés en équipes médicales. Les passagers qui auraient des doutes sur l'apparition de symptômes peuvent y consulter vingt-quatre heures sur vingt-quatre». Des fiches de traçabilité sont aussi émises sur tous les passagers des vols directs en provenance de zones à risque, indique par ailleurs la direction générale de l'aviation civile à CheckNews. Dans les aéroports reliés à des hubs vers les régions à risque, «une distribution ciblée de masques et flyers» est effectuée.
Par ailleurs, le gouvernement donne plusieurs recommandations aux personnes rentrant de Chine ou de zones à risque, comme surveiller sa température deux fois par jour, se laver les mains régulièrement, éviter les contacts avec des personnes fragiles, ou encore ne pas envoyer à l’école les enfants, collégiens ou lycéens. En cas de symptômes, il est recommandé d’appeler le Samu directement.
Des affiches et des tracts de ce type sont distribués dans tous les aéroports accueillant des vols internationaux.
Pour rappel, l'Italie recherche encore le patient zéro à l'origine de l'épidémie dans le nord du pays. On ignore donc si ces mesures mises en place dans les aéroports ont un rapport ou non avec l'augmentation de cas de Covid-19 dans le pays. Mardi matin, le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, a pointé la responsabilité d'un hôpital, à la gestion «pas complètement appropriée», dans la flambée du nouveau coronavirus.
Cordialement