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Pourquoi les autorités ne donnent pas la localité précise des nouveaux cas de Covid-19 ?

Les autorités revendiquent la discrétion, autant que possible, quant aux lieux de résidence des cas positifs. Pour des raisons de confidentialité mais aussi pour ne pas affoler la population.
(VALERY HACHE/Photo Valery Hache. AFP)
publié le 10 mars 2020 à 10h14

Question posée par David Torondel, le 09/03/2020.

Bonjour, votre question porte sur la communication (variable), par les autorités, des lieux de résidence des personnes touchées par le Covid-19.

Si certains médias, locaux ou nationaux, tentent depuis le début de l'épidémie de dresser la carte des communes touchées, les ARS (agences régionales de santé), en charge de la communication sur le Covid-19 en lien avec les préfectures, ne donnent, la plupart du temps, pas d'éléments sur le lieu de résidence des nouveaux cas diagnostiqués. Une discrétion revendiquée.

«Cela sème un vent de panique inutile»

Dans le Finistère, deux nouveaux cas ont été annoncés les 6 et 7 mars, sans indication sur les villes de résidence. Sur Facebook, alors que des internautes s'étonnaient ou déploraient cette absence de précisions, l'ARS de Bretagne s'est ainsi justifiée : «Les médecins épidémiologistes enquêteurs considèrent que le lieu de résidence des patients constitue des informations d'ordre privé. Ainsi, nous ne les communiquons pas, sauf pour les communes où sont enregistrés les cas groupés (cluster).»

Capture d’écran de la page Facebook de l’ARS de Bretagne

De fait, les communiqués des différentes ARS mentionnent quasi systématiquement le nombre de cas par département, sans indications plus précises.

Contacté par CheckNews, l'ARS d'Ile-de-France explique : «La communication se fait avec la préfecture. Mais notre avis est de ne pas donner de détails, car cela sème un vent de panique inutile de dire que telle ou telle commune est concernée.» L'ARS des Hauts-de-France, également jointe par CheckNews, insiste sur le souci de «ne pas rendre les personnes identifiables». Pour autant, dans le Pas-de-Calais, deux nouveaux cas ont par exemple été annoncés récemment, avec indication des villes d'origine.

L’exemple du Var

Cette règle peut parfois connaître des entorses. Ce fut par exemple le cas pour le premier cas dans le Var. Le 5 mars, publicité est faite d'un premier cas dans le département, d'une femme âgée de 68 ans résidant à Six-Fours-les-Plages. La préfecture, l'ARS et le maire de la ville ont publié l'information sur le lieu de résidence de la malade. «La décision a été prise par la préfecture et l'ARS», indique la mairie. Pourquoi l'avoir fait ? La préfecture invoque la difficulté de se soustraire, à ce moment-là, à la pression médiatique : «C'était le premier cas. Et ç'aurait été la première question que les journalistes nous auraient posée.»

Les trois cas suivants diagnostiqués dans le Var ont été communiqués dans les points quotidiens de l’ARS de Paca, mais cette fois sans mention de la commune.

Un cinquième cas varois a été rendu public dimanche 8 mars. Il s'agit à nouveau de Six-Fours-les-Plages, mais la problématique était différente, puisqu'il s'agissait d'une collégienne de 11 ans (sans lien avec le premier cas). «Si un établissement scolaire est concerné, on va évidemment communiquer sur la commune, parce que des mesures de précautions doivent y être prises», explique l'agence. De fait, l'ARS et la préfecture ont communiqué sur l'établissement et même la classe de la jeune fille. Ses camarades devront être confinés à leur domicile. Le collège a été fermé pour deux semaines.

Depuis, quatre nouveaux cas ont été enregistrés dans le Var. Ils ont été annoncés, lundi, sans communication sur les communes concernées.

L'ARS de Paca revendique la discrétion et évoque des consignes de Santé Publique France (une agence nationale dépendant du ministère de la Santé) : «La recommandation, c'est de ne pas donner de localisation des communes de résidences des cas positifs. On donne en revanche le lieu d'hospitalisation. L'enjeu, c'est de ne pas créer de vent de panique dans les communes. Mais aussi, à l'inverse, de ne pas donner aux gens l'impression que les "gestes barrières" [comme se laver les mains, éviter de se toucher la bouche, le nez, les yeux, ndlr] ne s'appliquent pas à eux parce que leur commune ne serait pas touchée. Il faut rappeler que les gestes barrières doivent être appliquées par tout le monde, qu'on vive dans une commune avec des cas identifiés, ou pas. On a expliqué les enjeux aux journalistes locaux

A noter que cette problématique de dénombrement précis et de localisation des nouveaux cas est en passe d’être dépassée. Si la phase 2, qui demeure le stade actuel de l’épidémie, vise à identifier les cas positifs afin de pouvoir tracer (et retarder) la propagation de l’épidémie, on va sortir de cette logique avec la phase 3. Celle-ci correspond au moment où il n’est plus possible de freiner l’épidémie, et où les autorités cherchent à en atténuer les effets, notamment en se concentrant sur les cas les plus sévères. A ce stade, les tests ne sont plus alors destinés aux malades possibles mais réservés aux cas les plus graves (pour rappel, le Covid-19 est bénin dans 80% des cas). La question de savoir combien de cas sont enregistrés par commune ou département perd ainsi beaucoup de son sens. Puisqu’il est alors assumé que nombreux cas positifs ne sont plus testés. En phase 3, on considère que l’épidémie concerne tout le territoire.