Question posée par Vincent le 22/03/2020
Bonjour,
«Un sans-abri irresponsable écope de 135 euros d'amende pour ne pas avoir respecté le confinement.» Le Gorafi signait à peine ce trait d'humour (noir), que des médias bien plus sérieux relayaient des informations similaires, au premier degré cette fois.
Ainsi le 19 mars, dans un article aujourd'hui supprimé, le Progrès faisait état de plusieurs verbalisations de ce type, «quatre ou cinq», selon le Samu social du Rhône interrogé par le quotidien. Celui-ci renvoyant également vers le post Facebook d'un travailleur social du 115 assurant : «Plusieurs personnes SDF aujourd'hui m'ont appelé pour se plaindre d'avoir pris une amende de 38 euros car elles ne respectent pas le confinement.»
Le lendemain, une dépêche AFP enfonce le clou. Sous le titre «Coronavirus : des SDF verbalisés pour non-respect du confinement», on lit : «Des cas ont notamment été recensés à Paris, Lyon et Bayonne, précisent les associations.» Cette source est d'ailleurs ajoutée dès le titre d'une seconde mouture de la dépêche : «Coronavirus : des SDF verbalisés pour non-respect du confinement, selon les associations».
Vous nous avez aussi demandé : Que va-t-il advenir des personnes sans-abri durant l'épidémie ?
Plusieurs villes sont mentionnées dans cet article : Paris, Lyon et Bayonne. Pour ce qui est de la capitale, le Samu social détaille à CheckNews : «Nous n'avons pas constaté de problèmes lors de nos maraudes. Ce sont surtout les familles qui se déplacent pour rejoindre les hôtels sociaux que nous gérons qui ont rencontré des difficultés.» Le 115 assure avoir eu «des alertes» concernant des contraventions : «Ces familles n'ont pas forcément l'attestation, elles ne parlent pas forcément la langue, et elles passent trois nuits ici, quatre là… C'est quand elles se déplacent d'un endroit à l'autre qu'elles sont exposées.»
De son côté, la préfecture de police de Paris assure n'avoir «pas eu de remontées sur des verbalisations de SDF». Tout en précisant que des «consignes ont été données aux directions pour que les agents fassent preuve de discernement» à l'endroit de ces publics.
Lyon, Bayonne, Rochefort
A Lyon où a été recensé, semble-t-il, le premier cas de verbalisation d'un SDF pour non-respect du confinement, la préfecture du Rhône y est allée d'un démenti ferme. A la suite d'une «enquête interne», les services de l'Etat dans le département ont assuré «qu'aucune personne sans abri n'a été verbalisée». Allant même jusqu'à taxer de «fake news» l'article du Progrès à ce sujet. Celui-ci a d'ailleurs été supprimé et le rétropédalage est allé jusqu'à la publication d'un autre papier, titré : «Aucun SDF verbalisé pour non-confinement, annonce le préfet». Le Progrès écrit : «Selon nos informations, six [PV] portaient la mention "SDF". Il s'agit en réalité de six individus en infraction […] qui ont déclaré ne pas avoir de domicile fixe. Il s'agit d'un subterfuge régulièrement utilisé par certains délinquants pour échapper aux sanctions. La mention "SDF" figure donc sur le PV, mais ne reflète pas la réalité de leur situation.»
Troisième ville mentionnée par l'AFP : Bayonne. Si la municipalité a démenti que sa police ait dressé une quelconque contravention de ce type, la préfecture des Pyrénées-Atlantiques reconnaît auprès de CheckNews : «Effectivement, nous avons verbalisé un SDF. Pour deux raisons : parce qu'il était très mobile, il a été aperçu dans plusieurs villes du département. Et parce qu'il a été particulièrement agressif avec les forces de l'ordre.»
Autre cas de figure, celui de Rochefort (Charente-Maritime). C'est un article de Sud-Ouest qui relève, samedi : «Trois personnes sans domicile fixe, qui attendaient pour se doucher devant l'accueil de jour, et un éducateur, ont pris un PV.» Contactée à ce sujet, la préfecture de Charente-Maritime godille : «Au départ, les policiers n'avaient pas l'intention de verbaliser les SDF. Mais du fait de leur attitude virulente, ils ont bien dressé une contravention.»
Consignes ministérielles
Au cabinet du ministre chargé de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, on promet que «la consigne a été passée auprès des forces de l'ordre, par l'intermédiaire des préfets, qu'il ne fallait pas verbaliser les personnes sans-abri qui sont à la rue». Même réponse du ministère de l'Intérieur : «Par acquit de conscience on a fait passer les consignes de ne pas verbaliser les SDF, même si cela va de soi.»
A en croire les pouvoirs publics nationaux, la norme est la tolérance du non-respect du confinement, et les contraventions contre les personnes SDF seraient donc dressées sous le régime de l'exception. Des cas particuliers, donc, qui seraient justifiés, d'après les préfectures contactées par CheckNews, par le comportement des personnes contrôlées.