Question posée par Doudzi le 23/03/2020
Bonjour,
Vous nous avez demandé s’il était possible de se rendre dans l’établissement de son enfant pour aller récupérer du matériel pédagogique, tout en nous apportant votre témoignage :
«Jean-Michel Blanquer a déclaré [le 18 mars, ndlr] : "Vous avez le droit, en tant qu'adultes, d'aller à l'école chercher les éléments, avec les attestations prévues par le ministère de l'Intérieur." Or moi j'y suis allé, je n'ai vu personne, en plus la police m'a contrôlé au retour et m'a soutenu que ce n'était pas un motif légitime pour un déplacement dérogatoire.»
Il est prévu selon certaines conditions que des parents puissent se rendre dans un établissement pour aller chercher des devoirs. Le 20 mars, le ministre de l'Education nationale a précisé que ce déplacement était un «motif familial impérieux» (qui rentre dans le cadre des sorties dérogatoires). «Très souvent, ce travail peut être regroupé sur plusieurs jours et donc ça ne vous oblige pas à un déplacement quotidien», a-t-il précisé, en ajoutant que des envois par la poste étaient aussi possibles.
Contacté, le ministère de l'Education nationale a indiqué que ce sujet est «régulièrement discuté en conseil interministériel. En cas de durcissement des mesures de confinement, il est étudié la possibilité de recourir à d'autres moyens, comme les envois postaux». Et pour l'instant, les venues dans les écoles sont accordées à titre «exceptionnel», si la famille n'a aucune ressource numérique par exemple, nous explique-t-on. Le ministère de l'Intérieur indiquait par ailleurs en début de semaine à Checknews qu'une circulaire sur «les modalités de récupération du matériel pédagogique par les parents» était en cours de validation.
Mais selon les représentants syndicaux contactés par Checknews, les échanges de documents, ressources ou devoirs n'ont dans les faits rien d'exceptionnel. «Dans une école qui n'est pas en réseau prioritaire, sur 29 enfants, quatre n'avaient pas de matériel numérique», illustre Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp (syndicat majoritaire dans le primaire). «Dans les réseaux prioritaires, la quasi-totalité des familles ont juste des téléphones et pas d'ordinateurs. La continuité pédagogique est un leurre. Tous les élèves ne sont pas logés à la même enseigne. Et à la campagne, certains habitent loin de l'établissement», raconte Bernard Valin, cosecrétaire départemental du Snuipp FSU 44.
Du matériel déposé sur des murets ou en bas des immeubles
Par ailleurs, «il y a des initiatives individuelles [d'enseignants] car la pression exercée sur les enseignants est très forte», estime Valérie Sipahimalani, secrétaire générale adjointe du Snes (principal syndicat dans le secondaire). Reste que de nombreux échanges se font – toujours d'après les syndicats – en dehors des murs des établissements.
«En l'absence de test du Covid-19, on constitue tous des vecteurs potentiels. Il ne peut pas y avoir des allées et venues dans les écoles. Mais les équipes pédagogiques ont le souci de ceux qui n'ont pas de ressources», explique Francette Popineau.
Elle donne l'exemple de professeurs qui «se sont accordés pour déposer du travail en dehors de l'école, une fois par semaine, sur un muret. Les parents ont tous une heure de rendez-vous différente pour ne pas se croiser. Ils appellent ça "l'école drive"», ou d'une collègue qui est venue «à 6 heures du matin devants tous les bâtiments de la cité déposer des pochettes avec les noms des enfants et de la pâte à modeler qu'elle avait fabriquée à l'intérieur».
A noter qu'il ne sert à rien en tant que parent de se rendre dans l'établissement de son enfant de sa propre initiative. «Normalement, les enseignants contactent les familles d'abord s'il y a du travail à venir chercher», explique Valérie Sipahimalani. Et les rendez-vous à l'école ou en dehors «ne doivent pas servir de modèle», estime Francette Popineau. «Si les enseignants ou les familles ont peur de sortir, ils doivent pouvoir rester chez eux.»
Cordialement